Dr Franck Devulder, gastro-entérologue et nouveau président de la CSMF

« Le futur gouvernement doit comprendre que la santé est un enjeu crucial »

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Publié le 14/03/2022
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Lors d'une assemblée générale extraordinaire tenue samedi 12 mars, le Dr Franck Devulder, gastro-entérologue à Reims (Marne), a été élu, avec son nouveau bureau, à la tête de la CSMF. L'ancien président des Spécialistes-CSMF succède ainsi au Dr Jean-Paul Ortiz pour un mandat de deux ans. Le Généraliste l'a interviewé.

Crédit photo : DR

Vous avez été élu président de la CSMF, quelle orientation souhaitez-vous donner à votre mandat ?

Dr Franck Devulder : Depuis plusieurs mois, les choses bougent à la CSMF. Nous avons un projet entrepreneurial d'envergure, que je compte développer tout au long de mon mandat. D'ailleurs, nous pensons que l'innovation peut répondre aux problèmes d'accès aux soins des Français. Pendant mon mandat, ma priorité sera aussi de mettre l'accent sur la prévention. Nous devons passer d'une médecine curative à une médecine préventive, c'est impératif. Pour cela, il faut instaurer des consultations de prévention à des âges clés de la vie. Il en existe déjà trois pour la petite enfance mais ce n'est pas suffisant. Il faut ajouter une consultation du jeune adolescent, une autre du jeune adulte et une consultation de la maturité à l'âge de 50 ans car c'est en général à ce moment-là que les soucis arrivent. Évidemment, ces consultations complexes doivent être payées à leur juste valeur. Un médecin généraliste qui consacre trois quarts d'heure à son patient (dépistage cancer, alimentation, état de santé) doit être payé à l'acte.

Le premier tour des élections présidentielles se tiendra dans quelques semaines. Comment comptez-vous vous positionner dans cette campagne ?

Dr F. D. : Nous avons déjà rencontré les conseillers santé d'un certain nombre de candidats. J'ai accompagné Jean-Paul Ortiz à chacun des rendez-vous. D'ailleurs, je dois revoir très prochainement certains conseillers pour échanger avec eux sur nos propositions. Pour répondre aux problèmes d'accès aux soins, sujet phare de cette campagne, les candidats mettent à l'ordre du jour des mesures contraignantes liées à l'installation. Il faut changer de logiciel car ce n'est évidemment pas la solution.

Quelle solution préconisez-vous ?

Dr F. D. : Il est clair que nous devons agir de façon responsable pour que l'offre de soins soit correctement servie et qualitative. Toutefois, je crois davantage en des mécanismes incitatifs qu'en des mesures coercitives. Il n'est pas envisageable de contraindre des médecins à s'installer dans des territoires où il n'y a aucun service. Cela risquerait de les détourner du métier. Nous devons réfléchir à d'autres solutions. Par exemple, si un médecin souhaite exercer dans une grande ville, son installation pourrait être conditionnée au fait qu'il réalise, à raison d'une demi-journée par semaine, des consultations avancées à 40 ou 50 kilomètres de son cabinet. Pour que les médecins soient prêts à faire cet effort, il faut leur accorder des contreparties. Ils doivent d'une part pouvoir bénéficier d'un tarif de consultation majoré et d'autre part pouvoir accéder à un espace de liberté tarifaire qui doit être solvabilisé par les assurances médicales obligatoires et complémentaires.

En 2023 doit être signée la nouvelle convention médicale, rendez-vous très attendu des médecins. Qu’en attendez-vous ?

Dr F. D. : À l'inverse de la convention médicale de 2016, qui a été d'une complexité sans nom, la future convention médicale doit être ambitieuse et courageuse. Il faut remettre le caractère libéral au cœur de notre exercice. Il faut nous en donner les moyens, nous faire confiance. Je souhaite que le futur gouvernement, qui donnera la lettre de cadrage à la Cnam, ait à cœur de comprendre que la santé est un enjeu crucial. La démographie médicale va continuer de baisser jusqu'à 2030 et, parallèlement, la population va vivre de plus en plus longtemps et être logiquement plus atteinte par des affections de longue durée. De ce fait, nous ne pouvons plus nous contenter d'une convention petit bras, rafistolée et complexe, avec des lettres clés à tous les étages. Le risque serait de passer à côté de la demande des concitoyens. Sans dire que le prix de consultation doit être fixé à tel ou tel montant, il est évident qu'il faut trouver un système de hiérarchisation pour valoriser l'expertise des médecins. Il faut également permettre aux médecins de travailler en coordination plus facilement avec d'autres professionnels de santé, leur permettre d'embaucher un assistant médical et mettre un grand coup d'accélérateur au numérique en santé.

Aude Frapin

Source : lequotidiendumedecin.fr