Neuronavigation robotisée, cap sur l'avenir

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Publié le 18/02/2021
Toujours à la pointe, la neuronavigation robotisée en France continue de progresser aussi bien dans la recherche que dans son business modèle. Explications.
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Cemnis

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Faut-il pousser un cocorico ? Le robot français Rosa créé par Bertin Nahum est-il devenu par hasard une réussite française incontestable ? Sûrement pas. Bertin Nahum avait participé de longue date aux travaux autour de la robotique réalisés par un pionnier, le Pr Alim Louis Benabid dans les années quatre-vingt à Grenoble afin de developper les techniques de stimulation cérébrale profonde pour soulager les symptômes de la maladie de Parkinson, la réalisation de biopsie en condition stéréotaxique et l’implantation d’électrodes de SEEG pour les épilepsies graves. La start-up a été rachetée en 2017 par un groupe américain Zimmer Biomet. Le successeur du Pr Benabid, le Pr Stephan Chabardes a souhaité faire évoluer dès 2011 l'outil robotique de neurochirurgie et de stéréotaxie jugé désuet. Et a contacté le fondateur de Medtech, Bertin Nahum. Après des travaux communs de recherche clinique pour rendre le robot plus simple d'utilisation et plus précis et surtout dans le but de se passer du cadre de stéréotaxie avéré trop lourd pour le patient, un protocole clinique a été effectué sur 140 patients en 2012. Alors que suite au marquage CE, la précision clinique de l'outil ne devait pas dépasser 2 millimètres, celle du protocole a exigé 1 millimètre. Commentaire du Pr Chabardes : « Ce robot a permis de dégager un gain de temps important en termes d'utilisation du bloc opératoire, avec une calibration qui ne prend que 10 minutes au lieu d'une heure et demie avec le cadre auparavant. » Le robot fonctionne avec des imageurs intraopératoires (O-Arm de Medtronic qui est le standard peropératoire d'imagerie au bloc). Marie-Anne Péchinot, directrice générale du site de production de Montpellier, le confirme : « Le robot a permis d'opérer des patients jeunes épileptiques. Avant, le cadre de stéréotaxie était trop lourd et surdimensionné pour eux. » Zimmer Biomet a apporté une brique supplémentaire à son offre en élargissant l'indication du robot au rachis et au genou. Pour cela, une caméra infrarouge permet d'activer un système de recalage qui repositionne l'instrument à chaque fois que le corps du patient se décale. De plus en plus de centres hospitaliers en font usage pour l'instant (Chu d'Amiens et de Rennes).

Patients en dépression

Sur le marché se trouve un autre robot français qui ne pratique pas la neurochirurgie mais la stimulation magnétique transcrânienne non-invasive : le TMS-Robot développé en 2012 par le laboratoire Icube de Strasbourg a été commercialisé par la société Axilum Robotics. Il utilise la stimulation magnétique transcrânienne pour traiter les patients en dépression qui résistent aux traitements médicamenteux. Quel est son procédé ? Un champ magnétique généré par une bobine est appliqué sur le cortex cérébral du patient. La zone stimulée est une surface de la taille d'une pièce de 2 euros sur 2 à 2,5 cm de profondeur, donc bien moins profonde que celle de Rosa, mais cette technique à l'avantage d'être non-invasive. L'objectif est de réactiver ou d'inhiber des effets de plasticité cérébrale. Cette technique a apporté ses preuves (rang A). Comme pour le rachis, le patient bouge la tête sans forcément en avoir conscience. C'est là qu'intervient le robot. Grâce à un capteur de pression, il s'assure que la bobine est bien placée contre la tête du patient. Selon une étude réalisée en 2012, avec le robot, 90 % des pulses sont délivrés à moins de 5 mm de la cible escomptée. Sans lui, moins de 50 % des pulses sont atteints. Autre avantage apporté par le robot, il délivre du temps d'infirmières qui n'ont plus besoin de prendre des mesures anatomiques ni de surveiller si la bobine est bien maintenue sur le crâne du patient. En période de pandémie, les soignants ont ainsi la possibilité de passer moins de temps au côté du patient.

Persévérance dans la recherche

L'avenir est-il rose pour ces deux robots français ? TMS Cobot (deuxième génération) continue de creuser son sillon dans le domaine de la stimulation magnétique transcrânienne, sans concurrence américaine qui n'a pas choisi de s'y développer, hormis les bobines qu'ils fabriquent. Le robot peut-il encore plus autonome ? « Alors qu'il évite bien de la fatigue aux soignants, son autre tâche serait qu'il puisse faire au-delà de nos capacités d'êtres humains », explique Ludovic Jeanjean, jeune médecin psychiatre au CEMNIS. En effet, la recherche en neurosciences a démontré que les déséquilibres cérébraux des patients ne concernent pas une zone du cerveau unique et généralisable, mais bien plutôt « une carte routière avec une grande variabilité (la zone à activer peut être à droite et non à gauche) ». Déplacer la bobine avec précision sur cette carte serait mission (presque) impossible pour des mains humaines. D'un autre côté, le robot ne peut pas interpréter une imagerie cérébrale et trouver lui-même ses cibles. Résultat, avant toute amélioration de la technologie, un gros travail reste à accomplir pour comprendre les anomalies cérébrales en imagerie fonctionnelle des patients ayant des pathologies mentales.

Pour Rosa, le succès est au rendez-vous, avec un essor considérable de la production : 15 robots en 2017 et plus de 250 en 2020. « La demande va se porter beaucoup plus sur la chirurgie du genou que sur le cerveau », explique Marie-Anne Péchinot qui voit déjà le besoin grandissant de prothèses dû au vieillissement de la population. Elle se préoccupe aussi de l'intérêt des jeunes chirurgiens qui doivent bénéficier d'un plus avec ce robot, et pas seulement « d'un joujou technologique ». Pour les y aider, My Mobility (partenariat avec Apple) permet déjà sur une montre connectée de suivre le patient pendant tout son parcours opératoire, avec une suite de solutions technologiques de robotique autour des data et de l'IA. Les smart data réussiront-elles à améliorer les soins ?

 


Source : lequotidiendumedecin.fr