Féministes, mais pas nécessairement jusqu'au bout des ongles !

Publié le 17/03/2023
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Le Quotidien du 3 mars a développé un sujet hautement polémique : celui du retrait des fresques dans les internats.

De nombreuses voix, notamment « Osez le féminisme », avaient demandé le retrait des fresques « infamantes » qui polluaient la salle de garde de Toulouse.

Le ministère de la Santé est intervenu suite à cette revendication (d’autres associations militant pour le droit des femmes ont également agi de la sorte dans d’autres CHU).

Ce qui est quelque peu étonnant, c’est de voir que dans un contexte d’importante tension avec les professionnels de santé, le ministère de la Santé a envoyé des courriers aux directeurs des CHU pour que le retrait de telles œuvres trop caricaturales soit observé.

Certains confrères comme le Dr Cathala président du CROM d’Occitanie ont expliqué dans les colonnes du Quotidien que ces représentations sont avant tout un mode d’expression qui ne doit pas être considéré comme une dérive picturale à caractère pornographique.

A contrario, une consœur qui est anthropologue a montré que l’évolution de notre société ne permet plus que de telles fresques avec des êtres nus ayant des sexes démesurés puissent être exposées.

Il est vrai que la vision de la société en ce qui concerne certaines œuvres picturales change en fonction des époques.

Il en est ainsi du scandale généré par l’exposition d’une toile d’Édouard Manet : Olympia. Le regard « complice » du peintre avec une prostituée nue qui est représentée dans ce tableau a été à l’origine d’une polémique. Au fil du temps les détracteurs sont devenus rares, et un grand nombre de Français s’est pâmé, et se pâme d’admiration en regardant Olympia.

Au-delà de ces propos quelque peu polémiques concernant les salles de garde, nous voyons que les jeunes médecins vont devoir composer avec une administration qui leur a subtilisé le pouvoir, et les contraint à obéir à leurs prérogatives (salles de gardes aseptisées, cuisines désertes avec repas sous vide…).

Un rétropédalage des féministes ?

Les différents articles développés sur ce sujet m’ont quelque peu perturbé du fait d’un parallèle que j’ai pu faire avec plusieurs consultations réalisées les jours qui ont suivi la parution de ce journal.

En effet, j’ai rencontré trois jeunes filles ayant moins de 30 ans. J’effectue le suivi de ces patientes depuis leur plus jeune âge, et j’ai été surpris de les voir avec un voile.

Elles sont toutes de confession musulmane, mais auparavant elles étaient dans une démarche d’intégration (qui était réussie) et ne portaient de ce fait aucune tenue vestimentaire montrant leur appartenance à quelconque religion.

Les connaissant parfaitement, et ayant une liberté dans mes propos, j’ai interrogé ces trois femmes pour connaître les raisons de cette radicalisation. À mon grand étonnement les explications données étaient très allusives, et ne m’ont pas permis d’avoir des réponses franches à mes questions.

Ces trois femmes ont des parents peu pratiquants, et de ce fait je me demande si cette prise de position : n’est pas contestataire vis-à-vis d’une société qu’elles veulent voir changer ? ; n’est pas une manière de faire face à une crise économique qui est à l’origine de mouvements de replis identitaires ? ; n’est-elle pas en relation avec un « lavage de cerveaux » par des associations intégristes qui diffusent des messages de propagande par le biais des réseaux sociaux pour ces jeunes en mal de reconnaissance ?

Toujours est-il que je reste stupéfait de voir de tels changements chez des patientes que je connais de longue date, et que je ne croyais pas capables d’accepter le port du voile.

Cette situation très embarrassante (elle est vécue également par d’autres professionnels comme des chefs d’établissements scolaires) ne trouve curieusement aucun écho auprès des associations féministes qui ne s’insurgent pas vis-à-vis de telles dérives qui sont une forme d’avilissement de la femme.

En Iran des manifestations avec à leur tête des femmes réclament plus de liberté, cela en ôtant le voile outil d’un asservissement au sein de leur pays. Jamais cet état perse n’avait connu de telles revendications allant à l’encontre du pouvoir suprême.

Cependant, des cas d’intoxications ont été objectivés au sein de certaines écoles de filles dans ce pays, ce qui doit nous conduire à nous poser des questions concernant les militantes féminines.

Et je ne parle pas des conditions de vie indignes des femmes en Afghanistan qui n’offusquent que peu d’associations féministes !

Alors que la gent féminine dans un pays non démocratique comme l’Iran souhaite par le retrait du voile une volonté d’égalitarisme avec les hommes, en France de plus en plus de jeunes qui ne connaissaient pas pour certaines les concepts religieux musulmans portent le voile.

Ces situations vis-à-vis de la religion doivent à mon goût nous interroger.

Ce qui est surprenant dans le cas de la France, c’est l’absence de prise de position des associations féministes vis-à-vis d’un communautarisme rampant.

Il est vrai qu’il est plus facile pour les féministes de s’attaquer aux fresques de gardes des étudiants qu’à certaines mouvances religieuses.

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Dr Pierre Frances Médecin généraliste à Banuyls-sur-Mer (66)

Source : Le Quotidien du médecin