Présidentielles 2022

Les propositions santé des candidats chiffrées et passées au crible par un Think tank

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Publié le 04/03/2022

À l'approche du premier tour des élections présidentielles, le Think tank Institut Montaigne publie une synthèse des principales propositions des candidats en matière de santé. Augmentation du nombre de soignants, revalorisation de la consultation, Grande Sécu ou encore enjeux autour de la santé mentale ; l'ensemble des propositions jusqu'ici dévoilées par les candidats ont été passées au crible et chiffrées par l'Institut.

Crédit photo : GARO/PHANIE

C'est un exercice auquel les candidats à l'élection présidentielle ne se soumettent pas toujours ou du moins à géométrie variable… ; le chiffrage de leurs propositions.

L'Institut Montaigne vient de le faire pour eux dans une synthèse publiée jeudi 3 mars et dédiée à leurs propositions en matière de santé. Ce document a été publié hier en exclusivité sur le site des Echos.fr.

Pour lutter contre la désertification médicale et redynamiser l'attractivité des professions de santé, une très large majorité de candidats se montre favorable à la revalorisation des salaires des soignants. Par ailleurs, la plupart d'entre eux souhaitent coupler cette mesure avec un recrutement* massif des soignants.

Un recrutement massif des soignants pour un coût évalué entre 2 et 15 milliards d'euros

Dans son plan global d'investissement pour l'hôpital, Valérie Pécresse (Les Républicains) propose de recruter 25 000 soignants supplémentaires sur le quinquennat, sans préciser toutefois s'il s'agirait de médecins, d'infirmiers ou d'aides soignants.

L'Institut Montaigne a donc modélisé le coût de cette mesure. « En retenant l'hypothèse d'un recrutement de 5 000 soignants supplémentaires par an (dont uniquement du personnel infirmier et des aides soignants), cette proposition devrait avoir un coût sur l’ensemble du quinquennat d’environ 2,5 milliards d'euros, soit 800 millions en année pleine ». Un coût légèrement sous-évalué, à 700 millions d'euros par an, par l'équipe de campagne de la candidate.

Jean-Luc Mélenchon, (La France insoumise) place la barre plus haut et ambitionne le recrutement de 100 000 soignants supplémentaires sur le quinquennat. Avec une répartition de la façon suivante : 10 000 médecins hospitaliers et 90 000 personnes des services de soins.

En partant de l'hypothèse d'un recrutement de 20 000 soignants en plus par an, l'Institut estime que le coût de cette mesure s'élèverait à environ 15 milliards d'euros sur l'ensemble du quinquennat. Un coût que le candidat de la France Insoumise a bien en tête puisque son équipe de campagne l'a évalué à 15, 95 milliards d'euros.

De son côté, Anne Hidalgo (Parti socialiste) propose de former 25 000 infirmiers et aides soignants, 1 250 sages-femmes, 5 000 logisticiens. Elle envisage par ailleurs d'accroître les capacités d'accueil des facultés de médecine pour former 15 000 médecins de plus par an.

Médecine de ville entre coercition et revalorisation de la consultation

« Pour les candidats cités, le recrutement de soignants doit être couplé avec des propositions ambitieuses pour lutter contre les déserts médicaux » observe l'Institut.

Pour Valérie Pécresse, il est nécessaire de revaloriser le montant de la consultation pour les médecins généralistes, de 25 à 30 euros. Sans augmenter toutefois le reste à charge (8,50 euros).

Comme l'indique le Think tank français dans sa synthèse, cette mesure impliquera une augmentation de la prise en charge par l'Assurance maladie de 22,50 euros contre 17,50 euros actuellement. Dans l'hypothèse d'un reste à charge stabilisé au niveau actuel, cette mesure devrait coûter annuellement 1,3 milliard d'euros, soit 6,5 milliards d'euros sur cinq ans.

