GHT, mère des réformes ?

Publié le 17/03/2016
L’hospitalisation a-t-elle enfin trouvé le sésame pour se réformer ? Les groupements hospitaliers de territoire pourraient constituer une vraie réforme marquante. Si les professionnels acceptaient de jouer le jeu. Nouvelle étape avec la remise d’un rapport et l’installation d’un comité de suivi.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Les acteurs et observateurs de la santé n’ont pas tous pris la mesure des changements que porte en lui le groupement hospitalier de territoire puisqu’il a été masqué par le combat avec la médecine de ville et le tiers payant généralisé. Il s’agit bien, comme l’annoncent d’emblée les auteurs du rapport Jacqueline Hubert et Frédéric Martineau, demandé par la ministre Marisol Touraine, de « boucher les trous dans la raquette de l’offre de soins hospitaliers créés par le modèle de financement actuel du fait des postures concurrentielles des établissements de santé ». Et ils écrivent encore : « Force est de constater que la complémentarité entre hôpitaux publics d’un même territoire reste à parfaire. » Ce n’est pas peu dire et les exemples sont légion d’oppositions et de concurrence exacerbées entre des hôpitaux voisins. La confraternité n’est-elle pas une haine vigilante ? À leur décharge, la tarification à l’activité les a poussés à se battre pour survivre. Pas d’activité, pas d’argent. La règle est dure. Elle a eu raison de l’esprit coopératif et collaboratif.

Manœuvres

L’idée des hospitaliers et particulièrement de la Fédération hospitalière de France à la manœuvre est de construire des groupes d’hôpitaux reposant sur plus de complémentarité et moins de concurrence. Les libéraux, pourfendeurs des fonctionnaires mais qui savent pratiquer, eux aussi, les ententes et autres cartels font mine de s’en offusquer. Face à eux et le plus souvent coincés dans leur développement par un carcan administratif, les hôpitaux publics peinent à se réformer et à maigrir. Mais la période qui s’ouvre est celle d’une hospitalisation light. Tout concourt, en effet, à penser que l’hôpital de demain sera organisé autour d’un plateau technique et qu’il n’assurera plus que des interventions graves, 24 heures sur 24. Et les malades rentreront au plus vite chez eux. Les pathologies de demain seront surtout chroniques, c’est-à-dire longues et traitées à domicile. Dans les rêves des technophiles, les objets connectés, le numérique et autre télémédecine assureront le lien et la surveillance des malades. L’industrie pharmaceutique, stipendiée pour le coût de ses médicaments, pousse à ce que s’engage cette révolution. Seule la diminution du poids de l’hôpital leur permettra de vendre leurs médicaments à des prix élevés.

L’hôpital empêché

Les opérations de recompositions publiques restent limitées. Les groupements de coopération sanitaire érigés en établissements de santé sont rares (22 GCS) et aucun n’est constitué exclusivement d’établissements publics. De même, le nombre de communautés hospitalières de territoire (CHT) est faible (39 en 2013, 45 à l’automne 2014). La situation est hétérogène. Ainsi, certaines régions sont bien maillées en territoires qui coopèrent tandis que d’autres en sont dénués. Quelques réformateurs prudents ou timorés ont bien essayé d’inciter aux modes divers de coopération. Mais en France, seuls la Loi, l’ordre et le bâton comptent. Marisol Touraine l’a compris. Le commandement lui va bien. Puisqu’il faut des coopérations pour masquer les insuffisances de l’offre de soins liées à une démographie médicale qui s’effondre, elle va les rendre obligatoires. Les ARS veilleront à ce que les établissements rétifs ou incapables se plient à l’obligation de travailler ensemble.

Diable et détails

Le diable est bien évidemment dans les détails. La Ministre qui voit dans cette réforme une chance de rentrer dans l’histoire comme grande réformatrice des hôpitaux a beau dire qu’elle n’utilisera pas les GHT pour rationaliser les hôpitaux, tout le monde commence à penser que cette réforme permet tout. D’ailleurs, l’hospitalisation privée ne s’y trompe pas. Une hospitalisation unie, forte et rationalisée est bien plus inquiétante pour elle que des hôpitaux isolés, faibles et livrés à eux-mêmes. Pèle mêle, tout est reproché à la Ministre et aux ARS. Il leur est fait un procès en autoritarisme. En réalité, le ministère a laissé faire jusqu’à présent. Et comme dans tout processus législatif, il s’engage maintenant dans la rédaction de décrets d’application plus contraignants que ne l’est la loi. Et c’est évidemment là que le bât blesse. Qui va hériter du leadership dans le territoire de santé ? Quelles configurations donne-t-on aux GHT ? Quelle place pour les CHU ? Les ARS laisseront-elles les acteurs donner leur avis ? Les hôpitaux en faillite utiliseront-ils les réserves financières de ceux qui ont gagné de l’argent et fait des économies. Du côté de Marseille, les budgets d’Aix en Provence font rêver l’AP-HM. Faut-il de grands GHT ingérables ou des GHT souples ?

En réalité, la réforme Touraine n’est qu’une étape d’un long processus de déconcentration de l’État. Mais il est accompli, comme notre pays centralisateur et cartésien sait le faire, sous contrôle et avec une main de fer. Les GHT Touraine seront-ils LA réponse à la maladie de la santé faite de déficits, de fuite des médecins et de files d’attente ? Sans doute pas. Mais l’histoire de la réforme de l’hôpital s’inscrit sur une longue période. Et il se pourrait bien que la ministre actuelle parvienne à changer un peu son image. À un an des élections, ce ne serait déjà pas rien.

GHT

Source : lequotidiendumedecin.fr