Manifestation

Du Panthéon à Ségur, les médecins crient leur colère à Paris

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Publié le 05/01/2023
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À l’initiative du mouvement « Médecins pour demain », quelque milliers de praticiens ont manifesté jeudi 5 janvier de la place du Panthéon au ministère de la Santé à Paris pour afficher leur mécontentement et revendiquer notamment une revalorisation de la consultation à 50 euros.

Crédit photo : Léo Juanole

« Médecins, pas larbins ! » Dans une joyeuse ambiance place du Panthéon à Paris, des praticiens en colère se sont réunis jeudi 5 janvier, à l’initiative du collectif « Médecins pour demain ». Deux jours seulement après que la Première ministre Élisabeth Borne a déclaré que leur mouvement de grève n'était « vraiment pas responsable ».

Accompagné par une fanfare, le défilé de quelque milliers de blouses blanches a ensuite parcouru un bout de chemin, avant de manifester sa colère devant le ministère de la Santé en milieu d’après-midi.

Parmi eux, des habitués des cortèges, comme le président d’honneur de la FMF Dr Jean-Paul Hamon. Le généraliste affirme soutenir « les jeunes qui crient leur désespoir de ne pas travailler dans de bonnes conditions et leur désarroi devant le démantèlement de la médecine libérale ».

D’autres sont nouveaux, à l’instar de la généraliste Dr Safdar Héna, séduite par le mouvement « Médecins pour demain » en train de se structurer… loin des syndicats. « Si nous en sommes là, c’est du fait des syndicats ! "Médecins pour demain", c’est un nouveau mouvement avec de nouvelles idées. » Elle explique que « pour répondre à la demande de soins et pour être correctement rémunérés, nous devons travailler à la chaîne. À 25 euros la consultation, nous ne pouvons pas employer quelqu’un. »

Présentes elles aussi dans le cortège, deux omnipraticiennes - ayant désiré rester anonymes - installées ensemble depuis peu dans l’Aisne racontent leurs déboires. « L’exercice de la médecine libérale devient compliqué pour les praticiens et pour les patients. Les consultations complexes, qui durent entre 30 et 45 minutes ne sont pas assez valorisées. »

Courir après le temps

Sa collègue abonde. « Je suis dégoûtée de mes douze heures de travail quotidiennes, alors que je me suis orientée vers ce métier pour le suivi de médecin de famille. Nous refusons tous les jours des patients et nous sommes accusées de ne jamais prendre de rendez-vous ! Nous courons véritablement après le temps et sommes parasitées par les trop nombreux certificats. »

Membre national de « Médecins pour demain » et responsable des boucles WhatsApp, l’omnipraticien Dr Marc Ferrand confie que ce mouvement est le « produit de l’inertie des syndicats, notamment MG France et la CSMF (le mouvement est soutenu par la FMF, le SML et l'UFML-S, ndlr), qui signent les conventions contre les médecins et encaissent de l’argent avec ces signatures conventionnelles ». Pour lui, « la consultation a 50 euros n’est pas une fin en soi, mais elle permettrait d’embaucher de manière indépendante, d’acheter du meilleur matériel et in fine de prodiguer un meilleur soin au patient ».


Alors que faire ? La principale revendication du mouvement est la consultation à 50 euros, que défendent manifestants et syndicats présents (FMF, UFML-S et SML). La nouvelle présidente du SML, Dr Sophie Bauer, affirme que « c’est une revendication historique » de son syndicat, « qui vient des territoires ».

Pourtant, dans la matinée, le ministre de la Santé a bien dit « non » sur France 2 à une revalorisation du C à 50 euros, mais a ouvert la porte à une augmentation. Il serait plus probable que la somme s’élève à 30, voire 35 euros. Pas assez pour le Dr Bauer. « Ce n’est même pas la moyenne européenne. Si c’est ce qui sera proposé lors de la prochaine convention médicale, le SML ne la signera pas ».

Même position du côté du Dr Corinne Le Sauder, présidente de la FMF, elle aussi présente à la manifestation. « Nous ne sommes pas des assistés de la Sécu ! Nous voulons les moyens d’embaucher du monde pour enlever notre charge administrative, mais eux, à Ségur, préfèrent donner la médecine à des non-médecins ! » Motif de réjouissance néanmoins, la « géniale présence en nombre des jeunes et notamment des femmes ».

Une délégation reçue à Ségur

La délégation de six personnes conviée à Ségur a rencontré dans l’après-midi deux heures durant un conseiller de François Braun, ainsi qu’un responsable de l’Assurance maladie. Le ministre de la Santé a lui-même fait une courte apparition d’une dizaine de minutes. Bilan ? « Ils ont pris beaucoup de notes », souffle le Dr Le Sauder.

« Il ne s’est pas passé grand-chose », poursuit le Dr Christelle Audigier, fondatrice du mouvement asyndical né sur Facebook et à l'origine des grèves du 1er et 2 décembre Elle explique aux quelques milliers de médecins que la parole du ministère était limitée, en raison notamment des vœux au monde médical d’Emmanuel Macron prévue ce vendredi 6 janvier. Mais aussi des négociations conventionnelles en cours, avec tous les syndicats.

Quelle suite, alors, pour le mouvement ? Poursuite de la grève de la PDSA et du samedi matin et prochaine mobilisation « fin février », a précisé le Dr Audigier. Quant au Dr Jérôme Marty, président de l'UFML-S, il a clamé devant la foule que « les négociations conventionnelles ne servent à rien ». Avant de prédire que « ce qui se passe en Angleterre va arriver en France : d’ici la fin de ces négociations, l’hôpital sera dans la rue avec nous et, ensemble, le gouvernement n’arrivera pas à nous gérer ! »

Braun sur France 2 : oui une revalo, mais pas à 50 euros !

Plus tôt dans la journée, le ministre de la Santé François Braun a déclaré sur France 2 qu’il reconnaissait les « difficultés » des médecins libéraux, citant les « mauvaises conditions » d’exercice et « les charges administratives trop élevées ».

Ainsi, « oui, il y aura une revalorisation » de la consultation, mais « non », elle ne sera pas à 50 euros, a indiqué le Dr Braun. La condition à cette revalorisation est un « principe gagnant-gagnant » : les médecins devront s’engager à prendre en charge les 650 000 patients en affections longue durée (ALD), être disponibles la nuit, le week-end et la journée si besoin.


Source : lequotidiendumedecin.fr