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Dossier

Ségur du numérique

Mises à jour des logiciels : top départ pour le déploiement

Publié le 12/09/2022
Mises à jour des logiciels : top départ pour le déploiement


GARO/ PHANIE

Bien que les médecins aient jusqu’au 30 novembre pour les commander, les mises à jour des logiciels référencés Ségur ont commencé. Le déploiement devrait s’accélérer à partir de ce mois de septembre. Le point sur les logiciels Ségur et les modalités pratiques.

Au total, 14 logiciels sont ou vont être référencés Ségur, sur plus de 200 solutions logicielles destinées aux médecins libéraux, selon Benjamin Luciani, codirecteur du programme Ségur numérique à la délégation ministérielle au Numérique en Santé (DNS). Qui précise : « Certaines ont un nombre peu élevé d’utilisateurs ». Ainsi, ces 14 logiciels Ségur représentent environ 80 % du marché. « Ces solutions sont les plus utilisées par les médecins, aussi bien généralistes que spécialistes », observe Benjamin Luciani. À noter qu’une vingtaine de dossiers ont été refusés par l’Agence du numérique en santé (ANS), soit parce qu’il manquait des éléments, soit parce qu’ils n’avaient pas le niveau exigé par le cahier des charges. Quelques éditeurs n’ont pas non plus donné suite après le dépôt du dossier.

Un report de dates bienvenu

Pour obtenir le référencement Ségur, les éditeurs ont effectivement dû répondre à 155 exigences dans 14 catégories. Ce qui permet aux médecins de disposer des mêmes services « socles » quel que soit leur logiciel Ségur : le DMP avec un accès et une alimentation simplifiés, avec en particulier le volet de synthèse médicale (VSM) ; la messagerie sécurisée de santé (MSS) ; l’e-prescription ; l’identité nationale de santé (INS) afin de sécuriser la circulation et le classement des documents ; Pro santé Connect qui permet l’identification des professionnels de santé. Un gros travail de développement financé par le programme du Ségur du numérique en santé, qui permet aussi aux médecins de bénéficier gratuitement de la mise à jour de leur logiciel sous certaines conditions.

Car le Ségur a imposé des délais : initialement, les médecins avaient jusqu’au 15 juillet 2022 pour passer commande de leur mise à jour afin de n’avoir aucun frais. Le 21 juin, un report de dates a été annoncé : désormais, les médecins (mais également les couloirs Hôpital, Radiologie et Biologie) ont jusqu’au 30 novembre 2022 pour signer leur bon de commande. « Nous avons été saisis par l’écosystème, qui souhaitait un report des dates afin de parvenir à une “masse critique” d’utilisateurs, explique Benjamin Luciani. Il y avait aussi un risque important que certains couloirs comme ceux des hôpitaux et de la biologie médicale ne puissent pas être prêts dans les délais. Nous avons donc aligné les calendriers pour garder l’esprit initial du Ségur, à savoir développer le partage des documents de façon coordonnée en ville comme à l’hôpital, afin d’avoir, fin 2023, 250 millions de documents dans les DMP. »

« Le report de dates était, depuis le début, une exigence de la FEIMA (Fédération des éditeurs d’informatique médicale et paramédicale ambulatoire, ndlr). Les expériences précédentes ont montré qu’il est très difficile d’avoir l’usage si les logiciels ne sont pas tous prêts en même temps. Mais c’est un gros challenge. Nous avons donc demandé ce décalage de dates pour que tous les couloirs soient prêts en même temps et que les médecins soient formés. Il faudra cependant du temps pour que les professionnels s’approprient les changements », souligne de son côté Dany Huppenoire, vice-président du Collège médecins de la FEIMA.

Pour Sophie Feuillin, directrice des filiales chez Softway Medical (logiciel TAMM), ce décalage permet aussi de relancer le dispositif : « Avant l’été, il y a déjà eu une sensibilisation des professionnels de santé et, aujourd’hui, nous avons de plus en plus d’appels de médecins. À la rentrée, cela va s’accélérer car le report de dates a permis de communiquer de nouveau sur le Ségur ».

De fait, au 22 juillet, seulement environ un tiers des médecins avaient signé leur bon de commande : plus de 40 000 médecins sur plus de 130 000 praticiens au total. « Nous allons suivre de près la mise en œuvre des logiciels Ségur dans les 12 mois à venir. Il faut atteindre une masse critique. Je crois à l’effet “contagion”. Aujourd’hui, nous avons déjà 7 à 8 fois plus de documents dans les DMP, notamment parce que les établissements hospitaliers commencent à les alimenter. Tout cela va progresser dans le temps. Nous sommes plutôt optimistes mais nous restons humbles car il reste beaucoup de travail à faire », commente d’ailleurs Benjamin Luciani.

