THEATRE - « L’Intrus », d’Antoine Rault

Une complicité idéale

Publié le 21/09/2011
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Crédit photo : LOT

LE PROGRAMME nous prévient que ce que tente de cerner Antoine Rault dans « l’Intrus » est ce qui se passe dans la tête d’Henri (Claude Rich). Il a été un grand savant, spécialiste du cerveau. Il est en retraite. Privé de labo. Veuf. Sa fille (Delphine Rich, fine et précise) vit avec lui, veille sur lui. Elle s’inquiète. Et ce d’autant plus que son père semble entendre des voix. Nous, spectateurs, on sait que quelqu’un s’adresse vraiment à lui. C’est l’intrus. Un jeune homme (Nicolas Vaude) qui prétend qu’il est Henri, jeune. Il y a du Borgès, du Boulgakov, du Pirandello dans la pièce très ambitieuse d’Antoine Rault, qui, après « le Caïman », qui évoquait Louis Althusser, et « le Diable rouge », qui faisait revivre Mazarin, a la chance de voir sa pièce portée par l’interprète merveilleux de finesse qu’est Claude Rich.

L’intrus annonce à Henri qu’il n’a plus que deux ans à vivre, puis lui propose, en un pacte faustien, de retrouver sa jeunesse. Les deux protagonistes échangent leurs apparences. Aussi l’ami de toujours d’Henri (Jean-Claude Bouillon) ne risque-t-il pas de le reconnaître. Bientôt, Henri va retrouver sa maîtresse d’autrefois, sa femme Marguerite (les deux sont également interprétées par Delphine Rich). Ajoutons une jeune fille (Chloé Berthier). Mais, avouons-le, c’est le lien des deux hommes qui passionne et enchante.

Rich, tout en retenue et sourde souffrance, éprouve les sentiments contradictoires d’un homme au soir de sa vie. Vaude, en volubilité et souplesse de chat, tour à tour lumineux et inquiétant, est insaisissable. On devine leur entente, leur idéale complicité. Ils sont fascinants.

Christophe Lidon s’est entouré d’une excellente équipe artistique (décor, lumières, costumes, son) et donne un bon mouvement à la représentation. On devine le public un peu perturbé, car on nous parle des ravages de l’âge sur les êtres et on assiste à la mort d’Henri. Ce n’est pas gai... mais ce n’est jamais larmoyant. Le jeu, le goût du jeu, ici, fascine. Antoine Rault donne à Henri comme à l’intrus ce goût de la provocation et de la joute, attisé par le feu d’une interprétation aérienne et malicieuse.

Comédie des Champs-Élysées (tél. 01.53.23.99.19, www.comediedeschampselysees.com), à 21 heures du mardi au samedi, à 16 h 30 dimanche. La pièce est publiée par Albin-Michel (13 euros)

ARMELLE HÉLIOT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9008