La Cour des comptes épingle le retard de la France dans le virage ambulatoire

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Publié le 04/10/2018
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Crédit photo : GARO/PHANIE

Alors que le gouvernement vient d'annoncer un retour à l'équilibre des comptes de la Sécu pour 2019, la Cour des comptes estime que la France doit accélérer la mise en place du « virage ambulatoire ». Dans son rapport annuel sur l'avenir de l'Assurance maladie rendu public ce jeudi, les magistrats de la rue Cambon soulignent les lacunes encore trop importantes dans l'organisation des soins de ville pour prendre en charge en ville les patients atteints de maladies chroniques. Manque de coordination des professionnels de santé libéraux, pas assez de délégations et de structures pluriprofessionnelles (maisons et centres de santé), système ville-hôpital trop cloisonné, formation trop hospitalo-centrée… La Cour évoque de « nombreux retards »

Les magistrats mettent en partie la mauvaise coopération ville-hôpital sur le dos de l'échec du dossier médical partagé (DMP). Lancé en 2004 afin de permettre à l'ensemble des acteurs de soins d'échanger des informations sur le patient, le DMP n'a jamais vraiment décollé. L'Assurance maladie, qui l'a repris en main, doit annoncer d'ici à mi-novembre, comment elle procédera à sa généralisation. Le transfert de certaines prises en charges de l'hôpital vers la ville dans le cadre du « virage ambulatoire » nécessite également « un développement plus rapide des structures de soins pluriprofessionnelles », soulignent les magistrats. Ces derniers affirment que les maisons de santé (MSP) sont les structures les plus « pertinentes pour limiter les hospitalisations évitables et organiser les prises en charge post-hospitalisation ».

Privilégier les maisons de santé aux CPTS

Les sages sont plus critiques vis-à-vis des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), instaurées par la loi Touraine de 2016, et que le gouvernement actuel souhaite déployer –il en souhaite 1000 d'ici à 2022– et financer. « Ces instances collaboratives ont un caractère facultatif, prennent des formes variées et n'entretiennent pas de coopérations suffisamment structurées avec les établissements de santé », analyse le rapport. Pour la Cour des comptes, les centres de santé et les MSP sont « plus prometteuses » en termes de coopération. « Le développement du travail en équipe permet à la fois d’améliorer la qualité des prises en charge, de renforcer l’articulation entre les établissements de santé, la ville et le médico-social et de conforter l’offre de soins de premier recours », estiment les sages.

La réussite du virage ambulatoire passera aussi par la création de nouveaux financements transversaux entre la ville et l'hôpital, souligne le rapport. L'Article 51 de la loi de financement de la Sécu de 2018, qui permet de déroger aux règles habituelles de tarification, est ainsi présenté comme « une opportunité à saisir » pour lancer des financements innovants. La Cour prône ainsi « l'instauration d'enveloppes forfaitaires de rémunération des professionnels de santé pour la prise en charge des maladies chroniques ». Une idée amorcée dans le plan santé 2018-2022 d'Agnès Buzyn, qui prévoit des rémunérations au parcours de soins pour le diabète ou l'insuffisance rénale. 

Pas assez de délégations

Le rapport épingle également le retard pris par la France dans la délégation aux professionnels paramédicaux. La parution du décret sur les infirmières en pratique avancée (IPA) laisse entrevoir « la possibilité d'une place accrue des professionnels paramédicaux dans l'organisation des soins primaires, à l'instar de ce qui est observé dans les pays anglo-saxons », salue la Cour. La France doit cependant aller plus loin et « faire des pratiques avancées des infirmiers une composante significative de l’offre de soins de premier recours, par le nombre de professionnels concernés comme par la nature des actes qu’ils effectuent, en s’inspirant des meilleures pratiques internationales », préconisent les magistrats (ils ne se prononcent pas sur la création des assistants médicaux).

Ces changements d'organisation en ville ne se feront pas sans une mise à jour des formations initiales des professionnels de santé, prévient la rue Cambon. « Favoriser le report d'activités de l'hôpital vers la ville implique de mieux reconnaître le mode ambulatoire dans la formation des professions médicales », indique le rapport. Les récentes réformes des 2e et 3e cycles vont dans ce sens, mais « l'effort doit être poursuivi en faisant découvrir les différents modes d'exercice dès le premier cycle », recommandent les magistrats. 

Enfin, la Cour des comptes recommande à nouveau une régulation des dépenses en cas de risque de dépassement de l'ONDAM des soins de ville. Comment ? en prévoyant la « mise en réserve d'une partie des augmentations conventionnelles ou des dotations forfaitaires ». Les revalos tarifaires, versements de forfaits ou de la ROSP pourraient ainsi être gelées en cas de non respect de l'ONDAM. Pas sûr que les médecins apprécient !


Source : lequotidiendumedecin.fr