Courrier des lecteurs

Covid : quand l’ARS nous reprochait de trop vacciner dans notre Ehpad…

Publié le 02/10/2021

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Dès janvier 2021, j’ai coordonné les vaccinations au sein de l’Ehpad selon les recommandations de l’ARS – 1 600 pages d’informations, consignes et obligations en tout genre à absorber pour le Covid-19, comme en 2020.

À cette période, il était extrêmement difficile de se faire vacciner, mais nous avions entendu du président de la République qu’il serait utile de vacciner vite et un maximum. L’équipe de soins s’est donc investie avec les médecins traitants dans cette démarche lourde et à responsabilité importante.

Nous avons ainsi vacciné, après évaluation et éligibilité, les résidents, les intervenants qui le voulaient bien, les salariés volontaires, ainsi que les membres des familles et les accompagnants de ces familles. Donc, beaucoup de personnes.

Mais, lors des premiers décomptes de l’ARS, vers le mois de juin, alors que nous avions déjà bien entamé la seconde dose, le médecin de l’ARS m’a menacé par téléphone : « Vous vaccinez trop. Vous n’êtes pas un centre de vaccination. Vous avez vacciné beaucoup plus que les autres Ehpad équivalents. Si vous vaccinez encore des gens autres que les salariés ou intervenants ou résidents et qu’un problème se présente, vous irez en prison (sic). »

Après la stupeur et la sensation que, une fois de plus, nous n’étions pas soutenus par nos organismes de tutelle, j’ai continué à faire vacciner. J’ai cependant, d’une part, demandé à ma direction de prévenir l’avocat de l’association, vu les menaces et les risques encourus. J’ai, d’autre part, donné comme consigne interne que, s’il restait des doses qui ne trouvaient pas le bras d’un résident ou d’un intervenant, la dose soit jetée.

Jamais, au cours de ma carrière – j’ai 37 ans de métier –, je n’ai pensé ni agi de la sorte.

Voyez la transformation que l’ARS arrive à provoquer par ses menaces (jamais par écrit, bien entendu) et comment elle démotive ses soldats.

D’autre part, depuis le début, nous acceptons de subir des tests PCR, qui permettent de dépister et donc, peut-être, d’arrêter tôt une transmission interne à l’Ehpad. Cependant, à chaque test, le salarié doit s’acquitter de 1 voire 2 euros, non pris en charge. J’ai d’abord cru que c’était le labo, cependant il semble que la Sécurité sociale (sociale, vraiment ?) continue à prélever cette dîme, ne s’étant pas adaptée à l’exceptionnalité de la situation ! Les aides soignants et les agents des services hospitaliers, qui n’ont pas de reconnaissance financière décente, ont du mal à se priver de ces centaines d’euros sur l’année. Comment maintenir cette pression injuste ?

Nous apprenons par ailleurs qu’avec le Ségur de la santé, tous les salariés ont été augmentés dans les Ehpad, tous, sauf les médecins coordonnateurs. Et on s’étonnera qu’il n’y ait plus assez de médecins dans ce pays. Nous sommes, en outre, les moins bien rémunérés en Europe occidentale.

Je pense à arrêter ma pratique de la médecine. Je ne suis pas entendu, pas reconnu, mal payé pour les responsabilités engagées, avec de plus en plus d’obligations administratives, jugé par un Ordre avec des mentalités du Moyen Âge qui ne me soutient jamais…

Dr Marc Wattez, Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône)

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Source : lequotidiendumedecin.fr