Aie confian-ssssssss

Publié le 24/03/2023
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Patientes discriminées, start-up en santé portées par des femmes peinant à trouver des investisseurs, soignantes présentant plus de risques pour certaines pathologies… La perte de confiance des femmes dans le système de santé est bien réelle. Hélas.

Une étude menée dans cinq pays (Brésil, France, Japon, Royaume-Uni, États-Unis) portant sur l'expérience des femmes en matière de soins révèle que ces expériences, négatives, ont entamé leur confiance dans l’accès aux soins. Les publics les plus concernés sont : les groupes ethniques non majoritaires, les personnes en situation de handicap, celles identifiées comme LGBTQ, et… les femmes. Si l’on fait un focus en France, les femmes sont plus susceptibles d’avoir eu une expérience préjudiciable que le reste de la population. Un écart qui existe également dans les autres pays. À la source de cette perte de confiance, le sentiment de ne pas être écoutée, de recevoir des soins de moindre qualité et des conseils inadéquats. Le commanditaire de cette étude ? Sanofi, un laboratoire.

D’un autre côté, la fondation MNH a réalisé une revue de la littérature sur l’état de santé des professionnelles de santé travaillant en établissements. Peu d’études, hélas ; les données sont souvent incomplètes et peu genrées. Les aides-soignantes sont peu, voire pas, représentées. Il en ressort cependant que nos chères soignantes ne seraient pas en bonne santé : une forte suspicion de risques accrus de certains cancers, des conséquences sur la santé mentale des violences dans le travail, une santé reproductive potentiellement affectée… Comment peuvent-elles encore garder confiance dans le système ? Reste à réaliser une véritable étude pour voir ce qu’il en est ; le ministère de la Santé réagit : une mission est lancée par Agnès Firmin le Bodo.

Créer un Institut français santé de la femme ?

Ainsi, les industriels, les pouvoirs publics et les organismes à but non lucratif se saisissent du sujet. Les start-up féminines aussi ; le 8 mars dernier, journée internationale des droits des femmes, elles sont venues présenter des initiatives qui pourraient s’inscrire dans un "Institut français santé de la femme", imaginé par le collectif Femmes de Santé. L’institut coordonnerait et aiderait les acteurs et les actions sur ce vaste sujet. Cet événement, soutenu par quatre ministres, l’industrie, un groupe de médecine de ville spécialisé, mais aussi des acteurs externes au monde de la santé (une banque, un groupe d’experts-comptables et une structure de crowdfunding à impact), prouve que la santé de la femme commence à dépasser notre secteur. Il faut dire qu’il concerne 50 % de la population. La lauréate accompagne les patientes atteintes de douleurs vulvaires chroniques très invalidantes et complètement ignorées par la société, et forme les professionnels de santé à la prise en charge de ces douleurs. Il a fallu une start-up : Vulvae. A-t-elle levé des fonds ? Hé bien, non ! La confiance du monde financier n’est pas acquise. Comment prouver un retour sur investissements (Return on Investment [ROI]) à des investisseurs sur un sujet pareil, aussi intime et aussi novateur, quand les démarrages sont longs et que les études n’existent pas ? Ce fameux ROI exigé rapidement, alors qu’on doit laisser du temps au temps, quand il s’agit de la santé de la femme.

Remplacer le ROI par le "retour en santé"

Pourquoi toujours le ROI ? Un autre indicateur doit coexister : le retour en santé (Return on Health [ROH]). L’idée n’est pas de moi ; elle a été évoquée ce 8 mars, par un homme issu du « retail », aguerri aux techniques de financements et de négociations, qui a pourtant tout compris des valeurs qui nous rassemblent tous. Le ROH est évident car finalement, ces fameux investisseurs ont des parents, des enfants, des compagnes et compagnons… et leur monde financier n’est rien devant la maladie d’un être cher. Ce ROH, c’est la valeur du projet de santé en termes d’impact potentiel. « Priceless » pour reprendre ses mots : la santé n’a pas de prix ou plutôt une immense valeur. Cet indicateur devrait être obligatoire pour évaluer l’impact positif et humain d’un projet en santé.

Le premier coup de cœur du Jury a été décerné à une médecin généraliste, de l’Institut Simone Veil, à Rouen, qui coordonne des soins de ville autour de l’IVG. Il permet une prise en charge en moins de 48 heures, par des professionnels de santé libéraux, de femmes et de leurs grossesses non désirées. Cet institut a gagné la confiance des patientes qui viennent des départements voisins pour une prise en charge rapide… Les soutiens, y compris publics, étant trop peu nombreux pour pouvoir étendre le projet.

Quant aux femmes victimes de violence, elles repartent de l’hôpital avec des bras plâtrés, leurs plaies pansées, mais avec leurs dents encore cassées. Peu de remboursements de ces soins, pas d’argent. Avez-vous essayé de manger avec des dents déchaussées ? La double peine pour ces femmes. Une femme chirurgien-dentiste se bat pour leur permettre d’avoir les soins dentaires nécessaires. À ce stade, toujours pas de fonds… Avis aux amateurs.

Le système de santé est en crise… et les femmes, soignantes, soignées ou entrepreneuses, sont au cœur de la tourmente. La perte de confiance est réelle. Pourtant les initiatives existent, des laboratoires transforment leurs études en actions, les mutuelles agissent, les banques soutiennent, la sororité tisse un maillage de femmes, de sœurs, qui se serrent les coudes pour faire reculer les inégalités de genre en santé, avancer encore et toujours.

Alice de Maximy

Source : Le Quotidien du médecin