Pour lutter contre la désertification médicale, Éric Zemmour (Reconquête !) propose de salarier 1 000 médecins qui exerceraient dans des centres de santé communaux en zones sous-dotées. Comme le souligne l'Institut Montaigne, ces « médecins seraient recrutés par les collectivités territoriales, auxquelles l’État verserait une compensation ».

Le financement de cette mesure pourrait s'élever à 60 millions d'euros par an. Toutefois, la faisabilité de ce projet est qualifiée de « faible » par l'Institut qui souligne que « rien ne garantit que l’État soit en capacité de trouver des candidats » en raison du manque d'attractivité de certains territoires. Le dispositif des « 400 médecins dans les déserts », lancé pendant le quinquennat ayant déjà eu du mal à trouver preneurs.

Sans explicitement remettre en cause la liberté d'installation, Marine Le Pen (Rassemblement national) propose, elle, la mise en place une régulation médicale via les tarifs. Les tarifs de remboursement seraient ainsi différenciés selon qu'ils s'agissent de zones sous-denses ou de zones considérées comme « sur dotées ».

Cette mesure pourrait faire économiser 2 milliards d'euros par an aux pouvoirs publics, selon les évaluations du Think tank qui tempère toutefois :

« Il pourrait être nécessaire de moduler très fortement les tarifs pour que les écarts soient suffisamment incitatifs. La mesure pourrait également s’accompagner d’effets négatifs, en particulier sur le nombre de professionnels choisissant la médecine de ville ».

Accent sur la santé mentale

Et alors que la crise sanitaire a mis en exergue l'ensemble les problématiques liées à la santé mentale, les candidats à l'élection semblent considérer cet enjeu dans leur programme, observe l'Institut dans sa note de synthèse.

Une des mesures phare de Yannick Jadot (Europe Écologie Les Verts) va notamment dans ce sens. Celle-ci vise « à créer 10 000 places en établissements psychiatriques, soit une hausse de plus de 11 % de leur nombre ». L'Institut estime que le coût annuel de fonctionnement de cette mesure serait de l'ordre d'un milliard d'euros par an.

Valérie Pécresse propose, quant à elle, de créer un institut national de la santé mentale. Une mesure qui n'a pas encore été budgétée par l'Institut, sûrement faute de précisions.

De fausses économies

Par ailleurs, Marine Le Pen et Eric Zemmour souhaitent supprimer l'Aide médical d'État (AME). Une aide destinée à prendre en charge les dépenses médicales des étrangers en situation irrégulière.

En 2022, les dépenses affectées à cette aide sont estimées à 1,1 milliard d'euros sur un total de dépenses en santé de 234 milliards d'euros, soit seulement 0,42 % du budget total.

L'Institut Montaigne souligne que « sa suppression n’impliquerait pas une économie d’un montant équivalent, car les dépenses de soins urgents devront toujours être prises en charge ». Cette mesure pourrait générer une économie annuelle de 700 millions d'euros, note-t-il.

Toutefois, « ce chiffrage ne prend pas en compte les coûts que générerait une propagation des affections contagieuses au sein de la population et qui pourraient se révéler bien plus élevés », souligne le Think tank.

Sur un tout autre registre, le candidat de La France Insoumise se positionne en faveur de la « Grande Sécu », qui consiste à ce que le niveau de remboursement de la Sécurité sociale atteigne 100 %. Pour l'Institut Montaigne, « le coût net de la réforme pour les finances publiques serait (...) de 17,1 Md€ ».

* L'institut Montaigne estime que le coût annuel pour recruter un soignant en début de carrière (charges sociales comprises) s'établit à 26 300 euros. Viennent s'ajouter les coûts annuels de formation que l'Institut estime à 14 270 euros.

À noter que la synthèse de l'Institut Montaigne n'est pas exhaustive. Toutes les mesures en matière de santé des candidats n'ont pas été budgétées. 


Source : lequotidiendumedecin.fr