Entretien avec la ministre de la Santé

Marisol Touraine répond aux critiques mais garde le cap

Publié le 21/11/2014

« La valeur de l’acte en médecine générale se situe à près de 31,40 € » et il a augmenté en moyenne de près de 2,70 € depuis 2012. C’est la ministre de la Santé qui l’estime en réponse aux impatiences des médecins généralistes. À l’invitation de notre journal, elle a répondu aux interrogations et aux griefs de neuf confrères. Sur le fond, pas de virage à 180°, malgré la grève qui se profile. Mais elle promet de « lever les malentendus » en recevant de nouveau les syndicats et veut « tordre le coup aux contre-vérités » sur la liberté d’installation ou le volontariat de la PDS. Concernant le tiers payant, elle soutient, à rebours des critiques, qu’il permettra « de donner une nouvelle place aux médecins libéraux » et promet d’inscrire un délai de paiement maximal dans la loi. Enfin, sur les délégations de tâches, elle proteste : « Je ne veux pas remplacer le médecin ! »

Crédit photo : GARO/PHANIE

GRÈVE : UN PARADOXE

Le Généraliste : Pour la première fois depuis longtemps, les quatre syndicats représentatifs des généralistes appellent à une grève en fin d’année. Cette hostilité à votre politique vous surprend-t-elle et vous inquiète-t-elle ?

Marisol Touraine : Cette loi a trois objectifs : valoriser la prévention, coordonner le système de santé autour du médecin de proximité, favoriser l’accès aux soins. Ne plus avancer les frais lors d’une consultation, savoir où se renseigner pour un parent dépendant, comprendre comment mieux choisir l’alimentation de ses enfants, savoir qu’ils seront mieux protégés demain des méfaits de l’alcool et du tabac : voilà des réponses qui sont à la hauteur des attentes de nos concitoyens.

J’entends la mobilisation de certains généralistes face au projet de loi. Je l’entends et je veux y répondre car mon ambition, sans faille, c’est précisément la promotion de la médecine de proximité dont notre système de santé a besoin pour se rénover et s’adapter aux défis d’aujourd’hui. Il y a un vrai paradoxe : le projet de loi de santé cristallise des inquiétudes sur la place de la médecine générale, alors même que j’ai placé la médecine de proximité au cœur de mon action.

Si des malentendus existent, il faut les lever. Je suis prête à clarifier, préciser, améliorer ce qu’il faut pour cela. Et je recevrai à nouveau les organisations syndicales représentatives pour répondre aux craintes qui sont exprimées et travailler avec elles à la clarification et à l’amélioration de certaines dispositions.

Le projet de loi de santé fait confiance aux médecins généralistes. La place centrale du médecin généraliste est renforcée à travers la reconnaissance des fonctions du médecin traitant de l’enfant.

Les professionnels de santé sont en première ligne face aux inquiétudes qui frappent nos concitoyens. Ils assument des tâches lourdes et nombreuses. Le projet de loi de santé crée des outils pour les épauler dans le temps toujours plus long qu’ils doivent passer à aider, pour la suite de leur parcours, les patients vus en consultation : des plateformes d’appui facilitant la prise en charge coordonnée d’un patient, un dossier médical partagé (DMP) rénové, des règles pour l’échange d’informations modernisées et plus ouvertes (création d’un véritable service public d’information en santé)… Des contre-vérités circulent sur la fin de la liberté d’installation ou la fin de la liberté, pour le patient, de choisir son médecin. À aucun moment, dans la loi, ces libertés ne sont remises en cause.

TIERS PAYANT : DES GARANTIES

Dr Bertrand Legrand : Pourquoi continuez-vous à vouloir faire la généralisation du tiers payant, alors que c'est compliqué, que ça ne marche déjà pas, que les mutuelles ne sont pas prêtes et que plus personne chez les médecins ne soutient cette réforme ? Et pourquoi les données liées aux délais de remboursement actuels des caisses ne sont-elles pas publiées ?

M.T. Pourquoi généralisons-nous le tiers-payant ? En dispensant les Français d’avancer les frais de leur consultation chez le médecin, nous abattons une barrière fondamentale de l’accès aux soins dans notre pays. Malheureusement, beaucoup de nos concitoyens, et pas seulement ceux qui sont en situation de précarité, renoncent encore aujourd’hui à se faire soigner pour des raisons financières. En luttant contre le renoncement aux soins, nous permettons au patient de se rendre plus tôt chez son généraliste, au médecin de pratiquer une véritable prévention et d’assurer un diagnostic plus précoce de certaines pathologies. La généralisation du tiers-payant permet, enfin, de donner une nouvelle place aux médecins libéraux. Aujourd’hui, beaucoup de patients se rendent aux urgences parce qu’ils ne peuvent avancer les frais. Le tiers payant est un outil supplémentaire pour réaliser une « révolution du premier recours » qui redonnera à la médecine de proximité la place qui doit être la sienne dans le parcours du patient.

