Régulation économique de la santé

L'Etat au rapport ?

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Publié le 07/02/2019
Vous avez demandé la police administrative ? En charge de la mise sur le marché et de la prise en charge, elle est incontournable en matière de régulation économique. Sauf qu'elle n'évalue guère les décisions politiques, y compris en matière de santé. Faudrait-il faire évoluer le système?
Conseil d'Etat

Conseil d'Etat
Crédit photo : GARO/PHANIE

La régulation économique des produits de santé est-elle un succès à mettre au crédit des pouvoirs publics ? Pour Maurice-Pierre Planel, président du Comité économique des produits de santé (CEPS), la réponse est sans équivoque. En dépit du prix des médicaments contre l'hépatite C ou des nouveaux anticancéreux, « le niveau des remboursements des médicaments demeure inférieur au pic de 2011. Dans le même temps, l'Ondam a augmenté de 20 milliards d'euros ». De quoi se plaint-on ? La régulation économique de la santé était ainsi au cœur d'un colloque organisé le 1er février dernier par le Conseil d'État où l'on a donc évoqué la régulation des produits de santé sans juger utile de convoquer à la barre leurs représentants. Mais comme l'a souligné Agnès Buzyn dans son intervention prononcée en fin de matinée : « Votre colloque ne questionne pas la régulation. C'est rassurant et salutaire. Cela confirme la légitimité de la régulation, même s'il faut en apprécier son périmètre» Quelle que soit la définition retenue de la régulation, le fait de maintenir en équilibre un système complexe par exemple, derrière l'euphémisme du mot, se cache toujours la réalité de terrain.

Police administrative, un terme désuet

À cet égard, Jérôme Peigné (professeur à l'université Paris-Descartes, membre de l'Institut Droit et Santé) n'hésite pas à évoquer les mots qui fâchent en parlant de police administrative « un terme désuet que l'on n'utilise pas ». Cette police administrative a deux finalités, en premier lieu sanitaire, elle est responsable de la mise sur le marché. Le second volet est celui de la prise en charge. Outre le CEPS, la Commission de la transparence joue là un rôle fondamental dans le dispositif. Or, on ne prête pas toujours une attention suffisante aux textes précisant la doctrine de la Commission. Elle se modifie au fil du temps. Le critère de gravité est par exemple devenu moins important au profit de l'efficacité. Ce qui peut expliquer certains refus de la Commission de la transparence de prendre en charge des traitements. En témoigne le contentieux porté par un laboratoire devant le Conseil d'État en 2010 après avoir essuyé un refus de prise en charge d'un médicament indiqué dans le traitement du cancer du pancréas métastasé. Ce changement de doctrine a été validé par la haute juridiction administrative. Résultat, en vingt ans de jurisprudence établie par le Conseil d'État, il n'y a pas eu un seul cas d'erreur manifeste d'appréciation sur les avis d'évaluation de service médical rendu (SMR) par la Commission de la transparence. Agnès Buzyn s'appuie sur cette jurisprudence pour avoir déremboursé en 2018 quatre traitements contre la maladie d'Alzheimer. Mais dans ce dernier exemple, la ministre s'est appuyée sur des recommandations du régulateur.

Affaire PIP

Ce n'est pas toujours le cas en pratique. « Il est difficile pour le politique de concilier une demande sociétale et l'avis du régulateur », reconnaît Agnès Buzyn. Et de citer l'affaire des prothèses PIP. À l’époque, les autorités sanitaires n'avaient pas conseillé l'explantation pour toutes les femmes porteuses de ces prothèses frelatées. Alors ministre de la santé, Xavier Bertrand ne suit pas la reco. Et conseille aux femmes de se faire retirer leur prothèse. Aujourd'hui, le temps a donné raison à l'ancien ministre. Sur quels critères prendre la bonne décision ? Afin d'éviter une nouvelle affaire du sang contaminé, les anticorps du virus HTLV1 sont systématiquement recherchés depuis 1991. Or selon le chiffre cité par la ministre, un an de vie gagné grâce à cette recherche s'élèverait en fait à une dépense de 40 millions d'euros. « C'est un choix politique qui a été fait, des ressources allouées qui n'ont jamais été questionnées en termes d'efficience à comparer avec l'évaluation demandée pour les médicaments ou les dispositifs médicaux », reconnaît Agnès Buzyn. L'aveu mériterait un droit de suite. 


Source : lequotidiendumedecin.fr