Trois petits tours et puis s’en vont...

Publié le 15/09/2023
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PAR LE DR MATTHIEU CALAFIORE - Le nouveau ministre de la Santé a pris ses fonctions cet été. Il se veut présent et réactif. Rupture ou continuité ?

Crédit photo : DR

En plein mois de juillet, l’exécutif a été remanié. Exit François Braun, pourtant le premier des ministres de la Santé à être aussi celui de la Prévention. Bienvenue Aurélien Rousseau, qui en conserve le titre. Mais quels sont les changements perceptibles dans les déclarations de notre nouveau ministre avec ceux de son prédécesseur ?

Un ton plus incisif, plus assuré, sans doute. Des habiletés de communicant, allant de pair avec la raison pour laquelle François Braun a été débarqué par Élisabeth Borne via une déclaration choc : « Ce n'est pas lié à ton travail, il faut un cogneur dans les médias et dans l'hémicycle ».

Affirmer sa posture par des prises de paroles

Des messages clairs, des consignes de prévention adaptées, facilement compréhensibles et applicables par le grand public. Cela serait, convenons-en, une vraie posture innovante et de « cogneur ». Mais il faut croire que les ministres se suivent et se ressemblent, tous avec leurs prédilections pour les injonctions paradoxales. Et Aurélien Rousseau n’a pas à rougir face à ses prédécesseurs.

Rapidement, il est intervenu pour d’une certaine manière légitimer les actions menées par la Cnam et les mises sous objectifs (MSO) de certains généralistes statistiquement trop grands prescripteurs d’arrêts maladie. En effet, le volume de ces arrêts maladie dont « la croissance n’est pas soutenable » au regard du budget de la Sécurité sociale doit diminuer selon notre ministre. Le même volume de prescriptions qui, quelques jours plus tard d’après les chiffres officiels, était en baisse par rapport à l’année précédente. Il était donc vraisemblablement nécessaire de cogner dans les médias… Même s’il s’est agi de cogner un peu dans le vide.

Mais, quelques jours plus tard, nouveau round et nouveau besoin irrépressible de cogner médiatiquement. Notre ministre en appelle sur le plateau de France 2, et à juste titre, à la « responsabilisation de chacun » pour éviter un énième retour du Covid-19. Comment ? En retrouvant les « réflexes » du temps de la pandémie, comme si celle-ci était de l’histoire ancienne, alors qu’elle ne nous a jamais quittés. Le ministre puncheur, avec sa casquette de prévention, nous rappelait alors qu’il était conseillé de porter un masque si l’on est infecté ou si l’on côtoie des personnes fragiles, afin d’éviter une nouvelle vague d’infections. Et d’ajouter : « Quand vous avez le Covid, il est préférable de rester chez soi et de ne pas aller travailler ». Donc d’obtenir un arrêt maladie auprès d’un médecin. Ces mêmes arrêts maladie pour lesquels, lors de la punchline précédente, la croissance était inacceptable…

Des règles suivies par les membres du gouvernement ?

Mais qu’à cela ne tienne, notre ministre a édicté des règles et nous les conseille fortement. Sans doute n’a-t-il pas cogné suffisamment fort, puisque l’un de ses collègues, le ministre Clément Beaune a jugé inutile de venir masqué lors d’une interview télévisée pour répondre aux questions de Thomas Sotto. Et ce, même si ce même ministre avait été diagnostiqué Covid+ et avait dû annuler certains de ses engagements deux jours plus tôt. Espérons que Thomas Sotto et ses équipes travaillent dans un environnement particulièrement bien aéré et ventilé leur permettant d’échapper à une contamination. Au moins, il était en plein air quand, vingt-quatre heures après l’annonce de sa positivité, il accueillait les All Blacks, non masqué, pour la coupe de monde du Rugby. La punchline prévention a à ce point touché son but, qu’une autre ministre, Catherine Colonna, s’est affichée en pleine réunion de travail, alors qu’elle était positive également. Et si tout le monde sur la photo porte un masque, personne n’en porte un FFP2, seule protection efficace en cas de positivité…

Vraiment, heureusement que nous avons hérité d’un vrai cogneur, qui va nous permettre de réagir rapidement face à l’arrivée de cette nouvelle et énième vague Covid, et sans avoir le bras qui tremble (gageons que pour cogner, c’est mieux). Cela nous permettra d’avancer la date de début de la vaccination des plus fragiles, actuellement programmée au 17 octobre. Oui, foi de Ministre, « On se tient prêt à accélérer la campagne de vaccination. Mais la clé, ce sont les gestes barrières et la protection des plus fragiles ». Alors que nous sommes aveugles face à la propagation des variants, que nous ne surveillons pas les eaux usées, que les tests ne sont plus réalisés en nombre et que le criblage des variants n’est même plus remboursé. Mais bon, comme l’ont prouvé les autres ministres, les gestes barrières sont la clé.

Les ministres se suivent et se ressemblent. Ils viennent cogner dans les médias, font trois petits tours et puis s’en vont…

Dr Matthieu Calafiore

Source : Le Quotidien du médecin