Si, à ce jour, le registre des groupes hybrides inhalés est encore vide - aucune spécialité appartenant aux classes ATC R03A et R03B n’y est inscrite - cela ne saurait tarder. Il est encore temps pour l’ANSM de faire en sorte qu’aucune spécialité appartenant à ces deux classes ayant des dispositifs inhalés différents n’y figure. Sinon, dans quelques semaines, les plus de quatre millions de patients atteints d’asthme et les 3,5 millions souffrant de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) pourraient ainsi se voir substituer le dispositif auquel ils sont habitués, sans aucune formation. Autoriser la substitution de médicaments hybrides inhalés en maintenant les thérapies inhalées dans le groupe hybride générique expose les patients à un fort risque d’inobservance et, de ce fait, d’inefficacité de la part de thérapeutiques vitales, a fortiori chez des personnes âgées et polymédiquées ou encore chez des adolescents souvent non observants.
Le choix du dispositif d’administration par inhalation, dans ces pathologies notamment, doit rester un acte médical, discuté au sein du colloque singulier, garant d’une éducation thérapeutique adaptée et de l’observance ultérieure. Les recommandations, nationales (Société de pneumologie de langue française) comme internationales (GOLD, GINA) le rappellent.
En pratique, le choix du dispositif le plus adapté nécessite d’ailleurs de nombreux essais.
L’interchangeabilité des produits inhalés met en jeu la sécurité sanitaire
Dans ce domaine, l’éducation thérapeutique des patients est impérative, compte tenu de la grande variété des dispositifs utilisant la voie inhalée. Alors que le contrôle de la pathologie dépend d’une observance correcte, celle-ci est déjà très imparfaite dans le cadre de ces pathologies chroniques. Elle est estimée autour de 50 %, chiffre confirmé par le Global Initiative for Asthma (GINA) [1]. Dans l’enquête de Santé respiratoire France (2019) dans la BPCO, 5 patients sur 10 ne prenaient pas correctement leur traitement inhalateur (2). Une publication de 2017 avait établi qu’entre 60 et 80 % des personnes commettaient au moins une erreur lors de l’inhalation, dont certaines pouvaient affecter sensiblement le dépôt bronchique (3). Ces erreurs graves sont associées à un risque doublé d’exacerbations de BPCO conduisant à une hospitalisation ; les exacerbations constituant un facteur reconnu de morbimortalité et représentant un coût à mettre en balance avec les économies de santé attendues avec les hybrides.
On pourrait nous rétorquer qu’une formation des patients sera mise en place lors de la substitution. C’est à notre sens un vœu pieux alors que déjà 37 % des patients BPCO n’ont jamais été formés à l’utilisation de leur(s) inhalateur(s) (2), un chiffre confirmé par la littérature.
De plus, les substitutions pourraient entraîner une certaine défiance de la part des patients vis-à-vis de leur traitement.
Enfin, argument décisif, il n’existe pas de preuve de l’efficacité des hybrides inhalés lorsque le principe actif n’a pas été délivré par le dispositif d’administration pour lequel il a été conçu. Le dispositif et la molécule qu’il contient sont liés. Or, tels que définis dans le Code de la santé publique, les médicaments hybrides peuvent présenter des différences significatives avec la spécialité princeps et largement supérieures comparativement à un générique, que ce soit en termes d’indications thérapeutiques, de forme pharmaceutique, de dosage ou de voie d’administration ou lorsque la bioéquivalence par rapport à cette spécialité de référence n’a pu être démontrée par des études de biodisponibilité.
Nous demandons qu’il soit sursis à l’inscription au registre des groupes hybrides des médicaments ayant des dispositifs inhalés différents. Un parcours de substitution adéquat doit être construit en concertation avec les patients et médecins. L’éventuelle substitution devra être soumise à l’accord du patient. La substitution pouvant être effectuée par le pharmacien sans l’avis du médecin en amont, le patient devra être informé par écrit par son médecin de cette éventualité. Une information encadrée et obligatoire devra être dispensée par le médecin prescripteur et par le pharmacien qui substitue, sans quoi le patient sera en droit de s’opposer à cette substitution.
Les arrêtés concernés du ministère de la Santé et de la Prévention doivent être modifiés pour ajouter la dissimilarité des dispositifs aux critères exclusion.
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Le Collectif signataire rassemble les associations Santé respiratoire France, Asthme & Allergies, Association des Asthmatiques Sévères, Gregory Pariente Foundation.
(1) GINA : 50 % de patients non adhérents - Cf p.89 du GINA 2022 "Approximately 50% of adults on long-term therapy for asthma fail to take medications as directed at least part of the time".
(2) Enquête conduite par le Living Lab de l’association Santé respiratoire France (RespiLab), (Enquête avec comité scientifique « Formation des patients BPCO à l’utilisation des inhalateurs »). 2019, SFR.
(3) Molimard M, Raherison C, Lignot S, et al. Chronic obstructive pulmonary disease exacerbation and inhaler device handling: real-life assessment of 2935 patients. The European respiratory journal 2017;49(2).
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