Portrait

Marie-Sophie Desaulle, la militante

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Publié le 20/06/2019
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Crédit photo : Crédit : Patrice Le Bris

Militant un jour, militant toujours ? Ou plutôt avoir été présidente une fois et comment le redevenir ? Pour Marie-Sophie Desaulle née en 1958, la solidarité n'étouffe pas l'ambition. La nouvelle présidente de la Fehap n'affiche donc pas cette fausse pudeur si française où la volonté de réussir serait indécente. Et exige de se couvrir du voile du sacrifice personnel pour le seul bénéfice de l'intérêt collectif. « Mon sujet, ce n'est pas le regard des autres », revendique d'ailleurs Marie-Sophie Desaulle qui dès l'enfance a appris à récuser tout sentiment d'apitoiement soulevé chez lesdits biens-portants par le handicap, cette blessure visible, ne serait-ce que celui de se déplacer avec deux cannes. On l'aura compris, même si la foi toujours revendiquée de la présidente soulève paraît-il des montagnes, c'est bien l'énergie à changer (un peu) la vie, à refuser toute fatalité qui explique ses engagements. Pour cette Bretonne, fille d'un médecin et d'une infirmière, le premier combat après des études à l'Institut d'études politiques de Bordeaux puis à l'École de santé publique à Rennes sera donc conduit au sein de l’Association des paralysés de France (APF). « Je deviens administratrice à 26 ans avant d'en devenir présidente à 42 ans. » Le militantisme prime là devant le politiquement correct, avec cette volonté de ne s'en laisser conter par personne, fut-il ministre. « Je n'ai sûrement pas laissé que des bons souvenirs à Philippe Bas ou Martine Aubry. » Agnès Buzyn est en tout cas prévenue. Quoi de plus normal pour cette disciple du sociologue Michel Crozier, auteur du célèbre « On ne change pas la société par décret ». Dans le même temps, Marie-Sophie Desaulle mène une brillante carrière hospitalière où après avoir été directrice d'hôpital puis directrice d'une agence régionale d'hospitalisation, elle est nommée à la tête de l'agence régionale des Pays de Loire. « Certes, je n'ai pas pu réaliser comme je l'espérais une réelle communauté entre soignants du secteur public et ceux du secteur libéral. Mais arrêtons d'invoquer l'absence de marge de manœuvre ou le blocage de toute initiative par la réglementation. En vérité, tout ce qui n'est pas interdit est autorisé. » Quoique. L'État recule parfois devant la puissance des lobbies. Et préfère payer : « Il a été plus facile de financer la prestation de compensation en 2005 pour les handicapés que d'obtenir l'accessibilité pour tous. » Enfin en 2014 : « Je prends ma retraite à 56 ans comme l'autorise mon statut de travailleur handicapé. » Cela ne sera pas, on l'a deviné, pour cultiver son jardin. Car derrière le rire facile, le regard qui cherche l'approbation, l'optimisme de rigueur, la colère rode, prête à bondir. Il suffit de brandir l'article 51 et ses formulaires glaçants qui douchent, paraît-il, toutes les bonnes volontés. La catholique pratiquante n'hésite pas alors à brandir les valeurs de ce protestantisme cultivé dans les pays anglo-saxons où l'on vit ensemble avec toutes les différences. La Fehap risque-t-elle de devenir une organisation protestataire ? On a dû faire un mauvais rêve…


Source : lequotidiendumedecin.fr