Courrier des lecteurs

Une vision qui doit être quelque peu modifiée concernant les arrêts de travail

Publié le 01/12/2023
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Les médecins généralistes (ce sont les libéraux les plus concernés), mais aussi syndicats professionnels sont très remontés vis-à-vis des dispositions prises par l’exécutif concernant les arrêts de travail. Les gros prescripteurs doivent dorénavant s’expliquer, et surtout sont à la merci des caisses d’Assurance-maladie qui peuvent les mettre sous objectif.

Ce délit statistique ne tient pas évidemment compte des spécificités de chaque patientèle, mais plutôt de règles administratives bien huilées. Cette manière d’humilier les médecins gros prescripteurs est quelque peu dérangeante, et ce d’autant plus que ce type de réaction a peu d’impact positif sur le revenu de ces praticiens qui ont un travail harassant le plus souvent.

Une nécessité de replacer ce lynchage de soignants dans son contexte

La mesure prise par le ministère des finances (c’est lui qui a donné cette idée de conduite) est quelque peu amusante car il y a quelques mois de cela on incitait les Français ayant le Covid à s’inscrire sur Ameli pour recevoir des indemnités payées par les contribuables à 100 % durant la période d’arrêt de travail. Cette manière d’agir a été, je le pense, responsable, d’une déresponsabilisation des citoyens vis-à-vis d’un éventuel absentéisme.

Ce qui est également édifiant, c’est de voir que les pouvoirs publics ont ouvert la boîte de pandore, et ont autorisé le développement des téléconsultations. Cette nouvelle formule attractive pour certains a permis également de majorer grandement le nombre des arrêts de travail, mais une fois encore, après quelques atermoiements, on a essayé de faire oublier ce travers en expliquant qu’une meilleure régulation de ce système serait officialisée.

Curieusement il y a quelques jours de cela j’ai été surpris par un reportage effectué par une grande chaîne de télévision mettant en avant les dérives de sites internet qui font de la publicité pour obtenir en un clic un arrêt de travail fictif. Le journaliste nous a montré le responsable d’un de ces sites qui vit tranquillement à Monaco, et arrive à se verser des émoluments considérables avec ce filon. Certains énarques de la sécurité sociale ont alors expliqué qu’il était difficile de faire la chasse à ces délinquants du web.

Plus inquiétant à mon avis, c’est le fait que les organismes sociaux ne sont pas capables de dépister les faux identifiants de médecins, ce qui me laisse pantois.

Un exemple édifiant

Cependant cette situation de manque de sérieux des caisses ne m’étonne pas trop car il y a quelques mois de cela en établissant sur Ameli un arrêt de travail, je me suis trompé et au lieu du matricule du patient j’ai inscrit celui de ma femme (elle est aussi médecin généraliste libérale).

Ayant constaté cette erreur sur-le-champ, j’ai envoyé un message grâce au Chat de ce site. À ma grande surprise mon message n’a pas été pris en compte, et ma femme a reçu des indemnités. Très gêné par cette situation j’ai essayé de redresser la barre et d’en informer ma caisse, cela sans réel succès.

La solution est venue de l’informaticien de la sécurité sociale qui a réglé en quelques semaines ce malentendu.

Comme quoi je reste dubitatif en ce qui concerne les arrêts de travail à plusieurs niveaux, et je me pose certaines questions. La comptabilité des gros prescripteurs n’est-elle pas entachée d’erreurs ? Comment est-il possible qu’une aussi grosse structure (avec des responsables en communication, des statisticiens « de renom », une flopée de cadres A…) payée par les deniers des médecins tout autant que les autres contribuables puisse continuer à fonctionner de la sorte ? Pourquoi les arrêts de travail générés par les portails informatiques ne sont pas plus contrôlés et sanctionnés ?

Tout cela me laisse énormément perplexe, et me fait penser que le pauvre médecin libéral est une cible facile à atteindre (c’est le bouc émissaire dès lors que des problèmes surviennent) alors qu’il ne tire aucun profit d’un tel « commerce ».

 

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Les organismes sociaux ne sont pas capables de dépister les faux identifiants de médecins

Dr Pierre Frances, médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer (66)

Source : Le Quotidien du médecin