Des logiciels améliorés

Mais concrètement, comment vont se passer les mises à jour ? Déjà, elles impliquent des changements plus ou moins importants pour les utilisateurs selon les logiciels déjà installés. « L’aspect technique du Ségur du numérique est finalement de savoir comment s’assurer que les données partagées vont dans les bonnes cases au bon endroit. Dans nos solutions, nous avions déjà un certain nombre d’éléments précurseurs du Ségur, comme le tableau de bord pour suivre les patients, le volet de synthèse médicale, l’automatisation du partage de documents. Nous avions également participé à l’expérimentation concernant la e-prescription, commente Caroline Guiriec, directrice produits Cegedim Santé. Le Ségur n’est donc pas une révolution, mais nous avons travaillé pour que les fonctions Ségur soient optimisées dans nos logiciels (Crossway, Médiclick, Médimust et Monlogicielmedical.com, ndlr) afin d’en faciliter l’usage et que ces améliorations liées au Ségur ne nécessitent pas un changement trop important dans la prise en main par les utilisateurs. »

« Le logiciel TAMM comportait déjà de nombreuses fonctionnalités comme INSi, DMP, MS Santé et AppCV, mais nous avons réalisé un travail de fond pour répondre aux exigences de l’État. Nous avons aussi simplifié l’ergonomie », relate de son côté Sophie Feuillin. « Le logiciel AxiSanté référencé Ségur n’est pas une nouvelle version mais nous avons saisi cette opportunité pour accélérer l’évolution de nos logiciels. À titre d’exemple, outre les services liés au Ségur, nous avons intégré un module de facturation nouvelle génération, incluant notamment le tiers payant intégral et un suivi financier en temps réel. C’est un changement important pour les utilisateurs, concomitant au Ségur », explique Franck Frayer, vice-président senior Europe de CompuGroup Medical (CGM). Et d’ajouter, sachant que CGM commercialise deux autres logiciels Ségur ou en passe de l’être, Hello­Doc et Acteur.fr : « Notre philosophie est d’intégrer les nouveaux modules dans les workflows (flux de travail, ndlr) existants pour que le médecin ait la meilleure expérience utilisateur possible et puisse gagner du temps ».

Autre exemple : MédiStory. « La première version de MédiStory 4 est sortie en 2017 et la version complète MSP en 2020. La version Ségur comporte des nouveautés, comme un nouvel éditeur de courrier, une gestion des images plus avancée. Nous avons aussi amélioré l’ergonomie sur certaines fonctions », précise Benoît Florentin, directeur commercial et marketing de Médi­Story (Prokov Éditions).

Pas de frais supplémentaires a priori

Malgré ces nouveautés, les médecins ne devraient rien débourser pour les mises à jour dans le cadre du Ségur. Pourtant, la question peut se poser. Concernant AxiSanté, Franck Frayer affirme que la nouvelle version « n’entraîne aucun frais supplémentaire pour le médecin. La mise à jour d’AxiSanté est bien financée par le Ségur ».

En revanche, cela ne sera pas forcément le cas pour MédiStory 4. « Nous sommes restés sur un modèle d’achat du logiciel, sans abonnement mensuel, ce qui est un modèle à contre-courant. Le médecin achète donc le logiciel (le prix est d’environ 1 200 euros) et, tous les 4 à 5 ans, il y a une mise à jour payante dont le prix est environ le tiers du prix d’achat du logiciel. Les médecins choisissent le rythme auquel ils mettent à jour leur solution, explique ainsi Benoît Florentin. Pour le passage au logiciel Ségur, deux cas de figure se présentent : les médecins qui ont déjà MédiStory 4 vont bénéficier de la mise à jour gratuitement – elle est financée par le Ségur – et ceux qui ont une version plus ancienne et ne l’ont pas mise à jour payent le “rattrapage”, soit environ 600 euros pour ceux qui ont Médi­Story 3 et passent à la version 4. »

« Concernant l’installation de nouvelles versions, le Ségur ne finance pas le “rattrapage” pour les médecins qui n’ont pas mis à jour les versions antérieures. Le forfait structure de l’avenant 9 doit aider à financer le rattrapage, confirme Benjamin Luciani. Mais nous avons vu effectivement un certain nombre de questions sur ce sujet. » Il conseille néanmoins de signaler à l’ANS un devis qui peut paraître étrange. En effet, si l’ANS reçoit plusieurs signalements concernant un même logiciel, elle avertit la DNS qui contacte alors l’éditeur. « Nous allons être très vigilants sur les coûts. C’est l’État qui finance directement les éditeurs. Cela doit être très transparent et s’il y a des tarifs supplémentaires, nous monterons au créneau », observe par ailleurs Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint de MG France.

