« La détérioration de l’offre de soins, due aux choix politiques des 30 dernières années, laisse sur nos territoires le champ libre à de multiples initiatives, propositions, développement d’outils plus ou moins opportunistes afin de pallier le manque de médecins généralistes comme spécialistes », écrit l’Association des maires ruraux de France (AMRF) dans un communiqué daté du 8 novembre. Et parmi ces nouvelles initiatives : la télémédecine.
« Les propositions de télémédecine sont multiples, les moyens de diagnostics, d’organisation, de communication qu’elles mettent à notre service sont aujourd’hui incontournables », détaille le communiqué. L’AMRF, représentant les communes de moins de 3 500 habitants, affirme que « la télémédecine est un outil qui permet et permettra de remédier ponctuellement à l’absence de médecin. » Mais selon l’association, « elle devra s’inscrire dans une organisation repensée de l’aménagement territorial de la présence médicale » et « incluse dans le parcours de soins des concitoyens comme relais d’un parcours de soins de proximité ».
Le projet doit être porté par les médecins
En outre, l’AMRF souhaite que la téléconsultation soit limitée géographiquement, car les maires ruraux s’inquiètent « que la télémédecine, ainsi pratiquée, ne soit une alternative à disposition des médecins pour s’installer hors des zones sous-dotées ». Ainsi pour les élus, « le projet doit être porté par les médecins locaux » dans le cadre d’un projet « de territoire et de coordination médicale territoriale ». Aussi, « l’appel à des médecins hors de ce territoire doit être autorisé en cas de carence de temps médical » et sera privilégié « le médecin le plus proche ».
Lors de la téléconsultation, l’association des maires ruraux souhaite « la présence d’un accompagnant professionnel de santé à côté du patient ». Mais la télémédecine, comme la téléconsultation, « doit être un acte médical structuré, occasionnant notamment la prise de valeurs et de constantes » et ne se limitant pas « qu’au renouvellement d’ordonnance ».
Isabelle Dugelet, maire de La Gresle (Loire), explique son raisonnement. « Je ne suis pas favorable à titre personnel à la télémédecine, mais quand on n’a pas le choix… C’est en revanche intéressant pour que les généralistes gagnent du temps, notamment quand ils sont moins enclins à se déplacer et qu’un infirmier est au côté du patient en même temps. »
D’autres leviers à actionner
En filigrane, les maires ruraux se positionnent en faveur de la délégation de tâches, comme celles adoptées par l’Assemblée dans le cadre du PLFSS 2022. « Le développement de nouvelles pratiques doit être privilégié permettant ainsi à des professionnels paramédicaux, mieux répartis sur le territoire, d’exercer des missions et des compétences plus poussées, jusque-là dévolues aux seuls médecins ».
L’AMRF affirme vouloir « développer et amplifier l’exercice des auxiliaires médicaux et des infirmiers de pratiques avancées (IPA) » ; « placer les pharmaciens, infirmiers au centre de nouvelles pratiques en faveur de l’ambulatoire » ; et enfin « réorienter la surveillance des pathologies simples vers des auxiliaires médicaux ayant suivi des formations complémentaires (pathologies ophtalmiques vers les orthoptistes, etc.) »
Selon Gilles Noël, maire de Varzy (Nièvre), les infirmiers sont un gage de « proximité, régularité et confiance… En territoire rural, 365 jours par an, nous les voyons. Ils maillent très bien le territoire et ils sont une courroie de transmission pour la patientèle, en interface avec le médecin. Ils apportent une complémentarité. » L’élu cite un exemple : « la coordination fonctionne très bien : nous avons un médecin qui a fait le choix de ne pas vacciner, pour ne pas rallonger ses journées et grignoter son temps médical. Ses infirmiers le font et, s’il y a un problème, il se déplace ! »
Isabelle Dugelet abonde. « À l’heure actuelle, qui assure les soins ? Les infirmiers libéraux ! Dans ma commune, ils prennent même des photos des problèmes des patients, qu’ils montrent ensuite au médecin ! On se débrouille comme on peut… »
Un manque d’attractivité ?
Bien sûr, l’AMRF aimerait que « les solutions d’installations de professionnels de santé » soient privilégiées. Mais le numérique « sera une bouée de sauvetage pour les territoires les plus déshérités en accès aux soins », soit « un des outils qui permettra que cette crise soit la moins dramatique possible », mais « en aucun cas » le seul, signent Dominique Dhumeaux, premier vice-président, et Michel Fournier, président de l’AMRF.
Gilles Noël précise sa pensée. « Pour moi, il n’y a pas assez de temps médical. Et ce n’est pas le Ségur de la santé ou l’extension des maisons de santé qui va changer ça. Aujourd’hui, les gens veulent moins travailler, peu importe le métier, y compris chez les médecins. Augmenter le nombre de médecins ne suffira donc pas, car les aînés travaillaient plus ! »
Isabelle Dugelet, elle, défend l’installation mais subit également le procès en non-attractivité : « On ressent du mépris. Il y a beaucoup d’idées préconçues sur le monde rural, lequel représente 70 % du territoire national. Entre les années 1950 et aujourd’hui, le monde rural a beaucoup changé ! J’ai même la fibre, au milieu des vaches ! »
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