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Dossier

Rhinite allergique, une prise en charge bien codifiée

Par Dr Maia Bovard Gouffrant - Publié le 06/11/2020
Rhinite allergique, une prise en charge bien codifiée


JOHN BAVOSI/SPL/PHANIE

Bien qu’elles ne soient pas complètement de saison, les rhinites allergiques ont occupé une place de choix lors du dernier congrès de la Société française d’ORL, avec la présentation de nouvelles recommandations. Rendue virtuelle à cause du Covid-19, cette édition a aussi été l’occasion de faire le point sur l’amygdalectomie de l’enfant.

Faisant suite à son rapport de 2019 sur la rhinite allergique (RA), la Société française d’ORL (SFORL) a présenté cette année, lors de son congrès virtuel (10-11 octobre), de nouvelles recommandations sur cette pathologie qui toucherait jusqu’à 28,5 % de la population française.

La symptomatologie de la RA étant très évocatrice, l’examen clinique et l’interrogatoire ont essentiellement pour objectifs d’éliminer d’autres diagnostics (surtout en cas de manifestations unilatérales), de relier les signes à des circonstances particulières et d’évaluer le retentissement sur la qualité de vie, le sommeil et l’activité professionnelle. La classification ARIA, selon l’intensité et la fréquence de la RA, guide l’adaptation thérapeutique, mais on la nuance par la notion de RA annuelle, saisonnière ou mixte.

Prick tests en première intention

Les prick tests sont recommandés en première intention, leurs résultats devant concorder avec l’histoire clinique. Le dosage des IgE spécifiques n’a de place que si les tests cutanés ne concordent pas avec la clinique ou en cas de polysensibilisation. Les tests multiallergéniques de type Phadiatop® n’ont aucun intérêt pour le diagnostic de RA et ne doivent plus être utilisés que pour éliminer l’origine allergique d’une rhinite, vu leur valeur prédictive négative. Il est préférable de demander un avis allergologique en cas de polysensibilisation ou d’allergie alimentaire associée ou pneumologique si on suspecte un asthme. « La démarche diagnostique est identique chez l’enfant – on peut faire les tests cutanés à tout âge – mais il faut penser à une RA devant un ronflement ou des apnées du sommeil même s’il existe une hypertrophie des amygdales ou des végétations, et envisager d’emblée les répercussions éventuelles de l’obstruction nasale sur le sommeil, la croissance faciale, la malocclusion et l’audition », remarque le Pr Justin Michel (Marseille).

La démarche thérapeutique n’a guère changé, avec en première intention dans les formes légères les anti-histaminiques oraux (AH1) de troisième génération. Ils sont efficaces sur le prurit nasal, les éternuements, la rhinorrhée, ainsi que la conjonctivite et l’urticaire, mais plus partiellement sur l’obstruction nasale.

Les rhino-corticoïdes (RC) locaux sont efficaces  sur la symptomatologie nasale et oculaire et sur la qualité de vie et sont indiqués en première intention dans les formes plus sévères. Ils sont bien tolérés mais des épistaxis minimes et transitoires sont possibles dans 20 % des cas environ. Il n’y a pas de risque de perforation septale ni d’atrophie muqueuse, pas d’effets systémiques, ni d’augmentation de l’incidence du glaucome. Si les symptômes ne sont pas suffisamment contrôlés, on peut doubler la dose mais uniquement chez l’adulte, ou recourir à l’association fixe RC/AH1 locale, rapidement très efficace (réduction de 30 % des symptômes en moins de 15 minutes). Cette association a l’AMM en deuxième intention dans la RA modérée à sévère insuffisamment contrôlée par un traitement bien conduit. « L’EBM n’a pas montré d’intérêt à associer RC et AH1 oraux, alors que c’est extrêmement courant en pratique », note le Pr Louis Crampette (Montpellier). Les décongestionnants locaux n’ont pas leur place en première intention, ni les corticoïdes oraux qui sont à réserver en cures courtes aux formes sévères résistantes. Les anti-leucotriènes n’ont pas leur place dans la RA isolée. Les cromones par voie locale, moins efficaces que les RC, n’existent plus que sous des formes non remboursées par l’Assurance maladie. La persistance d’une rhinorrhée peut bénéficier du bromure d’ipratropium local.

L’immunothérapie plus simple avec la voie per os

L’immunothérapie allergénique (ITA) a été facilitée par la mise à disposition de formes orales. Elle a toute sa place dans la RA modérée ou sévère mal contrôlée après un an de traitements symptomatiques. La première administration doit être réalisée sous surveillance dans une consultation équipée d’un stylo d’adrénaline. On évalue son efficacité après un an pour les acariens ou au moment du pic saisonnier pour les pollens, avant de décider de l’opportunité de la prolonger au moins 2 ans. Cette ITA doit cibler au maximum deux allergènes, à condition que les TCA ou les IgE spécifiques concordent avec la clinique.

En cas d’échec, après avoir vérifié la bonne observance du traitement, la pertinence du diagnostic et l’absence de polypose, l’ORL peut proposer une réduction partielle des cornets inférieurs. L’intervention sur le nerf du canal ptérygoïdien connaît un regain d’intérêt, surtout en cas de rhinorrhée importante. L’injection de toxine botulique est encore peu pratiquée en France.

Une origine professionnelle fréquente

La RA et l’asthme constituent les pathologies professionnelles les plus déclarées. En 2012, on recensait 298 nouvelles déclarations parmi les 105 047 salariés de la coiffure, et l’allergie au latex concerne 3 à 17 % des professionnels de santé.

Les RA surviennent après une période de latence (ce qui les distingue des rhinites par « irritation »), en moyenne après 4 ans d’exposition, sauf pour les farines et les petits animaux de laboratoire où le délai est inférieur à 2 ans. Les allergènes sont très nombreux, dominés par les farines (27 %), les persulfates alcalins (17 %), le latex (13 %) les acariens (12 %) puis les aldéhydes, les ammoniums quaternaires, les poussières de bois, les amines, les isocyanates. « La RA favorise l’asthme, qui survient avec un décalage de 2 à 3 ans », insiste le Pr Luc Taillandier de Gabory (Bordeaux). La démarche diagnostique est identique à celle des autres RA. Mais si les allergènes de haut poids moléculaire (farines, latex, petits animaux, moisissures, enzymes) sont aisés à mettre en évidence, il n’existe pas de tests sous-cutanés ni d’IgE spécifiques pour ceux de faible poids moléculaire
(produits de coiffure, de l’industrie, bois). Or l’enjeu professionnel est majeur et dans les cas douteux, on peut être amené à demander des tests de provocation nasale en milieu spécialisé.