Brève

Benoît Vallet, DGS, une vision et du sens pour le numérique en santé

Publié le 02/03/2017
La parole du directeur général de la santé, le DGS, est aussi importante qu’elle est rare pour ce professeur de médecine du Nord (PU-PH), également colonel de réserve. Lors des Prix Blaise-Pascal, à la Cité des Sciences, il a livré le cap fixé au numérique en santé articulant son discours autour d’exemples pratiques. Alors que nous sommes assaillis de contraintes juridiques et autres intérêts économiques particuliers, la clarté du propos tranche et le sens donné aux arguments fait mouche.
visuel Vallet

visuel Vallet

Le Dr Pascal Maurel, modérateur des Prix Blaise-Pascal, devant le député Gérard Bapt, fondateur des prix éponymes, a présenté Benoit Vallet comme étant le « vif du sujet » au motif que le sujet princeps de la matinée était « la contribution du numérique à la santé publique ».

Benoît Vallet a indiqué que nous assistions à l’avènement d’une double transition. Le passage du curatif au préventif, donc du soin à la santé d’une part, et le développement de la e-santé au chevet, notamment, de la coordination du parcours de santé des patients. « Sur ce dernier point, c’est tout le sens donné par la ministre des Affaires sociales et de la Santé à la nomination de Jean-Yves Fagon en tant que délégué ministériel à l’innovation en santé. » a-t-il ajouté.

Une vision stratégique

La stratégie nationale e-Santé 2020 a défini quatre priorités sous la signature de la ministre : fluidité, agilité, innovation, sécurité.

La fluidité traite de la simplification nécessaire des processus qui manque cruellement aux professionnels encerclés qu’ils sont par des textes juridiques à l’inutile complexité rendant leur objet inapplicable pour beaucoup. L’agilité est nécessaire pour l’évolution des systèmes et l’adaptation aux situations comme l’optimisation numérique de l’e-épidémiologie, la mesure de situations locales, régionales et nationale. L’innovation par les outils numériques va apporter au débat de la qualité à la condition qu’ils contribuent réellement à la santé publique, donc la prise en charge des patients et sans doute aux économies de ressources. On peut néanmoins rester circonspect avec Jean-Yves Fagon, délégué ministériel à l’innovation en santé, lorsqu’il observe que seuls 10-15 % desdites innovations apportent quelque chose à la santé publique, à l’instar des nouveaux médicaments mis sur le marché (85 % de produits me-too comme autant d’arguties pharmaco-marketing) Encore faut-il, s’agissant du numérique, que l’innovation ne contribue pas à la création d’inégalités sanitaires pour lesquelles Benoît Vallet cite l’accès à la fibrinolyse dans les AVC (accidents vasculaires cérébraux) thrombotiques en différents lieux géographiques. Dernier point, mais non des moindres la sécurité des systèmes d’information, c’est-à-dire la traçabilité des accès et la protection des données des patients.

Ce monde qui passe de l’avoir à l’accès et au motif que « la soupe est bonne » prête le flanc à toutes les dérives mercantiles (vente de données personnelles, intelligence économique, eugénisme commercial lorsque comme en Chine, la régulation est peu ou pas présente et où l’entreprise semi-publique Beijing Genomics Institute est le premier commerçant génomique mondial, inventeur du concept de SEQonomics, détenteur de plus de 1 000 séquenceurs HiSEG X. Ou quand Anne Wojcicki, CEO de 23andme, start-up subventionnée par Google, alors épouse de Sergei Brin, fondateur de Google, vend 3 000 génomes au laboratoire Genentech pour 60 millions de dollars.

Démocratie sanitaire

Autre point stratégique abordé par Benoît Vallet, la démocratie sanitaire, pour laquelle il a souligné l’importance, via des outils simples, de la contribution et de la participation des patients et des citoyens. Il est clair que le rôle des réseaux sociaux, avec des patients préoccupés d’efficacité, est une évidence prospective comme on le voit désormais dans les pays nordiques et en Amérique du Nord.

Ainsi, il a cité la possibilité de signalement et d’alertes citoyennes par le truchement d’un portail national de signalement des effets indésirables ouvert à tout un chacun. Cette initiative est cohérente avec l’amendement 110 de la loi de modernisation de santé imposant la déclaration obligatoire des incidents des systèmes d’information.

2020, l’odyssée de l’espace

Autre innovation, en coopération avec le CNES (Centre national d’études spatiales) (Jean-Yves Le Gall, président) et le SSA (Service de santé des armées) (Jean-Marc Debonne, MGA), dans le cadre d’une convention cadre nationale, l’évaluation des technologies spatiales en santé publique (imagerie, télécommunications, alertes). On peut citer le repérage des conditions favorables à l’émergence de situations pathologiques (points d’eaux stagnantes, points de chaleur, mouvements polliniques, pollution aérique, etc.).

Benoît Vallet a conclu sur la puissance de l’outil numérique utile qui peut apporter, dans un cadre éthique régulé, une démultiplication des bonnes volontés et donc contribuer à la qualité de la santé publique. Comme quoi, un discours sensé qui n’oublie jamais la mission de la santé publique peut animer les âmes.

Dr Jean-Pierre Blum Conseiller technologies prés le président du groupe d’études parlementaires numérique et santé, Assemblée nationale.

Source : lequotidiendumedecin.fr