Je conteste l’idée que la généralisation du tiers-payant ne serait pas possible. Il faut quand même rappeler que le tiers-payant est déjà largement répandu : biologistes, pharmaciens, infirmiers, masseurs kinésithérapeutes ou orthophonistes ont une pratique du tiers-payant pour une part de leurs actes supérieure à 50 %, voire, pour certains, proche de 100 %. Certains spécialistes libéraux, exerçant en clinique notamment, ont également une pratique significative du tiers-payant.

Quand la feuille de soins électronique a été mise en place, les professionnels de santé avaient exprimé des inquiétudes. Aujourd’hui, l’Assurance Maladie traite 1,2 milliard de feuilles de soins électroniques par an ! Les envois dématérialisés permettent d’assurer un remboursement aux patients ou aux professionnels (dans le cas où le tiers-payant est déjà pratiqué) dans un délai moyen de 5 jours. Les progrès de l’Assurance Maladie dans la gestion des prestations, grâce notamment à la Carte Vitale, et les évolutions technologiques permettent aujourd’hui d’envisager la généralisation du tiers-payant de manière sécurisée et simple pour les médecins.

S’agissant des données sur les délais de remboursement, des informations sont retracées chaque année dans des documents annexés à la loi de financement de la sécurité sociale ; ces données sont donc bien publiques. Pour écarter définitivement tout risque de trésorerie, j’inscrirai dans la loi le principe d’un délai maximal pour le paiement des professionnels de santé.

VACCINS : « UN RETOUR D’INFORMATIONS »

Dr Jacques Rouillier : Votre projet de loi de santé va autoriser les pharmaciens et les sages-femmes à vacciner et donne les pleins pouvoirs aux véritables préfets de santé que vont devenir les directeurs d'ARS. On a l'impression que l'on organise ainsi le dépeçage de la race « médecin libéral »… En contrepartie, seriez-vous d'ailleurs disposée à ce que les généralistes puissent tous avoir une pro-pharmacie de base pour dépanner leurs patients ?

[[asset:image:3561 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]

M.T. Avant toutes choses, je veux dire qu’il n’est absolument pas question de remettre en cause l’intégrité et les spécificités de chaque métier de santé. Ma préoccupation est très simple : pour répondre à des enjeux majeurs de santé publique, comme la vaccination des Français, je propose des solutions complémentaires en créant davantage de passerelles et de coordination entre les professionnels de santé. Je vais prendre un exemple très concret. La France dispose aujourd’hui d’une couverture vaccinale de qualité. Néanmoins, il existe de grandes disparités selon le type de vaccin. Ainsi, le taux de la vaccination grippale de la campagne de l'année dernière 2013 chez les personnes de plus de 65 ans n'est que de 52% (en 2008, il était à 65 %). Vous savez parfaitement qu’on meurt de la grippe ! En permettant, sous certaines conditions, la vaccination par le pharmacien, je donne aux Français davantage de moyens pour rester en bonne santé. Je ne veux pas remplacer le médecin, je veux développer les démarches complémentaires pour répondre au défi majeur de santé publique qu’est la vaccination. En tout état de cause, cette possibilité de vaccination sera mise en œuvre sur la base du volontariat des pharmaciens et s’accompagnera de garanties, comme la formation des pharmaciens et la limitation de son périmètre aux adultes et aux rappels de vaccination. Un retour d’information systématique vers le médecin devra par ailleurs être assuré.

INSTALLATION : « AUCUNE COERCITION »

Dr Stéphanie Cutarella : En tant que femme, avec enfant et conjoint, je ne me vois pas devoir exercer dans un cabinet isolé. Pouvez-vous assurer aux jeunes médecins que vous ne mettrez pas en place des moyens contraignants pour les obliger à s'installer à la campagne ? Et si oui, que comptez-vous faire pour favoriser l'exercice en milieu rural ?

M.T. Dès 2012, j’ai souhaité apporter des réponses concrètes aux difficultés que peuvent rencontrer les médecins pour s’installer dans des zones isolées ou fragilisées par les départs en retraite de médecins. C’est l’objectif du Pacte Territoire-Santé, dont j’ai fait le premier bilan cette année. Grâce à cette initiative, de nouveaux médecins s’installent dans les territoires qui en manquaient. Je l’ai fait sans aucune mesure de coercition, mais en valorisant l’exercice libéral, pour le rendre plus attractif. Les jeunes ne veulent plus de l’exercice isolé : j’ai multiplié par 4 déjà le nombre de maisons pluriprofessionnelles de santé. J’ai créé 400 contrats de « praticiens territoriaux de médecine générale » (PTMG) : ce sont des femmes qui, en majorité, se sont installées, grâce à ce nouveau dispositif, dans des territoires déficitaires, très majoritairement en zone rurale (80 %). Ce contrat de PTMG permet de sécuriser le niveau de remplacement de ces médecins en cas d’arrêt maladie ou de congé maternité. Dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale de 2015, j’ai étendu l’application de ces mesures à l’ensemble des médecins spécialistes et développé des outils adaptés à l’exercice en zones de montagne. Parmi les PTMG, 40 % des bénéficiaires étaient auparavant des remplaçants : le contrat, en sécurisant les conditions d’installation, incite les jeunes médecins à « franchir le pas » ! Par ailleurs, 881 étudiants ou internes ont pris l’engagement de s’installer dans un désert médical en contrepartie d’une bourse (Contrat d’engagement de service public). Ils n’étaient que 353 en 2012.

