Fraudes à la Sécu : un professionnel de santé est « à l’initiative dans sept cas sur dix », gronde Attal, qui veut « briser un tabou »

Par
Publié le 20/03/2024
Article réservé aux abonnés

Au côté du ministre des Comptes publics Thomas Cazenave, Gabriel Attal a dressé le 20 mars le bilan du plan de lutte contre les fraudes sociales, fiscales et douanières. Le volet santé a permis de détecter 450 millions d’euros en 2023.

Le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave et le Premier ministre Gabriel Attal

Le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave et le Premier ministre Gabriel Attal
Crédit photo : L. Juanole

Gabriel Attal est fier de son bilan « historique » en matière de lutte contre la fraude. Il s’agit du plan qu’il avait annoncé, alors ministre des Comptes publics, l’année passée, avant qu’il soit nommé ministre de l’Éducation, puis Premier ministre. Lors d’une conférence de presse à Bercy, au côté du ministre des Comptes publics Thomas Cazenave, le locataire de Matignon a défendu mercredi 20 mars son action sur le sujet pour le pouvoir d’achat et la justice sociale des Français : « Chaque euro fraudé est un euro qui devra, d’une façon ou d’une autre, être payé par d’autres. C’est donc le comble de l’injustice. »

Côté fraude sociale, « pour la première fois, nous avons dépassé la barre des 2 milliards d'euros de fraude sociale détectée en une année », a annoncé le Premier ministre, précisant que le recouvrement de la fraude aux prestations et celle aux cotisations ont toutes les deux dépassé le milliard d'euros, « deux records historiques ».

Sur l’Assurance-maladie, deuxième source de fraude en termes de montant, « on a mis le paquet… et ça marche ! », s’est félicité Gabriel Attal, fort des 450 millions d’euros déjà décelés en 2023, sur un objectif de 500 millions en 2024. « En la matière, il faut accepter de briser un tabou », a-t-il développé : cette fraude est « dans sept cas sur dix à l’initiative d’un professionnel de santé, par la surfacturation ou la facturation d’actes fictifs ».

Le trafic illégal en ligne visé

Le Premier ministre a notamment cité la détection des faux arrêts de travail vendus sur internet, représentant 5 millions d’euros. Les pharmaciens ont signalé des fausses ordonnances pour un total détecté de 11 millions d’euros. Au total, les fraudes en ligne d’arrêts de travail, ordonnances, médicaments ou RIB ont engagé 15 000 actions en justice.

Surtout, « pour la première fois », un réseau de 13 centres de santé frauduleux, dans 10 départements, a été déconventionné pour surfacturation. Au total, 21 centres de santé ont été déconventionnés en 2023. Et de nouvelles actions ont été lancées, notamment dans des centres d’audioprothèse, qui font l’objet de 160 contrôles en cours. « Un signal fort », pour Gabriel Attal, « contre les dérives frauduleuses de certains acteurs qui se font au détriment de tous : la collectivité, les patients, mais aussi les professionnels qui respectent les règles ».

Faux arrêts de travail, fausses ordonnances, trafic de médicaments : 20 millions attendus

« Notre détermination est totale » sur la fraude à l’Assurance-maladie, a également déclaré le Premier ministre, qui veut « aller encore plus loin ». Ainsi, au vu de ces résultats, Gabriel Attal a revu l’objectif à la hausse et demandé à l’Assurance-maladie de cibler une détection de 2,4 milliards d’euros de fraudes entre 2024 et 2027. Avec comme objectifs : 60 millions par an sur les centres de santé et 20 millions par an sur les faux arrêts de travail, fausses ordonnances et le trafic de médicaments.

Le Premier ministre compte sur la montée en puissance des cyber-enquêteurs (450 agents dotés de prérogative de police judiciaire recrutés d’ici 2027) et des agents dédiés à la fraude aux prestations sociales (1 000 supplémentaires d’ici 2027). Mais aussi sur le déploiement de l’ordonnance et de l’arrêt de travail électroniques.

Enfin, pour « perfectionner encore nos outils et pour intensifier ce travail », Gabriel Attal a confié avoir demandé à Ségur et Bercy de lui « présenter des propositions d’ici l’été ».

Fusion de la carte d’identité et de la carte Vitale ?

Interrogé sur son projet antérieur de fusion de la carte Vitale et de la carte d’identité pour lutter contre la fraude sociale, Gabriel Attal l’a jugé aujourd’hui « prioritaire », ce qui n’était pas le cas, a-t-il ironisé, quand il l’avait proposé à l’époque. La Cnam avait alors estimé dans un courrier aux inspections générales des Affaires sociales (Igas) et des finances (IGF) que « les montants de fraude susceptibles d'être liés à une utilisation frauduleuse de la carte Vitale sont minimes ». Les deux Inspections avaient elles estimé que cette fusion pourrait résoudre des difficultés « récurrentes » sur le rattachement des enfants mineurs, tout en recommandant une étude détaillée de faisabilité technique et d'opportunité du projet.

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin s’était lui aussi montré réticent. « Maintenant que je suis chef du gouvernement, il va sans dire que tous les ministères sont très mobilisés sur cette question, et donc on va avancer sur ce sujet-là », a déclaré ce 20 mars Gabriel Attal. Cette fusion pourrait être greffée au projet de dématérialisation de la carte d’identité, déjà lancé par Beauvau.

« Autosatisfaction »

« Je suis atterrée par un tel niveau d'autosatisfaction », a réagi la députée LFI Charlotte Leduc dans la foulée de la conférence de presse de Gabriel Attal. Rapporteure spéciale sur la lutte contre l’évasion fiscale, elle considère ces résultats « absolument pas à la hauteur de l'enjeu ». Elle juge également « intolérable » de mettre fraude fiscale et sociale sur le même plan, malgré leur différence « d'échelle », puisque l'évasion fiscale représente selon elle « entre 80 et 120 milliards d'euros de manque à gagner pour l'État », quand « la fraude aux prestations sociales versées par la CAF ne dépasse pas les 3,2 milliards par an ».


Source : lequotidiendumedecin.fr