Tous les « néointernes » qui vont entrer dans leur première année de diplôme d’études spécialisées (DES) sont issus de la réforme dite du deuxième cycle. Cette réforme avait pour ambition de mettre fin aux épreuves classantes nationales (ECN) où, même si vous aviez un zéro pointé à toutes les épreuves, vous pouviez malgré tout choisir un poste d’interne (parmi ceux qui n’avaient pas été choisis par les mieux classés). Mettre fin à ces épreuves, qui voyaient des étudiants avoir un classement différent d’une centaine de places pour une différence de note globale de l’ordre d’un demi-point. Exit donc ces ECN pas suffisamment discriminants, trop injustes. Et bonjour la réforme qui instaure des épreuves dématérialisées en fin de 5e année, comptant pour 60 % de la note globale, auxquelles s’ajoutent en 6e année les épreuves orales dites ECOS, pour 30 % de la note. Les 10 % restants étant obtenus en fonction de l’investissement des étudiants dans la société (et pas seulement au sein des études médicales).
Les facultés, pas toutes logées à la même enseigne
Nombre de ces étudiants qui viennent donc de finir leur 6e année ont choisi d’éviter ce qu’ils appellent eux-mêmes « la promotion crash-test ». Privilégier le redoublement, pour éviter le saut dans l’inconnu. Pour éviter aussi la nouvelle répartition des choix de spécialités. Les pouvoirs publics estiment à 1 510 postes, le nombre d’internes en moins pour la rentrée 2024-2025. Nous aurons donc 7 974 postes ouverts au lieu des 9 484 de l’année dernière. Autant d’internes en moins à former, autant de futurs professionnels en moins arrivant sur le marché du soin dans quatre ou cinq ans, selon les spécialités. Certes, certains internes d’avant cette fameuse réforme avaient également redoublé et viendront grossir, quoique très peu, les effectifs de rentrée, mais il sera impossible de savoir vers quelles facultés se portera leur choix. Du moins pas avant le 23 septembre, date à laquelle tous les choix de futures spécialités seront connus. Il y aura donc des facultés qui subiront un peu moins la baisse de 15 % des effectifs. Et d'autres qui la subiront davantage.
Même si les internes sont dans leurs semestres de stage pour se former à leur future spécialité, force est de constater que dans certains services hospitaliers, le soin apporté à la population dépend en partie de leur présence et de leur investissement. C’est ainsi que les médecins urgentistes ont rapidement tiré la sonnette d’alarme. En effet, les internes en médecine générale, les plus impactés par la diminution du nombre de postes ouverts à cette rentrée, seront de facto moins nombreux dans les services d’urgences où ils ont obligation de passer pendant un semestre lors de leur première année d’internat. Moins d’internes de médecine générale, cela veut aussi dire que dans certains centres hospitaliers, ces mêmes internes n’auront pas l’autorisation légale de prendre des gardes dans leur service et donc de participer à la permanence de soins, car il leur est interdit d’assurer un tour de garde s’ils sont moins de six internes pouvant prendre des gardes. Et cette situation sera loin d’être isolée…
Un phénomène qui n’avait pas été anticipé
Si l’on se projette un peu dans l’avenir, cette même promotion amputée de 1 510 postes continuera d’avancer dans son cursus. Dans quatre ans, pour les internes futurs spécialistes en médecine générale, il y aura donc environ 15 % de médecins nouvellement diplômés sortants des facultés de médecine de France en moins. Dans quatre ans, les médecins généralistes actuellement en activité auront continué de vieillir. Certains d’entre eux suffisamment pour prétendre à une retraite amplement méritée.
Être en équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle fera d’eux des médecins plus sereins pour soigner les patients
Toutes les projections démographiques, même les plus pessimistes, n’avaient pas anticipé ce phénomène. Même les pires ne prennent pas en compte non plus les souhaits de carrière et de vie des jeunes professionnels : l’activité d’un médecin partant à la retraite est remplacée par l’activité de 1,3 jeune médecin. Non pas que les jeunes générations soient fainéantes. C’est qu’elles ont beaucoup mieux intégré que leurs aînés qu’être en équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle fera d’eux des médecins plus sereins pour soigner les patients. Les pires projections démographiques n’ont enfin pas non plus pris en compte ceux des médecins qui, une fois diplômés, choisissent finalement de ne pas exercer la médecine et partent vers d’autres cieux professionnels, qu’ils soient liés au soin ou non. Et n’est pas intégrée dans cette équation du pire, la personne qui sera nommée au ministère de la Santé du nouveau gouvernement, dont la composition est encore inconnue à l’heure où ces lignes sont écrites. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que le pire, lui, n’est jamais certain.
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