Europe

Les données de santé à l’heure de l’Union

Publié le 07/04/2022
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Le Conseil national de l'Ordre des médecins et le Comité permanent des médecins européens organisaient hier une conférence sur les enjeux des données de santé en Europe. Compte rendu.

C’est dans les locaux du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) que s’est tenu en milieu de semaine, la conférence internationale « Enjeux des données de santé en Europe – Sommes nous prêts ? Construire la confiance - Permettre la médecine ». Cet événement conjoint du Cnom et du Comité permanent des médecins européens (CPME) était organisé dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union Européenne.

Rappel du contexte

Enseignement de la pandémie, la Commission européenne s’apprête en effet à proposer un nouveau cadre de gouvernance pour les données de santé des États membres, avec au menu, des exigences d’interopérabilité transfrontalière ainsi qu’une infrastructure générale paneuropéenne.

Il s’agit en de la première législation qui s’appuierait sur le règlement sur la gouvernance des données (le Data Governance Act) dont le vote européen est a priori fixé au 6 avril prochain, et la loi sur les données (le Data Act). Le but ? Fournir un nouveau cadre pour favoriser le partage des données d’intérêt général, dont le but affiché est de permettre des réponses adaptées et globales à de possibles futures crises sanitaires.

L’éthique au premier chef

Le responsable ministériel du numérique en santé Dominique Pon, profondément investi sur ce dossier, même s’il devrait quitter ses fonctions fin avril, a énoncé quatre grands axes éthiques à respecter pour les futurs usages de l’accès aux données de santé entre les patients, les médecins, et bien sûr les opérateurs.

Celui de la bienfaisance, de la non-malfaisance au nom de du principe bien connu des médecins « primum non nocere », de l’autonomie, et enfin de la justice. Des principes qui sont d’autant plus essentiels que le dispositif numérique « Mon Espace Santé » initié en février, est prévu pour être généralisé à tous les Français dès le mois de juin prochain.

Vu du côté des patients

Une possible porte ouverte à une généralisation du partage des données santé qui n’inquiète pas forcément le président de l’association des patients, France Assos Santé, Gérard Raymond, par ailleurs vice-président du Health data Hub. À condition qu’il y ait des garde-fous. Et que les patients soient entièrement intégrés aux choix qui seront opérés, et ce également à l’échelle européenne.

« Je me réjouis que nous ayons été associés aux travaux français, dès la mise en place du numérique en santé, en tant que véritables partenaires et pas comme prétexte. Il faudrait faire de même au sein de l’Union », a poursuivi Gérard Raymond. Qui, avec les autres intervenants de la table ronde, voit dans cette harmonisation et la recherche d’une interopérabilité des différents systèmes à l’échelle de l’Europe, les possibilités de rendre le secteur des soins de santé à la fois plus efficace et de faire progresser la recherche scientifique ainsi que le secteur de la télésanté.

Quelle garantie de sécurité numérique ?

Reste que le développement des outils connectés par exemple à de nouveaux services et produits de santé numérique entraîne son lot d’interrogations. Au premier rang desquelles, la sécurisation de ces données. « La réponse aux cyber-menaces en matière de santé est devenue un défi au quotidien. La "data" comme on dit peut rapporter beaucoup d’argent », rappelle ainsi la déléguée à la protection des données (DPO) du Cnom, Jessy Pollux. Avec son corollaire, quelle est la responsabilité des médecins, dont les généralistes, en cas de vol des données santé que ses patients lui ont confié ?

Le Dr Ignacio Alamillo-Domingo, directeur de la transformation digitale du CGCOM, expliquait par visio depuis l’Espagne avoir identifié un autre risque inhérent au recours au numérique, même avec la CPS. Celui de la possible falsification d’identité. « Comment, en définitive, s’assurer de savoir qui est qui ? Et encore, nous n’avons pas abordé la question du recours accru à l’intelligence artificielle »

Harmonisation payante ?

« WhatsApp et le mail sont toujours aujourd’hui les deux outils les plus utilisés en numérique en santé. Et c’est ça qui n’est pas normal », intervient Dominique Pon. Rejoint par le directeur de projet du Fonds d’innovation finlandais Sitra, Markus Kalliola : « tous les systèmes de santé européens ne fonctionnent pas de la même façon. Et se pose la question du financement, par exemple les médecins devront-ils payer pour s’équiper ? » Il faudra encore attendre un peu pour avoir la réponse à cette question.

François Petty


Source : lequotidiendumedecin.fr