« Au début de mon stage, j'y allais avec le sourire » : un interne et youtubeur raconte le malaise des urgences

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Publié le 07/06/2019
Dr Mus

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Crédit photo : DR

Rentabilité, manque de lits et de personnels, le Dr Mus, interne en première année de médecine générale, également youtubeur suivi par plus de 35 000 personnes, livre dans sa dernière vidéo un témoignage poignant de son passage en stage aux urgences, de novembre 2018 à mai 2019. 

Depuis mars, les grèves se multiplient dans les services d'urgences pour alerter sur le manque de moyens, les agressions à répétition et l'épuisement du personnel. Dans une vidéo pédagogique baptisée « La vérité sur les urgences », publiée le 3 juin, le Dr Mus dresse un état des lieux préoccupant des urgences avec un personnel soignant de « plus en plus à bout ». Il raconte son expérience sur la gestion de la période hivernale, propice à l'afflux de patients dû aux diverses épidémies. La vidéo a déjà été vue plus de 70 000 fois. 

« Cette année aux urgences, on a eu beaucoup, beaucoup, beaucoup, de personnes âgées », raconte-t-il. « Ce sont des personnes qui ont beaucoup plus d'antécédents que les jeunots de 20 piges, donc plus de risques de décompenser sur plusieurs plans ». « Très souvent on est obligés d'hospitaliser ces personnes-là, elles nécessitent une surveillance médicale [...]. Le truc c'est que pour hospitaliser, il faut des lits d'hospitalisation… C'est le deuxième problème. »

Rentabilité avant tout 

Il mentionne les nombreuses réunions entre la direction et les chefs des urgences pour gérer cet afflux. « La solution était toute trouvée : plus de personnels soignants et plus de lits d'hospitalisations [...]. Sauf que non. Pour la direction, c'était plutôt "le personnel supplémentaire, ça ne va pas être possible parce que l'on a un budget à respecter" et "pour les lits, c'est pareil, on ne peut pas en ajouter, parce qu'il faudrait ajouter du personnel pour s'en occuper et vous savez le personnel médical ça coûte de l'argent" », caricature-t-il. 

Le Dr Mus dénonce une course aux économies, où le patient est le premier à payer le prix. « Le système hospitalier en France est devenu comme une entreprise, il faut qu'il soit rentable », enchaîne-t-il. 

Les décisions politiques se répercutent immédiatement dans le service. « Lorsque l'équipe de jour arrivait le matin, elle se retrouvait parfois avec 20 patients arrivés la veille et allongés sur des brancards le long des couloirs et qui sont en attente d'une place dans l'un des services de l'hôpital. » 

Elles causent également des tensions auprès des équipes. « Au début de mon stage, j'y allais avec le sourire, à partir du moment ou c'est devenu compliqué tout s'est dégradé, on ne communiquait plus dans l'équipe, on ne rigolait plus, l'atmosphère est devenue ultra-pesante », poursuit-il. 

« Il y a un vrai souci de personnel qui n'augmente pas mais finit par se réduire dans certains hôpitaux pour des questions de budget avec des patients qui sont toujours plus nombreux à consulter ». Et d'ajouter : « Les infirmiers n'étaient plus des humains, c'était des automates, ils n'avaient plus le temps. Ils regardaient le tableau des prescriptions, regardaient les box concernés et allaient réaliser la prescription avant de passer au box suivant. » 

L'attente est également un facteur difficile pour les patients. Le Dr Mus explique avoir été témoin de scène de violence verbale envers le personnel hospitalier. « On nous traitait de branleur, qu'on ne foutait rien, qu'on laissait les patients pourrir, souligne-t-il. Sauf que cette situation on la subissait comme eux. »

Appeler le 15 pour désengorger et éduquer les patients 

Au-delà des moyens financiers et humains réclamés par ce jeune interne, le Dr Mus estime que le domaine de la prévention et de l'éducation est à creuser. « Pendant mon stage, j'ai remarqué que les patients ne savaient pas à quoi servent les urgences, mentionne-t-il. Pourtant, il existe un moyen simple pour avoir un avis médical rapide, c'est le 15. [...] Savoir si oui ou non il est nécessaire d'aller aux urgences. » 

Même si le Dr Mus se prédestine à une carrière de généraliste, il explique l'admiration portée aux équipes qui l'ont encadré. « Le métier d'urgentiste que j'ai pu voir au cours de ces six mois, c'est un super beau métier, très enrichissant, stimulant. J'ai vécu six mois de stage très formateur avec des rencontres humaines que je n'oublierai jamais. [...]. Les urgences c'est aussi une grande famille. »  Il a posté trois autres vidéos témoignages sur son expérience aux urgences : « Une journée dans la vie d'un interne aux urgences », « Ma première garde aux urgences » et « Mes débuts aux enfers des urgences ».  

 

 

 

 

 

 


Source : lequotidiendumedecin.fr