Les portraits de l'été

Le Dr Bammert, le généraliste qui veut dompter l’intelligence artificielle

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Publié le 07/08/2018
Bammert

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Google n’est pas toujours une aide miraculeuse pour le généraliste en quête d’outils pour sa pratique, étant vite parasité par la « recherche patient ». Le Dr Thomas Bammert, généraliste à Guérande (Loire-Atlantique), ambitionne d’y remédier. Le quadragénaire a entamé ce vaste projet en lançant Kitmedical en 2016. Cette « trousse à outils » du web médical permettant aux généralistes d’accéder à l’ensemble des services numériques pour les aider dans leur pratique a été nommée aux derniers Grands Prix du Généraliste. « L’idée est née du constat que le nombre de ces services a explosé ces dernières années, notamment celui des systèmes d’aide à la décision médicale (SADM) », explique le médecin. Kitmedical s'est ainsi chargé de les compiler.

En 2001, « préhistoire » de l’Internet, le jeune généraliste nantais, au « parcours classique » mais mû par « une passion des nouvelles technologies », crée un annuaire de sites destinés à la pratique médicale, peu nombreux à l’époque. Quinze ans après, ce type de plateformes foisonnent. En tête du peloton, Antibioclic oriente les prescriptions d’antibiotiques de 7 000 visiteurs (15 % des généralistes). Beaucoup de ces outils les aident à la prise en charge de divers troubles : DemenceClic, DermatoClic LDLcible, Thromboclic, Ophtalmoclic, Pediadoc, Gestaclic, etc.

L'IA intégrée, avenir du généraliste ?

« Déjà très utiles aux professionnels, ces services ne vont pas assez loin au regard des technologies actuelles. En France, les logiciels métiers se contentent pour beaucoup de numériser des dictionnaires médicaux. Aucun n’intègre les algorithmes d’intelligence artificielle (IA) », affirme le Dr Bammert. Selon lui, l’intégration de l’IA à la pratique du métier est inéluctable.

Kitmedical, qui a commencé à structurer la jungle environnante, ne s’arrêtera donc pas là. Une refonte de la plateforme est d’ores et déjà en cours. Via une association loi 1901 constituée par huit généralistes, l’omnipraticien souhaite apporter une ergonomie améliorée du site et rendre plus rapide la recherche en ligne de services médicaux. À terme, il vise un logiciel métier qui synthétise les outils actuels et les intègre à la pratique de l’omnipraticien. « On envisage également un carnet de santé électronique interactif », précise-t-il.

« Le généraliste du futur est le pilote d’avion d’aujourd’hui : il devra cohabiter avec l’intelligence artificielle, utiliser une multitude d’outils connectés au Big data médical », estime le Dr Bammert. Une prospective que partage par ailleurs le chirurgien Laurent Alexandre, fondateur de Doctissimo : « L'IA va rapidement concurrencer les radiologues, mais, paradoxalement, ne peut lutter contre un médecin généraliste. Pour égaler l'omnipraticien, il faudrait une IA contextuelle capable de mémoire et de transversalité », annonce-t-il dans son récent ouvrage « La guerre des intelligences » (Ed. JC Lattès, 250 p., 20,90 euros).

Dans cette évolution, le généraliste entend bien occuper les premières loges. Il lui faudra surmonter l’obstacle du financement. « Un outil véritablement ambitieux coûterait plusieurs centaines de milliers d’euros », estime-t-il. « Nous souhaitons rester indépendants et ne pas céder à la tentation d’un financement par l’industrie pharmaceutique. » L’autonomie passera donc par les subventions, avec l’URML (Union régionale des médecins libéraux) des Pays de la Loire comme premier partenaire de l’aventure. Autre voie possible de monétisation : faire payer un droit de référencement aux créateurs des outils payants. 


Source : lequotidiendumedecin.fr