Prise en charge des différentes formes tumorales

Que d'évolutions dans le cancer du sein !

Publié le 19/11/2021
Si les tumeurs du sein triples négatives bénéficient récemment de quatre avancées remarquables, l’espérance de vie s’est considérablement améliorée dans les cancers HER2 positifs (HER2+). Que retenir de ces évolutions prometteuses ?
Figure 1. Survie globale ajustée des femmes atteintes de cancer du sein métastatique HER2+ dans la cohorte française ESME par années de diagnostic (1)

Figure 1. Survie globale ajustée des femmes atteintes de cancer du sein métastatique HER2+ dans la cohorte française ESME par années de diagnostic (1)
Crédit photo : DR

Les cancers du sein ayant les besoins médicaux les plus importants sont les « triple négatifs », qui n’expriment ni les récepteurs aux œstrogènes (RO), ni à la progestérone (RP), ni HER2. En situation de cancer localisé (stades II et III), malgré un traitement adapté par chimiothérapie et traitements locaux, le risque de rechute à cinq ans, dont la plupart sont métastatiques, est de l’ordre de 30 à 35 %. L’espérance de vie au stade métastatique reste depuis ces 12 dernières années autour de 14 à 15 mois (1), ce qui est dramatique chez des femmes souvent jeunes (âge médian au diagnostic de 53 ans environ).

Tumeurs triple négatives : quatre progrès majeurs

Après des années d’attente, quatre avancées essentielles ont été enregistrées ces derniers mois dans les cancers triple négatifs. Les deux premières concernent les stades localisés (II et III). D’une part, l’adjonction du carboplatine à la chimiothérapie, comprenant anthracyclines et taxanes, augmente la survie sans rechute à quatre ans de plus de 10 % (passant de 68,5 % à 79,3 % en médiane), selon l’actualisation de l’étude Brightness présentée au congrès européen d’oncologie (ESMO) 2021 (2). D’autre part, l’ajout du pembrolizumab à la chimiothérapie conventionnelle incluant du carboplatine, permet d’augmenter les taux de réponse complète histologique (3) et la survie sans rechute (SSR), comme rapporté au dernier congrès de l’ESMO (SSR médiane à trois ans : 84,5 % au lieu de 76,8 %). Pour la première fois, la possible extension d’indication d’un inhibiteur de checkpoint immunologique en situation adjuvante, doit faire peser de façon précise le rapport bénéfice-risque. En effet, ces traitements sont associés à un taux élevé d’effets immuno-médiés, dont une petite partie est irréversible.

En première ligne métastatique, si les tumeurs surexpriment le récepteur du ligand de mort programmée PDL-1, l’adjonction de pembrolizumab à la chimiothérapie conventionnelle permet d’augmenter la survie globale, dont la médiane passe de 16 à 23 mois (4). Une autorisation de mise sur le marché dans cette indication vient d’être délivrée en Europe.

Enfin, en cas de mutation germinale des gènes de prédisposition BRCA1 ou 2 retrouvés dans 5 % des tumeurs mammaires et fréquemment à l’origine de formes triples négatives (surtout BRCA1), les inhibiteurs de l’enzyme PARP1, impliquée dans la réparation des cassures simple brin de l’ADN, ont démontré leur efficacité dans de nombreux cancers liés à cette mutation (ovaire, prostate, pancréas et sein). L’étude Olympia a évalué l’administration de l’olaparib, inhibiteur oral de PARP1, pendant un an en situation adjuvante chez des femmes atteintes de cancer d’un sein localisé à risque élevé de rechute. L’olaparib a permis un bénéfice important : une augmentation de 8 % de la survie sans rechute infiltrante à trois ans (5). Quant au rapport bénéfice-risque, il semble acceptable, avec un excès modéré d’effets secondaires attendus sous olaparib (en particulier hématologiques, surtout des anémies) et sans aucun signal lié à un surrisque théorique d’hémopathie secondaire. Cependant, il doit là aussi être bien étudié et ce médicament réservé en cas de haut risque de rechute.

Une survie prolongée dans les cancers HER2+

Concernant les cancers HER2+ (10-15 % des tumeurs mammaires), le champ des traitements s’étend encore, permettant chaque année de diminuer le risque de rechute métastatique, mais également d’améliorer l’espérance de vie en situation de récidive, avec des médianes de survies aujourd’hui au-delà de cinq ans (figure 1) [1]. Nouvelle génération de thérapie oncologique en plein essor, les anticorps conjugués sont des médicaments « intelligents » qui combinent un anticorps monoclonal capable de reconnaître assez précisément les cellules cancéreuses porteuses d’un antigène (comme HER2) et une chimiothérapie relarguée spécifiquement dans ces cellules tumorales. Anticorps conjugué de seconde génération, le trastuzumab deruxtecan vient de démontrer, en seconde ligne métastatique, un bénéfice majeur par rapport au T-DM1 (traitement de référence de première génération). La survie sans progression passe de 6,8 mois à plus de 20 mois (non atteinte) [6].

Un test prédictif dans les formes hormonodépendantes

Dans les cancers localisés hormonodépendants avec un à trois ganglions axillaires atteints, l’étude Rxponder a démontré la capacité d’un test génomique à identifier, chez les femmes ménopausées, celles ne bénéficiant pas de la chimiothérapie adjuvante (test 21-gènes OncotypeDX, si inférieur à 25). Par contre, les femmes non ménopausées bénéficiaient globalement de la chimiothérapie, dans tous les sous-groupes, en termes de diminution du risque de rechute et de décès (7).

Enfin, après de multiples études, la durée idéale de l’hormonothérapie adjuvante chez les femmes atteintes de cancers à haut risque, semble aujourd’hui se situer à sept ans (8).

Gustave Roussy (Villejuif)
(1) Grinda T et al. ESMO Open 6:100114, 2021.
(2) Loibl S et al. Lancet Oncol 2018;19:497-509.
(3) Schmid P et al. N Engl J Med 382:810–821, 2020.
(4) Cortes J et al. Lancet 2020;396:1817-28.
(5) Tutt ANJ et al. N Engl J Med 2021;384:2394-2405
(6) Cortés J et al. Annals of Oncology 2021;32 (5): S1283-S1346.
(7) Kalinsky K et al. New Engl J Med 2021, in press.
(8) Gnant M et al. N Engl J Med 2021;385:395-405

Dr Suzette Delaloge

Source : lequotidiendumedecin.fr