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Cabinet 2030 : « La consultation comme on le faisait au début du XXIe siècle est révolue »

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Publié le 24/12/2021
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Réunis les 8 et 9 décembre derniers à Poitiers lors d'un forum sur le renouveau de la médecine libérale, les trois cofondateurs de la Maison de l’Innovation de la Médecine Spécialisée (MIMS), ont dévoilé les premiers contours du Cabinet 2030. Le Dr Stéphane Landais, médecin généraliste et secrétaire général de la CSMF, précise l'ambition de ce projet tout droit sorti du futur mais encore à ses balbutiements…
Dr Stéphane Landais le 8 décembre au Forum innovation santé à Poitiers.

Dr Stéphane Landais le 8 décembre au Forum innovation santé à Poitiers.
Crédit photo : Aude Frapin

Au cours du forum « Innovation santé » vous avez brossé les premières caractéristiques du « Cabinet 2030 », à quoi ressemblera-t-il concrètement ?

Dr Stéphane Landais : Il n'y aura pas un cabinet 2030 mais plusieurs. Nous ne voulons pas de modèle unique. Ce cabinet doit naître en fonction des besoins spécifiques d'un territoire et devra s'adapter à son bassin de vie. Il pourra évidemment prendre différentes formes, différents types d'organisations et s'inscrire dans un établissement déjà existant. Nous pouvons aussi imaginer que ce cabinet regroupe des médecins d'une seule spécialité ou au contraire qu'il soit multidisciplinaire avec un généraliste et plusieurs spécialistes. Ce cabinet sera la figure de proue de la Maison d'innovation de la Médecine Spécialisée (MIMS) et intégrera des innovations technologiques et organisationnelles.

Comment imaginez-vous l'organisation de ce cabinet 2030 ?

Dr S.L. : Pour que le médecin puisse exercer dans de bonnes conditions et qu'il gagne en temps médical, il va falloir le débarrasser de toutes les tâches annexes. Ce cabinet d'un nouveau genre va être un creuset d'innovations technologiques et organisationnelles. Il va donc falloir privilégier la délégation de tâches plutôt sous forme de salariat et la culture de l'acte plutôt que celle du forfait. Ce n'est pas au médecin de déshabiller le patient ou d'être en charge de toutes les tâches administratives et chronophages. Tout cela doit être organisé au sein du cabinet 2030 de telle façon à rendre l'organisation du cabinet fluide. Les secrétaires, les IPA, les assistants médicaux ou les infirmiers spécialisés vont contribuer à une organisation du soin rénovée. Ils pourront, grâce aux outils connectés, remplir les dossiers qui permettront d'informer le médecin sur les conditions de santé du patient et les motifs de sa consultation. La consultation ne doit plus se résumer à un colloque singulier entre médecin et patient. Notre société évolue et nous serons obligés de passer du médecin de famille au cabinet de famille car les jeunes médecins ne veulent plus travailler 15 heures par jour et c'est bien normal.

À quelles problématiques doit répondre le cabinet 2030 ?

Dr S.L. : L'objectif sera de soigner plus et de soigner mieux grâce aux innovations technologiques et organisationnelles, tout en préservant la qualité de vie des médecins. Nous sommes partis du constat tout à fait simple et accablant qu'il y a une diminution de la réponse à l'accès aux soins et un désengagement pour l'exercice libéral. Ces deux points ont cristallisé le mécontentement de tous. Nous pensons donc qu'il est indispensable de mettre en place une organisation permettant de répondre efficacement à la demande de chacun. Jusque dans les années 80, le médecin pouvait vendre sa patientèle mais depuis il y a eu une inversion de l'offre et de la demande. L'attraction du métier a diminué. En créant un cabinet qui intègre toutes les innovations technologiques et organisationnelles, nous créons une véritable entreprise porteuse d'un bien qui pourra être transmis. Le médecin pourra vendre son organisation, son outil de travail. C'est un moyen efficace de rendre le métier plus attractif. Par ailleurs, pour garantir la qualité de vie des médecins, ceux qui souhaiteront s'installer pourront bénéficier d'un accompagnement personnalisé pour gérer tout ce qui concerne l'activité extra-médicale.

Quelle forme pourra prendre cet accompagnement ?

Dr S.L. : Sous forme de guichet unique par exemple. Un des partenaires de la MIMS nous propose d'accompagner le médecin pendant son installation en lui apportant une aide pour trouver une place en crèche ou pour l'entretien de la maison. Il faut simplifier la vie des médecins et faire en sorte que les tâches extra-médicales ne parasitent pas son exercice. Nous travaillons plus largement avec les partenaires de la MIMS sur des outils connectés qui pourront être portés par les patients en dehors des consultations. Cela permettra le recueil d'informations et de données physiologiques en vie réelle pour faire de la médecine préventive. Nous avons également lancé une réflexion sur un projet de « médecin augmenté » qui disposera d'outils d'aide à la décision rendant plus efficace le dépistage, le diagnostic et le suivi des pathologies aiguës et chroniques. Gain de temps, connexion en quelques clics à un réseau d'experts feront du médecin le pivot d'une équipe multidisciplinaire. La consultation comme on le faisait au début du XXIe siècle est révolue. Toutefois, ces innovations ne doivent pas se faire au prix et au mépris du colloque singulier. Le numérique devra se mettre au service de l'humain et pas l'inverse. Les usagers vont passer au banc d'essai tous les constituants du cabinet 2030. Ces nouvelles structures seront accompagnées et devront être certifiées par la MIMS pour être sûr que les mêmes standards et valeurs sont appliqués partout.

En quoi consistera le cabinet vert que vous défendez ?

Dr S. L. : C'est une valeur que nous portons et il ne s'agit là, ni d'un effet de mode, ni d'une option. Nous ne souhaitons toutefois pas que ce soit une écologie culpabilisante. C'est une écologie de soi. Les structures de ces cabinets devront répondre aux standards imposés. Des cabinets d'architectes sont spécialisés dans cette démarche et sont prêts à investir de leur temps pour établir ces standards. D'ailleurs, le cabinet vert ce n'est pas simplement le contenant c'est aussi le contenu. Certaines choses doivent évoluer et nous axerons nos efforts sur un usage thérapeutique raisonné. Ce n'est pas parce que Neymar se tord la cheville et qu'il bénéficie d'un IRM que tous les joueurs de foot doivent en bénéficier lorsque cela leur arrive. Les vertus de l'examen clinique ont leur importance. 


Source : lequotidiendumedecin.fr