« Tenir bon pour les patients ! ». Non le slogan n’est pas scandé par une association de patients mais bel et bien par des médecins eux-mêmes ! Un peu à contre-courant de leurs confrères, ces généralistes-là n’ont pas peur de le dire haut et fort : ils sont pour la généralisation du tiers payant. Ils ont même décidé de lancer une pétition pour marquer leur différence. Et de prévenir : « Ne vous trompez pas de combat et ne vous laissez pas manipuler ». Rendue publique la semaine dernière, la pétition a déjà recueilli plus d’une centaine de signatures. « Il m’a semblé important de laisser s’exprimer les médecins qui n’étaient pas d’accord avec l’abandon de cette mesure visant à généraliser le tiers payant », explique le Dr Philippe Sopena, médecin généraliste à la retraite et ex-vice-président de MG France.
À l’initiative avec d’autres confrères de ce mouvement, le Dr Sopena est membre de la commission santé au sein du parti socialiste. Mais il précise que « ce n’est pas un appel du PS ». « Ce sont des gens intéressés par l’évolution du système de santé français et qui ne sont pas forcément socialistes. Il y a beaucoup de gens en France qui pensent que la santé est un droit ». Dans la liste des signataires, des économistes, professeurs ou cadres de la santé, mais aussi Jean-Martin Cohen-Solal, généraliste et délégué général de la Mutualité Français ou Guy Arcizet, ex-grand maître du Grand Orient de France. Pour le Dr Sopena, il s’agit de faire comprendre aux confrères que l’argument du tiers payant a été avancé par les syndicats parce qu’il était le « plus petit dénominateur commun du mécontentement de leur base ». Autrement dit, les syndicats se sont servis de cette mesure phare de la loi santé pour que le mouvement « prenne », mais « ils se trompent de combat ».
« La Sécu ne fait pas de chèque en bois ! »
Les « défenseurs » du tiers payant généralisé prennent à rebours les arguments des « anti ». Ils assurent que les généralistes ont tout « intérêt » à le pratiquer car ils n’auront plus de trou dans leur compta. « La Sécu est meilleure payeuse que certains patients. Elle ne fait pas de chèques en bois », ironise Philippe Sopena. Le Dr Emmanuel Debost, généraliste à Plombières-les-Dijon (Côte-d’Or) témoigne. Celui qui avait choisi l’option « médecin référent » en 1998 n’a depuis pas lâché le tiers payant. : « Ceux qui disent qu’il y aurait une inflation des consultations à cause de la généralisation du tiers payant se trompent. Je n’ai jamais constaté cela ».
Même son de cloche à Vitry-le-François (Marne) dans le cabinet du Dr Roland Servel. Lui aussi ancien « médecin référent », il a décidé de continuer le tiers payant. « Plus de la moitié de mes patients le sont et je n’ai pas de problème pour être payé. Cela ne marche pas si mal que ça », assure-t-il. Le généraliste reconnaît que cela demande « un contrôle derrière » mais cela lui « simplifie » aussi sa « paperasserie ». « Car j’ai moins de bordereaux de remises de chèques à aller déposer, par exemple ».
« Tétanisés par les complications administratives »
S’ils reconnaissent faire partie d’une minorité parmi les médecins généralistes, ces confrères « pro »-tiers payant comprennent les réticences des « anti ». « J’en parle souvent avec mes confrères qui ont peur de la généralisation du tiers payant, mais c’est une peur irraisonnée. Et quand je leur parle de ma pratique et qu’en fait le tiers payant existe déjà dans les faits, ils se rendent compte que ce n’est pas si terrible que cela, explique le Dr Emmanuel Debost, élu UPRS en Bourgogne (MG France). Ils auraient besoin d’un message politique clair et rassurant, car ce qui les tétanise, ce sont les complications administratives. »
Pour d’autres généralistes, c’est la place prédominante dans le débat des arguments contre le tiers payant qui les a poussés à s’exprimer. Le Pr Jean-Paul Canévet, qui exerce depuis toujours à Nantes, fait partie des signataires de la pétition. Ce généraliste était agacé de voir que depuis plusieurs mois seuls ceux qui s’opposaient à la mesure étaient sur le devant de la scène. Et il tenait à s’opposer à l’argument des
« anti » qui voient là une menace d’être « pieds et poings liés » à la Sécurité sociale. « 75 % de notre rémunération provient de la collectivité, le tiers payant va faciliter notre quotidien et ne changera en rien la nature de nos relations avec les caisses. Ce n’est pas parce que le médecin hospitalier est salarié qu’il ne garde pas son autonomie dans sa pratique ! ».
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