Vu par Catherine Bertrand-Ferrandis

Quand Kate nous parle prévention et fact-checking

Publié le 12/04/2024
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Spoiler : Ce billet ne vous révélera pas la nature du cancer de Kate Middleton. En revanche, il vous montrera comment transformer ses soucis de santé en atout pour aider vos patients non seulement à mieux se dépister, mais aussi à se protéger de la désinformation.

Crédit photo : PRELAUD

Forcément, je n’ai pas résisté à vous parler de Kate pour ce billet d’avril. Non seulement nous avons le même prénom et le même âge, mais ces derniers temps nous avons également deux sujets de préoccupation communs : la santé de la femme et le fact-checking.

Pour ceux qui vivent sur Mars, voici un mini-récapitulatif de la situation : les rumeurs allaient bon train depuis janvier sur les raisons médicales qui éloignaient Kate des caméras. Pour rassurer ses fans, la Princesse de Galles publie mi-mars une photo d’elle et ses enfants sur ses réseaux sociaux. Mais des traces de retouche sont détectées et en 24 heures les agences de presse dénoncent la photo. Tollé. S’en suivent des excuses princières, puis, le 22 mars, l’annonce face caméra de son cancer, accompagnée d’un appel au dépistage. Respect.

Analysons ce que cette triste séquence a de positif.

Coup de boost pour la prévention

Les 82 % d’opinions favorables à Kate (1) et l’explosion des recherches google (plus de 500 000 requêtes « Cancer Kate Middleton » le 22 mars) laissent à penser que son appel au dépistage pourrait avoir un effet sur les demandes de prescription.

De futures études nous montreront s’il y a impact réel sur le comportement des patientes. Mais nous pouvons d’ores et déjà saisir l’occasion pour utiliser Kate comme rôle modèle dans nos entretiens motivationnels pour encourager au dépistage des cancers. Pas de honte à cela : les Windsor montrent une fois de plus que royauté n’exclut pas humanité, alors capitalisons dessus pour le bien du plus grand nombre. Personne n’est épargné par le cancer, peu importe son porte-monnaie ou sa tête couronnée.

Lire latéralement pour vérifier les faits

Kate nous a apporté sur un plateau un autre sujet de sensibilisation fort intéressant : celui du fact-checking. De fait, s’orienter dans la mésinformation qui fleurit en ligne est un casse-tête.

Voici une astuce simple à soumettre à vos patients : la « lecture latérale ». L’idée est de réfréner son envie de plonger tout de suite « verticalement » dans une info, surtout si elle déclenche une émotion forte (surprise, peur, anxiété, etc.). Au contraire, il faut la mettre en perspective « latéralement » en regardant comment source et thème ciblé sont considérés par d’autres sources de confiance. Si ce premier test de crédibilité est passé, alors seulement vous pouvez plonger.

Appliquons à l’exemple de Kate : en février, nombre rumeurs couraient sur les raisons de son absence. Les tabloïds annonçaient en connaître la raison avec force titres racoleurs. Une simple recherche latérale permettait alors de voir qu’aucune source de confiance ne venait confirmer les scoops clamés. Même chose pour la fameuse photo retouchée : cette fois-ci elle émanait d’une source considérée comme de confiance mais a vite été décrédibilisée par les agences de presse. Le vertical semblait donc bon, mais le latéral n’a pas suivi.

À pratiquer par tous et pour tous

Vous pensez cette méthode simpliste ? Détrompez-vous ! En 2017, une étude (2) sur l'évaluation de l'information numérique a mis au défi historiens, étudiants de Stanford et fact-checkers de déterminer en cinq minutes la source la plus crédible entre deux sites internet, celui de l’Académie américaine des pédiatres, institution scientifique de référence, et celui du Collège américain des pédiatres, groupe activiste nataliste.

Résultat : plus de 50 % des historiens et étudiants ont choisi le groupe activiste comme source de confiance après avoir verticalement plongé dans le contenu des sites. À l’inverse, 100 % des fact-checkers ont désigné l’Académie comme source la plus crédible. Au lieu de plonger dans le site, ils ont latéralement vérifié la source (via Wikipédia par exemple) et ce qu’en disaient d’autres sources. CQFD. À vous de tester !

Bio express

Catherine Bertrand-Ferrandis est spécialisée en communication des risques et gestion d’infodémie. Elle accompagne comme consultante les organisations de santé publique comme l’OMS sur ces sujets, ainsi que divers leaders publics et privés sur leur communication stratégique. Vétérinaire de formation, elle a dirigé la communication de l’Organisation mondiale de la santé animale pendant sept ans, et continue à travailler régulièrement à l’international. Elle est également membre du collectif Femmes de santé.

[1] https://www.odoxa.fr/sondage/les-francais-aiment-la-reine-moins-le-roi-…
[2] Wineburg, Sam and mcgrew, sarah, Lateral Reading: Reading Less and Learning More When Evaluating Digital Information (October 6, 2017). Stanford History Education Group Working Paper No. 2017-A1

Catherine Bertrand-Ferrandis

Source : Le Quotidien du Médecin