Dr Philippe Souchois*, Ramsay Générale de santé

« Le dispositif de financement est à bout de souffle »

Publié le 13/05/2016
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Les médicaments sont actuellement remboursés en fonction du service médical rendu. Le prix est fixe quelle que soit l’indication, le stade de la maladie ou le profil du patient. L’enjeu du projet PRM « modèle de remboursement » personnalisé est de collecter des données afin d’envisager des modèles de prix différenciés. Ce qui doit se traduire à terme par une meilleure allocation des ressources. Le premier groupe de cliniques privées participe désormais à ce projet. Le Dr Philippe Souchois nous en livre les raisons.

Crédit photo : D. R.

Décision Santé-Le Pharmacien Hôpital. Pourquoi avez-vous décidé de participer au projet PRM initié par Roche ?

Dr Philippe Souchois. De façon simple, l’enjeu est d’élaborer un nouveau mode de financement qui ne reposerait plus sur des volumes mais sur des critères qualitatifs et des indications particulières. En cancérologie, nous sommes convaincus que le dispositif actuel est à bout de souffle. L’assurance maladie devrait diligenter ce type d’enquête. On nous a présenté des ébauches de propositions sur les parcours fléchés dans le cancer du sein et de la prostate qui, au final, n’avancent guère. Dans ce contexte, il n’est donc pas surprenant qu’un laboratoire pharmaceutique, leader en oncologie, avance ses propositions.

L’étude a démarré il y a plus de deux ans. Nous avions déjà été sollicités à l’époque. Mais le système d’information en oncologie ne permettait pas alors un traitement centralisé. Il a depuis été déployé. Avec l’inclusion de nos 21 centres, nous sommes devenus le principal contributeur de cette étude. Nous avons bien sûr demandé des garanties de sécurité pour les données patients. Sur un plan stratégique, nous démontrons que le secteur privé peut intégrer ce type d’étude.

D. S.-P. H. Quels enseignements comptez-vous en tirer pour Ramsay-Générale de Santé ?

Dr P. S. Le recueil de données nous permettra de procéder à une évaluation de nos performances avec celle de l’étude en global. L’évaluation est un fil rouge de notre action menée depuis dix ans. Il n’est pas logique que chacun soit rémunéré de la même manière quelle que soit la qualité des soins mise en œuvre. Autre enjeu, cette étude centrée exclusivement sur le cancer du sein métastatique nous permet de mettre en place une expérimentation innovante pour l’ensemble des équipes, d’avoir un mode opératoire unique qui mobilise peu le terrain, une meilleure connaissance de nos patients et de leur prise en charge, et donc d’anticiper les nouveaux modes de financement. Autre intérêt, cette étude nous livre une photo exacte des caractéristiques des cancers de nos patients et des traitements délivrés à travers le screening de 19 critères. L’enjeu est qualitatif et sécuritaire. Si le modèle fonctionne bien sur le cancer du sein métastatique, il sera étendu à d’autres types de cancer. Nous souhaitons animer notre réseau d’oncologues qui s’inscrit dans notre stratégie globale, notamment celle labellisée « Institut de cancérologie ». Nous avons ainsi, en 2015, pris comme sujet d’étude les délais de prise en charge du cancer du sein. Aujourd’hui, ce critère n’est pas rendu opposable par la tutelle. Il existe à ce jour une seule étude de l’Inca avec des données nationales à laquelle on peut se comparer.

D. S.-P. H. L’analyse des big data revêt également un enjeu crucial en santé.

Dr P.S. L’avenir repose en partie sur l’analyse des data bases. Avec cette étude, c’est la première fois que l’on teste l’utilisation d’une data base. Rappelons que nous sommes le premier acteur de cancérologie privé. Ce qui nous donne une volumétrie suffisante permettant de peser de manière conséquente dans une étude de ce type. Nous intéressons à ce titre l’industrie et les gestionnaires de données. Au-delà de ce projet, nous devons trouver d’autres leviers de financement dans un contexte économique contraint qui participe largement à l’asphyxie des établissements privés.

* Directeur de la cancérologie, Ramsay Générale de Santé

Source : Décision Santé: 305