« La Nonne sanglante » à l'Opéra Comique

Une résurrection convaincante ?

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Publié le 11/06/2018
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Cl-La Nonne

Cl-La Nonne
Crédit photo : PIERRE GROSBOIS

La résurrection de « la Nonne sanglante » s’inscrit dans un hommage plus vaste à Gounod, le sixième Festival du Palazzetto Bru Zane à Paris*, qui permet pendant tout le mois de juin de découvrir des œuvres peu jouées ou inédites du compositeur français.

Auréolé du succès de « Sapho », son premier opéra, Gounod s'était jeté avec enthousiasme dans cette commande de grand opéra en cinq actes avec ballet, un projet abandonné par Berlioz. L'histoire, adaptée au goût et à la morale du jour par l’ingénieux Scribe, est tirée du « Moine », roman gothique anglais de Matthew Lewis, lui-même inspiré d’une légende médiévale allemande, « la Nonne de Thuringe ». L'ambitieux ouvrage connut un succès réel mais peu durable, à la suite d’un changement de direction de l’Opéra. L'idée d’éditer la partition fut vite abandonnée par Gounod, qui passa au projet suivant, « Faust », avec le succès que l’on sait.

Les spécialistes disséqueront à loisir la partition pour y chercher tout le talent dramatique du grand Gounod. On y trouve en germe les prémices de « Roméo », de « Faust » bien sûr, mais si « La Nonne » n'a pas survécu à son auteur, c’est sans doute que le livret de Scribe, littérairement souvent faible, n’est pas aussi bien ficelé que celui de Barbier et Carré pour « Faust ». Et musicalement, s'il y a de grands moments, il y a aussi des longueurs, surtout dans ce qui devait être la grande scène, celle de l’apparition de la Nonne.

Le metteur en scène David Bobée et son costumier Alain Blanchot ont fait au mieux pour raconter cette histoire étrange, de façon plus cinématographique que théâtrale, grâce à de beaux éclairages, une esthétique de séries télévisées, une direction d’acteurs efficace. Mais ils n’ont pas réussi à gommer le grand-guignolesque que contient le livret.

Des voix sensationnelles

La distribution réunie par l’Opéra Comique est sensationnelle. L’Américain Michael Spyres a relevé le défi du très exigeant rôle de Rodolphe avec un panache épatant et une prononciation exemplaire. Autres interprètes exceptionnels, Jean Teitgen et Marion Lebègue, dans les rôles de Pierre l’Ermite et de la Nonne. Les membres du Chœur Accentus, à qui il a été demandé d’être plus que de simples figurants, se sont aussi distingués.

Mais pour qu'on puisse vraiment défendre cette résurrection il aurait fallu un orchestre au travail plus réfléchi. L’Insula Orchestra, avec des instruments d’époque de qualité mais aux résultats très variables, dirigé avec lourdeur par Laurence Equilbey, saturant tout l’espace sonore de la salle et envahissant la fosse, a failli à sa mission. Salle Favart, après une longue réfection, le problème de l’équilibre entre la fosse et la salle reste entier. Il est étrange que l’on n’en tienne pas d’avantage compte. À l’opéra, les spectateurs viennent d’abord entendre des voix et pas un chef d’orchestre qui vole la vedette à ces dernières. 

Opéra Comique, jusqu'au 14 juin. Tél. 0825.01.01.23, www.opera-comique.com

* « Le Quotidien » du 14 mai, http://parisfestival.bru-zane.co

 

Olivier Brunel

Source : Le Quotidien du médecin: 9672