Dr Jacques Lucas (Cnom) 

« Des patients utilisent les applis sans certitude sur leur sécurité »

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Publié le 08/12/2017
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Délégué général au numérique, le vice-président de l’Ordre plaide pour la création d’un label public garantissant la fiabilité des objets et applis de santé. Le médecin serait ainsi sécurisé lorsqu’il recommande ces nouvelles technologies.
Visu encadré p10-12 - J Lucas

Visu encadré p10-12 - J Lucas
Crédit photo : DR

L’émergence des applications et objets de santé connectés menace-t-elle le secret médical ?

Dr Jacques Lucas On ne peut pas répondre par oui ou non à cette question. L’utilisation de ces applications et objets comporte un risque. Tout dépend de l’usage qui est fait des données personnelles de santé. Les utilisateurs doivent être informés que celles-ci sont susceptibles de se retrouver sur une plateforme. Ils doivent savoir si ce dispositif est un hébergeur agréé pour stocker les données de santé, obéissant aux règles de la CNIL, ou si les données sont envoyées dans un cloud non sécurisé, sans aucune garantie. Beaucoup de patients utilisent des applis qui collectent leurs informations de santé sans aucune certitude sur leur sécurité. Y attachent-ils une importance ? Quelqu’un en bonne santé, qui utilise une application ou un objet lorsqu’elle va courir, ne s’inquiète pas du sort de ses données. En revanche, la situation devient différente s’il s’agit d’un patient, car il pourrait y en avoir une utilisation malveillante.

Les citoyens sont-ils suffisamment informés ?

Dr J. L. Non, mais ils ne sont pas attentifs non plus. Ils acceptent généralement les conditions générales d’utilisation d’une application sans les avoir lues. Nous considérons que le médecin a un rôle d’information à remplir quand une personne malade souhaite en utiliser. S’il est amené à prescrire ou à recommander une application ou un objet connecté, le praticien doit avoir la certitude que les données de santé sont protégées. Nous militons pour la création d’un label public garantissant à l’utilisateur et au prescripteur la fiabilité des applis ou objets, ainsi que la protection des données personnelles au regard du règlement européen. Nous sommes persuadés que ce label public créerait de la confiance, les praticiens pourraient s’engager de façon beaucoup plus active dans l’utilisation de ces nouveaux outils.

Les nouvelles technologies qui facilitent le partage de données entre professionnels présentent-elles un danger ?

Dr J. L. Actuellement, la loi Santé et son décret d’application permettent des échanges et partages de données personnelles de santé entre les membres des équipes de soins. Certains se sont inquiétés d’une mise en cause du secret médical, mais il n’en est rien. Si dans le cadre d’un collectif de soins, personne ne partageait rien au nom du secret, ce ne serait pas la peine d’avoir une équipe. Il faut être très pragmatique et éviter de fantasmer, en criant à la fin du secret médical. En revanche, les médecins des compagnies d’assurances et les médecins du travail ne doivent pas avoir accès aux dossiers médicaux.

Propos recueillis par Stéphane Lancelot

Source : lequotidiendumedecin.fr