Éditorial

AMP pour toutes, gare à l'embouteillage

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Publié le 23/06/2023
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L’ouverture de l’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples de femmes et aux femmes non mariées est-elle victime de son succès ? Près de deux ans après le vote de la loi de bioéthique qui l'a entérinée, l’Agence de la biomédecine (ABM) recense toujours une forte sollicitation. Ainsi, en 2022, plus de 15 000 demandes de première consultation ont été effectuées dans ce cadre. Dans nos pages, la Pr Rachel Levy, cheffe du service de biologie de la reproduction de l’hôpital Tenon (AP-HP), qualifie de « tsunami » cet afflux. Une baisse était néanmoins amorcée entre le premier et le second semestre 2022. Par exemple, le nombre de requêtes de première consultation en vue d’une AMP avec don de spermatozoïdes au bénéfice de couples de femmes ou de femmes non mariées est passé de 9 300 à 5 800 entre ces deux périodes. Pour autant, la pression reste élevée et provoque un embouteillage dans la filière à différents niveaux : de l’accueil des volontaires au don à la réalisation de l'AMP. Au 31 décembre, le délai moyen entre la prise de rendez-vous et la première tentative d’AMP avec don de spermatozoïdes s’élevait à 14,4 mois, tandis qu’il fallait attendre 23 mois pour les dons d’ovocytes. Alors les acteurs de terrain s’organisent, comme en témoigne la Pr Levy dans notre dossier.

Et, si des moyens financiers ont été débloqués pour la période 2021-2022 et que des centres ont été ouverts, une inconnue demeure quant à la gestion des stocks de gamètes. En effet, depuis le 1er septembre 2022, les donneurs doivent consentir à ce que des informations identifiantes ou non soient communiquées aux enfants à leur majorité, si ceux-ci en font la demande. Une mesure pour le droit d’accès aux origines qui représente aujourd’hui un casse-tête pour les centres devant gérer deux stocks différents. Et s’il est aujourd’hui un peu tôt pour connaître l’impact sur le nombre de dons, la dernière édition du baromètre d’opinion de l’ABM, publiée mi-juin, se veut rassurante. Ainsi, 86 % des Français interrogés déclarent soutenir le don de gamètes. Et parmi eux, 48 % seraient prêts à faire la démarche, la proportion est même de 62 % chez les 18-24 ans. Ce qui est donc de bon augure pour la fluidification du parcours de l’AMP.

Néanmoins, il ne faut pas oublier que l’accès à une première tentative d’AMP n’est qu’un début pour les personnes désireuses de devenir parents. Le parcours pouvant être long et parsemé de déceptions. L’impact psychologique du recours à la FIV ne doit donc pas être négligé, comme l’explique la psychologue Marion Canneaux. Les défis sont donc encore nombreux pour la filière. En particulier pour l'accompagnement des femmes seules qui est encore à construire.


Source : Le Quotidien du médecin