Réglementation européenne

Guirec Le Lous, Président de Medtech in France* : « Nous demandons quatre années supplémentaires pour nous mettre en conformité »

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Publié le 29/09/2022
La France est le premier pays européen à demander à la Commission européenne de prolonger la fin de la période de transition vers le MDR (Medical Device Regulation) qui s'applique aux entreprises de technologies médicales. Etat des lieux dressé par Guirec Le Lous, le président de Medtech in France.

Pourquoi le nouveau règlement pose-t-il problème ?

Un nouveau règlement européen, le MDR, est en vigueur depuis l'année dernière, avec une période de transition jusqu’en mai 2024. A cette date, les 500 000 dispositifs médicaux, soit 24 000 dossiers, proposés aux patients en Europe devront avoir obtenu leur marquage CE sous MDR. Ces 24 000 dossiers doivent être revus par des organismes notifiés, en France c’est le Gmed. Notre problème est que ces organismes annoncent maintenant un délai de dix-huit mois entre le moment où l'on dépose le dossier et celui où l'on obtient le marquage CE. Donc tout dossier déposé après le 24 novembre 2022 n'obtiendra pas sa certification dans les temps. Ce qui obligera l'industriel à retirer son produit du marché et ne sera plus disponible pour les patients en ville comme à l’hôpital. Or en juin dernier, sur les 24 000 dossiers, seuls 2 000 à 2 500 ont été obtenus. Pire, les organismes notifiés pensent qu'ils ne peuvent en traiter que 6 500 par an.

Avec quelle conséquence pour vos débouchés ?

La situation est très préoccupante car les produits risquent de ne plus arriver sur le marché, entraînant un problème sanitaire important pour les patients. Autre souci, celui de la compétitivité dans nos entreprises qui je le rappelle sont des PME à 95 % d'entre elles. Car les personnes qui doivent retravailler ces dossiers sont justement celles qui font partie des services de recherche, soit 70 % de la R & D. En conséquence, les entreprises françaises innovent moins pour se concentrer sur cette étape réglementaire et prennent du retard par rapport aux États-Unis notamment. Autre conséquence, en raison de cet embouteillage réglementaire, nous sommes en train d'abandonner 30 % de nos portefeuilles produits, ce qui a un impact très concret par exemple en orthopédie chirurgicale. Pire, parmi les produits arrêtés qui sont souvent les plus anciens sur lesquels sont réalisées les marges les plus faibles, les concurrents chinois et indiens nous prennent des parts de marché sur ces segments.

Comment réagissent les parties prenantes ?

Il existe un consensus entre l'ensemble des industriels en Europe, les organismes notifiés, les agences de santé au niveau européen et les facultés de médecine et de chirurgie. Tout le monde a bien identifié le problème sauf la Commission européenne, seul organisme qui peut prolonger la fin de la période de transition. Pour la faire bouger, il fallait que les États membres se mobilisent. Cela s'est concrétisé par l'envoi d'un courrier du ministère de la Santé français à la Commission européenne.

La France est-elle soutenue par ses partenaires européens ?

Pour l'instant la France joue le rôle de pionnière. La prochaine étape est d'arriver à convaincre d'autres pays de s’engager, notamment l'Allemagne, premier pays producteur de dispositifs médicaux en Europe via l'Association Bvmed.

Quel délai supplémentaire demandez-vous ?

Nous demandons quatre ans. À la fois pour libérer du temps d'innovation dans nos entreprises et aussi parce que les organismes notifiés recrutent parmi les salariés de nos entreprises les plus expérimentés.

* regroupe 60 entreprises des technologies médicales françaises, un secteur qui emploie 90 000 personnes au total


Source : lequotidiendumedecin.fr