Politique de santé

« Déconnectés », « hors-sol », « méprisants »… les vœux d'Emmanuel Macron vivement critiqués par la profession

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Publié le 09/01/2023
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Les vœux d'Emmanuel Macron, présentés vendredi 6 janvier aux «  acteurs de la santé, hospitaliers et libéraux », ont suscité de vives critiques de la part des syndicats de médecins libéraux. En grève depuis début décembre pour réclamer de meilleures conditions d'exercices, ils ont le sentiment de ne pas avoir pas été écoutés.

Crédit photo : Blondet Eliot-POOL/ SIPA

C'est avec « consternation » que MG France, premier syndicat représentatif des médecins généralistes, a pris connaissance des vœux du Président de la république aux « acteurs de la santé, hospitaliers et libéraux » présentés vendredi 6 janvier.

Dans un communiqué de presse envoyé dès le lendemain de l'allocution du chef de l'État, le syndicat présidé par le Dr Agnès Giannotti, déplore qu'Emmanuel Macron ne reconnaisse pas « l’engagement des médecins traitants qui continuent à tenir, au prix de leur vie familiale, voire de leur santé ». À l’inverse, il est reproché aux médecins « de ne pas en faire suffisamment », regrette l'organisation syndicale.

Un rappel à l'ordre sur les « devoirs » mais rien sur les « droits »

« Alors que MG France demande que soient valorisés les actes complexes du médecin généraliste et la fonction de synthèse du médecin traitant, la solution retenue consiste à mettre en avant les soins non programmés brefs, simples et répétés », souligne encore MG France.

Contacté, le président des Généralistes-CSMF, le Dr Luc Duquesnel regrette, lui aussi, que le chef de l'État ait évoqué seulement « les devoirs des médecins et pas les droits » :

« Pour ce qui est de l'ambulatoire, les vœux du président étaient clairement déconnectés de la réalité du terrain. Aujourd'hui, les médecins donnent énormément et d'ailleurs de plus en plus ! Mais, en retour, il n'y a rien. Insinuer que les médecins n'assurent que partiellement la permanence des soins, c'est tout simplement un manque de connaissance de la part d'Emmanuel Macron, car aujourd'hui 95 % du territoire est couvert », a-t-il tenu à rappeler.

Le Dr Corinne Le Sauder, présidente de la FMF, dénonce elle aussi un discours « hors-sol » et teinté de « mépris » et « d'ignorance » :

« Alors que la médecine libérale prend en charge plus de 80 % des soins en France, moins de 20 % de l’allocution y ont été consacrés. Nous avons eu droit à une leçon de morale, car selon notre Président, les médecins libéraux ne feraient plus de gardes, ne prendraient plus de nouveaux patients et mettraient trop de temps pour manger le midi alors qu’ils pourraient consulter entre midi et deux (de nombreux médecins ne mangent pas le midi !) », peut-on lire dans un communiqué.

Déléguer des ordonnances à des infirmiers ou des pharmaciens

Par ailleurs, les propos du président de la République sur la délégation des renouvellements d'ordonnance à d'autres professionnels (pharmaciens ou infirmiers ndlr), « pour les maladies chroniques » notamment, ont du mal à passer.

Très remonté, le Dr Jérôme Marty, président de l'UFML-S, dénonce « une absence totale d'écoute des professionnels de santé, de connaissance de leurs exercices et de leurs difficultés ». Selon lui, « l’accélération annoncée sur les délégations d’actes est, tant sur la forme que sur le fond du discours, une insulte aux médecins libéraux et un mépris de la médecine qu’ils exercent ».

Dans un communiqué, le syndicat s'interroge :

« Mais qui conseille notre Président ? Y a-t-il seulement quelqu’un ? Le renouvellement d’ordonnance (par d'autres professionnels, ndlr), c’est la médecine libérale vue depuis le comptoir du Balto ! (...) [Ces propos] valident son absence totale de connaissance de ce qu’est la pratique médicale. Il n’y a pas de renouvellement d’ordonnance ! Une ordonnance est réévaluée, le patient réexaminé, son traitement discuté, mesuré, modifié s’il y a lieu, en fonction de ses effets, des événements, de la clinique, du moment… »

Dans un communiqué, le syndicat de médecins remplaçants ReAGJIR, présidé par le Dr Élise Fraih, réagit à son tour :

« Depuis toujours, nous soutenons et promouvons l'exercice coordonné et le travail interprofessionnel. L'enjeu d'aujourd'hui est d'ouvrir la possibilité aux équipes de soins de proximité de se structurer et de formaliser leur fonctionnement. Pour autant donner les moyens aux équipes d'assurer certaines tâches ensemble n'est pas la même chose que de forcer la main à des transferts de tâches non consentis. L'urgence à améliorer l'accès aux soins ne doit pas justifier la dérégulation du parcours de soins. L'accès direct doit être le fruit d'une concertation entre les soignants d'un territoire travaillant ensemble autour du patient ».

« La plupart des médecins libéraux demandent une délégation des actes administratifs, pas des actes cliniques », partage également le SML dans un communiqué.

Vers de nouvelles grèves ?

Le syndicat du Dr Sophie Bauer estime par ailleurs que « le Président n'a rien compris ni entendu aux revendications des milliers de médecins libéraux qui ont manifesté (vendredi) dans la rue et aux attentes pourtant légitimes de la médecine de ville ».

« Un pays qui est la 7e puissance mondiale se doit pour le moins d’augmenter la valeur de la consultation médicale à la moyenne européenne », poursuit le syndicat en référence à l'absence d'annonce du président sur le sujet.

Face à cette totale désillusion, les syndicats envisagent de poursuivre les différents mouvements de grèves engagés depuis début décembre. Le collectif Médecins pour demain a d’ores et déjà annoncé poursuivre la grève de la PDSA et du samedi matin. Une prochaine mobilisation « fin février » est également prévue.

Le syndicat des Généralistes CSMF, qui avait déjà lancé une grève des samedis matin en décembre, doit se réunir vendredi soir lors d'un comité directeur exceptionnel :

« Nous allons attendre la séance bilatérale prévue mercredi avec la Cnam. Mais si nous n'obtenons rien de concret plusieurs choses sont sur la table. Il n'y aura très clairement pas de mouvement de fermetures de cabinets car nous ne sommes pas dans cet esprit-là. En revanche, nous allons poursuivre la fermeture des cabinets les samedis matin. Par ailleurs, nous n'excluons pas d'annoncer une grève de la PDSA à cette occasion », confie le généraliste. 


Source : lequotidiendumedecin.fr