Génériques, les pharmaciens grands gagnants

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Publié le 08/02/2018
La montée en puissance des génériques a redessiné des nouvelles lignes de fracture entre professionnels de santé mais aussi au sein de l’industrie pharmaceutique. Cette nouvelle géographie des rapports de force risque toutefois d’être bouleversée avec l’essor des biosimilaires. Analyse.

Les Français sont-ils rétifs au changement ? La déjà longue histoire des génériques en France témoigne de cette difficulté hexagonale à modifier ses habitudes, y compris (surtout ?) dans la santé. Pour autant et en dépit des polémiques, l’essor des génériques réhabilite le pouvoir du politique dans sa conduite du changement. Étienne Nouguez dans un livre qui vient d’être publié* relate la bascule qui s’est opérée en faveur des pharmaciens en ville grâce aux génériques. Ce choix ne renvoie pas à une option idéologique, les pharmaciens contre les médecins mais simplement à « une fenêtre d’opportunité ». « On a tout misé sur les pharmaciens, à la fois pour des raisons de fond et de calendrier. […] Donc on s’est engouffré et on ne savait pas très bien si l’on allait réussir. Mais on a fait cela contre l’avis des médecins », relate un ancien membre du cabinet de Martine Aubry de 1997 à 2000. Le pragmatisme est revendiqué ici par un acteur de gauche.

Les pharmaciens ont suivi le mouvement, pas les médecins libéraux

Mais cette volonté d’inscrire les génériques dans la pharmacopée française dépasse les clivages gauche/droite. Tout au long des négociations avec les décideurs politiques, les syndicats de pharmaciens d’officine ont ainsi accepté de jouer collectif, y compris en cas de sanctions. Les médecins libéraux, pour un grand nombre d’entre eux crispés sur la défense de leur mode d’exercice traditionnel, n’ont pas souhaité s’engager dans la promotion des génériques. Au final, le contrôle de l’État s’est étendu sur le marché des médicaments, non pas par un recours accru à des mécanismes coercitifs mais en jouant sur le rapport de force comme pour tout animal à sang froid. Ce mouvement de bascule n’a pas seulement touché les professionnels de santé, ici les médecins, surtout les spécialistes versus les pharmaciens mais aussi le secteur industriel. Selon Étienne Nouguez, les fabricants de génériques dont les prix n’ont pas cessé de décroître, ont contribué à financer le coût de l’innovation de plus en plus élevé. Au final s’est nouée une nouvelle alliance entre les producteurs de génériques et les pharmaciens d’officine. Quant à celle plus classique entre les industriels de princeps et les médecins libéraux, elle s’est renforcée. Mais les gains ne sont pas équivalents.

Remises commerciales et nouveaux droits

Les pharmaciens d’officine de cette alliance auraient tiré de nombreux bénéfices et pas seulement financiers. Outre les remises commerciales versées par les laboratoires de génériques, ils ont obtenu de nouveaux droits grâce à la signature d’une convention avec l’assurance maladie. Mais ce nouveau jeu de rôle est-il condamné à se perpétuer, voire à s’étendre ? L’essor des biosimilaires, qui n’est toutefois pas abordé dans cet ouvrage issu d’un travail de thèse, devrait entraîner une redistribution des cartes. Cette fois, les médecins hospitaliers sont mobilisés pour être des acteurs incontournables dans le développement des biosimilaires. Cette nouvelle histoire est en train de s’écrire.

* Des médicaments à tout prix, sociologie des génériques en France Etienne Nouguez, SciencesPo Les Presses, 298 pp., 28 euros.


Source : lequotidiendumedecin.fr