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Échec des négociations Ramsay Santé/Croix-Rouge, un généraliste s'inquiète

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Publié le 10/05/2022
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En fin de semaine dernière, les délégués syndicaux de la CGT ont appris que le groupe privé Ramsay Santé a mis fin aux négociations visant à reprendre six centres de santé franciliens de la Croix-Rouge… Quid de leur avenir ?

C’est en lisant le compte rendu de leur conseil d’administration que les délégués syndicaux de la CGT Croix-Rouge ont appris la nouvelle vendredi 6 mai. Après plus d’un an de négociations, dont six mois de négociations exclusives, le groupe d'hospitalisation privée à but lucratif Ramsay Santé a mis fin aux pourparlers avec la Croix-Rouge. Une opération qui lui aurait permis de se développer dans les soins primaires.

Ces négociations prévoyaient une reprise des six centres de santé franciliens de la Croix-Rouge (deux centres parisiens et quatre dans les Hauts-de-Seine : Villeneuve-la-Garenne, Meudon, Boulogne-Billancourt et Antony) et un centre d’information et de dépistage.

Ramsay Santé, filiale française du groupe Ramsay Health Care, spécialisé dans l’hospitalisation privée (350 établissements dans cinq pays européens, dont 130 en France), s’était engagé à reprendre tous les sites et la totalité des 130 salariés. En 2019, développer les centres de soins primaires était en effet l’une de leur priorité stratégique fixée. La Croix-Rouge française devrait donc repartir à la recherche d’un nouvel acquéreur.

Interrogations en série

Contacté par Le Généraliste, le Dr Éric May, médecin généraliste exerçant dans le centre médical de santé de Malakoff et vice-président de l’Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS), explique sa version des faits.

« Je ne connais pas les motifs de renoncement de Ramsay Santé stricto sensu. Mais ils me semblent économiques. En un an de négociations, il n’y a pas eu de projet précis apporté au personnel, ce qui a soulevé beaucoup d’inquiétude. »

Cette période a eu un impact sur les effectifs. Le praticien précise qu'une « grande partie de l’administratif et du médical a choisi de quitter les centres. Alors, Ramsay Santé s’est retrouvé avec des centres de santé vidés de leur substance, dont ils ne savent pas gérer les structures sans le personnel qualifié. Les centres de santé sont devenus répulsifs et le modèle médico-économique moins intéressant pour eux. Nous voyons donc que le privé lucratif a une vision purement économique… »

Ce qui préoccupait le Dr May, c’est le modèle économique. « Qu’un groupe privé lucratif s’intéresse à des centres de santé interroge. On s’attend à ce que les actionnaires demandent à gagner quelque chose. Géographiquement, les centres de santé de la Croix-Rouge sont proches des établissements que possède Ramsay Santé… Et dans les négociations, le groupe a avancé vouloir mettre en place un paiement forfaitaire, possible grâce aux expérimentations de paiement en équipe de professionnels de santé (Peps) de l’article 51. »

Une nécessité de maintenir ces structures

Le praticien, également président du Dispositif d'appui à la coordination (DAC) des parcours de santé 92, en veut à la Croix-Rouge.

« J’accuse la Croix-Rouge d’avoir abandonné ces centres dans un territoire en proie à la désertification médicale… au moment même où ils se portaient le mieux. La dynamique a été coupée dans son élan, dans l’attente d’un projet défini… Les 36 millions de déficit cumulé depuis dix ans ont été utilisés par la Croix-Rouge pour se séparer de ces centres. Mais le déficit avait été réduit et les perspectives d’équilibre à moyen terme, ainsi que la dynamique médico-professionnelle était là ! »

La question de l’avenir des centres inquiète le Dr May, lequel espère « qu’il y aura d’autres gestionnaires : une collectivité, comme une ville, une région ? Ou une mutuelle, une association ? Il est possible d’associer les uns et les autres. »

Car la crainte du généraliste est que ces centres ne ferment, « faute de repreneurs et parce qu’ils ont laissé le projet de rachat de Ramsay vider de sa substance la Croix-Rouge, alors qu’il y a un an, ils ne pouvaient pas se le permettre. » Pourtant, selon lui, « ces centres de santé sont indispensables et font partie d’une CTPS… Ce serait une catastrophe de les fermer, cela aggraverait la situation. Il y a une urgence à réagir, les redynamiser et donner des perspectives, à la fois aux patients et au personnel. »


Source : lequotidiendumedecin.fr