Des mises à jour simples à installer…

Une fois que le médecin a passé commande de la version Ségur, la mise à jour devra être installée sur son ordinateur d’ici au 28 avril 2023. « La mise à jour sur le poste ne nécessite pas de manipulation de la part du professionnel de santé. Elle se déroulera comme les mises à jour habituelles et ne prendra pas plus de temps. Pour les solutions installées sur le poste de travail, nous préconisons toujours de mettre à jour le soir, avant de quitter son cabinet. Hormis la modification de modèles de documents que le médecin aurait personnalisés, notamment pour y insérer l’INS, il n’y a pas de paramétrages à faire », déclare Caroline Guiriec.

« La mise à disposition de la version Ségur est immédiate car le logiciel est full SaaS », précise Sophie Feuillin, pour TAMM.

« La mise à jour Ségur n’est pas techniquement exceptionnelle pour les utilisateurs, car nos logiciels sont mis à jour régulièrement. Elle est relativement classique mais, si le cabinet médical dispose d’une installation complexe avec un serveur et un réseau propres, il devra faire appel à son prestataire informatique », souligne Franck Frayer.

Certains éditeurs dont les logiciels sont déjà référencés ont d’ailleurs commencé le processus cet été. « Le déploiement a commencé en juillet et se déroule conformément à nos attentes. Le report de dates nous permet de le rendre le plus fluide possible », remarque Sophie Feuillin. Car ce déploiement va prendre du temps, même s’il va s’accélérer à partir de septembre. « La mise à jour va s’étaler sur 3 à 4 mois selon les logiciels. Par exemple, pour Crossway, nous avons commencé avec une liste de professionnels de santé présélectionnés. C’est une phase de bêta-test. Cela nous permet d’ajuster avant l’accélération du déploiement à partir de la rentrée », note Caroline Guiriec. En revanche, la mise à jour d’AxiSanté, déjà référencé, ne commencera qu’en octobre.

… et un accompagnement prévu

« Le financement Ségur ne couvre pas uniquement la mise à jour mais aussi l’accompagnement des médecins et le support technique », souligne aussi Dany Huppenoire. Les éditeurs ont donc mis en place divers dispositifs. Pour les logiciels de Cegedim, « le médecin a tous les supports d’accompagnement : tutoriels avec des petites vidéos qui expliquent les nouvelles fonctionnalités, messages dans le tableau de bord. Dans le logiciel, le médecin dispose aussi de liens contextuels vers les documentations et les tutoriels. En outre, nous proposons des webinaires et les professionnels peuvent s’y inscrire de façon illimitée. Ces webinaires vont démarrer en septembre », détaille Caroline Guiriec.

Pour DrSanté (Calimaps), « nous prévoyons une formation personnalisée de 20 à 30 minutes par médecin et la mise à disposition de nombreux supports d’accompagnement : assistance téléphonique, tutoriels, documentation, FAQ », note Antoine Villalobos, fondateur et CEO DrSanté. Dans le cadre du Ségur, CGM a mis en place une plateforme d’e-learning pour AxiSanté et HelloDoc qui permet aux utilisateurs de se former à leur rythme sur les différents modules du logiciel dans le cadre d’un parcours de formation. Les formations spécifiques au Ségur pour les utilisateurs Acteur.fr seront ajoutées à cette plateforme existante.

Quid des utilisateurs de logiciels non Ségur ?

Mais que va-t-il se passer pour les médecins n’ayant pas de logiciel avec une version Ségur ? « Le guichet industriel va rouvrir à l’automne. Il existera donc d’autres solutions compatibles Ségur d’ici l’été prochain pour que les médecins puissent cocher le forfait structure fin 2023. Les médecins doivent poser la question à leur éditeur pour savoir si le logiciel sera compatible. Ces solutions ne seront pas financées par le Ségur mais nous regarderons de près les offres commerciales », confie Benjamin Luciani.

Magali Clausener