Vers un nouveau mode de travail collectif

Publié le 03/11/2023
Article réservé aux abonnés

Il y a quelques semaines de cela, un communiqué élaboré par France Association Usagers Santé a été largement diffusé dans les médias. Cette association de défense des patients, par cette missive, a mis en garde nos dirigeants vis-à-vis des problématiques du soin des Français. Bien entendu le corporatisme jugé démesuré des médecins libéraux a été pointé du doigt. Une nouvelle fois nous avons pu observer qu’il existe des intérêts qui divergent entre France Association Usagers santé et les médecins de ville. En parallèle, et pour enfoncer le clou (car Frédéric Valletoux s’est chargé de proposer un texte de loi à ce sujet rejetée par le Sénat), l’intérêt des CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé) a été une nouvelle fois développé par ce collectif d’usagers.

Les CPTS, une solution à tous les maux

Il est intéressant de noter que le travail en pluriprofessionnalité est souvent mis sur le tapis par de nombreuses personnalités travaillant dans le secteur du soin, car cette manière de fonctionner semble, je dis bien semble, être un moyen de lutte contre les déserts médicaux. C’est ainsi que le ministre de la Santé n’a pas hésité lorsqu’il a été interviewé par le Quotidien du Médecin (n° 10000) à donner son point de vue concernant la feuille de route qu’il souhaitait observer chez les généralistes libéraux ; préalable à toute discussion syndicale avec la Cnam. Pour ce dernier, la revalorisation de ces professionnels à 30 euros est une option de négociation conventionnelle (il faut bien mettre dans l’escarcelle des négociations quelques cacahuètes pour donner l’illusion que le pouvoir syndical est puissant), mais il a laissé entendre qu’elle serait éventuellement conditionnée à une adhésion à un plan de soins en équipe. Cette vision de notre ministre de tutelle développée dans le Quotidien du Médecin a également été exposée de manière similaire dans divers quotidiens nationaux quels que soient leurs bords politiques. Le souhait de nos instances est avant tout de donner l’image que les Français, avec un nombre restreint de médecins peuvent, grâce au concours d’autres professionnels œuvrant dans le domaine de la santé, être pris en charge de manière optimale (je ne dis pas formidable).

Il est certain que dans les prochaines années, l’accessibilité aux soins va être un challenge difficile pour de nombreux citoyens. Les CPTS offrent des solutions de fortune pour remédier au manque de professionnels. Pour pouvoir fédérer plus facilement les professionnels à cette option d’un travail en équipe, on donne la main à un consortium constitué de différents professionnels de santé qui ont pour mission de travailler sur des projets communs : les CPTS. Ces projets élaborés en commun ont pour vocation de permettre une plus grande accessibilité aux soins, mais aussi de mettre en place des actions de prévention, et enfin d'offrir des solutions vis-à-vis de la dépendance de certains patients.

Le médecin endosse la responsabilité des actes réalisés par d'autres

Cette idée est très honorable, mais elle nécessite le concours de certains soignants qui ont parfois des idées pas nécessairement en accord avec les recommandations des sociétés savantes. De plus, travailler avec des professionnels de santé auxquels on donne une possible émancipation (que beaucoup apprécient grandement) lors de la réalisation de certains actes, ou de certaines prescriptions, cela peut être la source d’erreurs et de conflits. En effet, nous ne devons oublier pas que le médecin endosse la responsabilité des actes effectués par les paramédicaux (cas des infirmières), ce qui peut parfois irriter, à juste titre, certains confrères.

Dans tous les domaines professionnels nous avons des personnes qui se mettent en avant car elles veulent une reconnaissance. Chez les paramédicaux nous assistons également, dans certains cas, à des prises en charge par des soignants très compétents et qui restent à l’écoute des médecins. Il est également possible de voir des cas où ceux qui veulent augmenter leur champ de compétences ne sont pas les plus aguerris, mais plutôt ceux qui ont le plus de personnalité. Et c’est là où le bât blesse, car ces soignants sont souvent des dangers pour les patients, mais aussi pour les confrères qui ont des difficultés dans la plupart des cas à calmer leurs ardeurs. Malheureusement il est impossible de rejeter toute bonne volonté souhaitant s’intégrer dans une des CPTS. Travailler en ensemble, c’est aussi avoir une philosophie du partage, philosophie qui ne peut pas être acquise en quelques semaines et oblige les médecins à certaines concessions vis-à-vis de leur pratique. Et ce qui est dramatique, c’est le fait que les politiques de tout poil ne sont pas conscients de cette situation, ou ne veulent pas en discuter.

Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans « Le Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à aurelie.dureuil@gpsante.fr

Dr Pierre Frances, médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer (66)

Source : Le Quotidien du médecin