LIVRES - Prix littéraires

Une palette joliment contrastée

Publié le 13/11/2012
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Le Femina à Patrick Deville : un médecin à l’honneur

Combien de lecteurs, en dehors du corps médical bien entendu, connaissaient jusqu’ici le nom d’Alexandre Yersin ? Les dames du Femina ont définitivement mis un terme à cette lacune en décernant leur prix annuel (par huit voix sur dix) à Patrick Deville, qui rend hommage au découvreur du bacille de la peste dans une biographie romancée à consonance épique, « Peste & Choléra » (Seuil).

Qui se ressemble s’assemble : Patrick Deville, 54 ans, a beaucoup voyagé et vécu, après des études de littérature et de philosophie, au Moyen-Orient, au Nigeria, en Algérie, puis à Cuba, en Uruguay et en Amérique centrale. Ses périples lui ont notamment inspiré des ouvrages sur l’explorateur Savorgnan de Brazza (« Equatoria », 2009) et sur le régime khmer rouge (« Kampuchéa », 2011). Pour retracer le destin d’Alexandre Yersin (1863-1943), il a suivi les traces de son héros et il s’est plongé dans les milliers de lettres échangées par « la bande des Pasteuriens », conservées aux archives des instituts Pasteur. On découvre un homme natif du canton de Vaud, qui a fui l’Occident comme la peste et s’est installé en Asie du Sud-Est, en Indochine, où il a fondé, à Nha Trang, une communauté scientifique et agricole. Soignant les plus démunis, il y inventa le cola-cannelle, fit le commerce de l’hévéa pour vendre du caoutchouc à Michelin, produisit de la quinine et créa un centre d’étude des épizooties.

Le grand prix du roman de l’Académie française à Joël Dicker : les oripeaux du thriller

Joël Dicker est un auteur suisse de langue française, il a 27 ans, il est diplômé en droit de l’université de Genève et il n’est apparu sur la scène littéraire qu’au début de l’année, avec « les derniers Jours de nos pères ». Publié dans la foulée, son deuxième roman, « la Vérité sur l’affaire Harry Quebert » (Fallois) a été choisi par les académiciens au premier tour par 13 voix contre 6 à Gwenaëlle Aubry (« Partages ») et 1 à Jérôme Ferrari, lequel lui a volé les palmes du Goncourt, pour lequel il était aussi favori.

Le livre est un gros roman américain qui épouse la forme du thriller (les États-Unis sont sa seconde patrie car, enfant, il a passé tous ses étés en Nouvelle-Angleterre ). Le héros est un jeune auteur à succès en panne d’inspiration, qui prend faits et cause pour son ancien professeur, le vieil écrivain Harry Quebert, accusé du meurtre, trente ans plus tôt, d’une jeune fille de 15 ans dont il fut amoureux. Jouant habilement avec les règles du polar, Joël Dicker nous entraîne dans une contre-enquête entre Manhattan et le Massachussetts très efficace, tout en truffant l’intrigue de considérations sur l’Amérique contemporaine, la littérature, le monde de l’édition, la justice, les médias, etc.

Le Renaudot à Scholastique Mukasonga : une rescapée du massacre des Tutsis

Scholastique Mukasonga, 56 ans, a été couronnée par le prix Renaudot pour son premier roman, « Notre-Dame du Nil » (Gallimard), alors qu’elle ne figurait pas dans la sélection (au dixième tour de scrutin)Rescapée du génocide rwandais de 1994 – elle a perdu sa mère et 30 membres de sa famille –, elle vit désormais en Normandie et se consacre à l’écriture. « La Femme aux pieds nus », où elle raconte avec simplicité son enfance familiale au cours des années 1960, les nouvelles rassemblées dans « l’Iguifou » ou son autobiographie, « Inyenzi ou les Cafards », permettent de mieux la connaître.

« Notre-Dame du Nil » se situe au début des années 1970, dans un collège tenu par des religieuses belges et françaises, où est formée l’élite des jeunes filles rwandaises. Parmi elles, une très petite minorité de tutsies, dont Virginia – le double de l’écrivaine ? –  qui se fait le témoin des amitiés et des haines qui se nouent dans ce huis-clos et, déjà, des actes d’exclusion, voire de persécution, qui augurent les dramatiques événements à venir.

Le Médicis à Emmanuelle Pireyre : le roman-collage d’une femme poète

C’est sans ambiguïté, au premier tour avec neuf voix sur dix, que les jurés du Médicis ont primé Emmanuelle Pireyre. Un choix audacieux compte tenu de l’écriture de « Féerie générale » (L’Olivier), sorte de roman-collage où l’auteur traite de l’intimité en prise avec une société connectée tous azimuts.

À 43 ans, Emmanuelle Pireyre a publié trois autres romans : « Congélations et décongélations », « Mes vêtements ne sont pas des draps de lit » et « Comment faire disparaître la terre ? ». À l’idée de destruction de celui-ci succède la volonté de « transformer le monde en féerie », en s’appuyant sur des histoires glanées dans les journaux, des faits du quotidien dont elle a été témoin ou actrice, transposés sous forme de récits, d’articles de presse, de textos, de smileys, de courriels, de refrains de chansons, brides de conversations, mots d’auteurs, etc. Une réussite.

MARTINE FRENEUIL

Source : Le Quotidien du Médecin: 9188