SUPER-INFIRMIÈRE : POUR QUOI FAIRE ?

Dr Olivier Kandel : L’infirmière clinicienne évoquée par votre réforme me semble principalement utile dans deux domaines qui sont notre cœur de métier et nécessitent une prise en charge pluridisciplinaire : la polypathologie et la prévention. Je pratique cette expérience dans le cadre du projet ASALEE et... c'est satisfaisant. Le généraliste est amené, dans ces situations, à prendre du recul pour décider de manière adaptée. Comment voyez-vous cette expérience ASALEE ? Et qu’envisagez-vous pour qu'elle se développe ?

M.T. Les malades, notamment chroniques, ont besoin de prises en charge où l’interdisciplinarité est valorisée, structurée, organisée. ASALEE est une expérimentation intéressante, qui permet de pratiquer, en lien étroit avec le médecin, des actes de dépistage (troubles cognitifs et BPCO du patient tabagique) ou de suivi de pathologies chroniques (diabète et risque cardio-vasculaire). Cette expérimentation, dont l’évaluation est en cours, nourrira la réflexion sur l’évolution du métier d’infirmière et ses relations avec le médecin.

ACCESSIBILITÉ : DÉLAIS ET DÉROGATIONS

Dr Jean-Luc Allegretty : J'exerce depuis 24 ans. Comme celui de beaucoup de généralistes, mon cabinet n'est pas aux normes de l'accessibilité et ne pourra, matériellement et physiquement, pas l'être. N'est–il pas temps de revenir à plus de raison, plutôt que d'imposer ces contraintes à des professionnels qui depuis des années vont voir les handicapés en faisant des visites à domicile ?

M.T. Les dispositions prévues sur l’accès des établissements recevant du public aux personnes handicapées concernent aussi les professionnels de santé. Le gouvernement a permis, à travers les agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP), aux acteurs publics ou privés qui ne remplissent pas les règles de mises aux normes au 1er janvier 2015 de s’engager sur de nouveaux délais. Les professionnels libéraux, et notamment les médecins, ont ainsi trois ans complémentaires pour mettre aux normes leur cabinet. Ils pourront néanmoins obtenir des dérogations auprès de la préfecture dans certaines conditions : si le bâtiment est classé ou en raison d’une impossibilité technique, s’il existe une disproportion manifeste entre le coût des travaux et les bénéfices qui en résulteraient et en cas de refus de la copropriété.

HONORAIRES : DÉJÀ DES REVALOS

Dr Jenny Battner : Vous doutez-vous de toutes les tâches que nous faisons pour 23 euros ? Un C à 23 euros, bloqué à ce niveau depuis 2011, nie le contenu de nos consultations, la relation entre le médecin traitant et les patients. Or nous ne sommes pas que des prescripteurs...

M.T. Oui, bien entendu, je sais que le médecin doit assumer de nombreuses tâches qui vont bien au-delà de la consultation directe avec le patient. C’est précisément pour prendre en compte la diversité des tâches qu’il assume que la rémunération des médecins a considérablement évolué ces dernières années. Au titre de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), un médecin généraliste a ainsi perçu en moyenne 5 800 € en 2014.

L’accord signé entre les syndicats et l’Assurance-maladie, l’ « avenant 8 » sur la régulation des dépassements d’honoraires, a mis en place plusieurs éléments de rémunération supplémentaires : la majoration de consultation pour la consultation de personne âgée de plus de 80 ans en est un exemple.

Depuis 2012, ce sont près de 542 millions d’euros supplémentaires qui ont été versés aux médecins sous de nouvelles formes, afin de valoriser l’activité du médecin généraliste, par exemple. Aujourd’hui, comme vous le savez, la valeur de la consultation à 23 € n’est qu’une partie de la rémunération du médecin. Si on additionne la valeur du C, les majorations, la ROSP et les forfaits, la valeur de l’acte de médecine générale se situe à près de 31,40 €. Ce coût était de 28,70 € en 2011, il est de 31,40 € en 2014 : la valeur de l’acte de médecine générale a ainsi augmenté en moyenne de près de 2,70 € depuis que je suis en responsabilité.

PDS : ON NE TOUCHE PAS AU VOLONTARIAT

Dr Stéphanie Cutarella : Sur la permanence de soins, je pense qu'il faudrait ouvrir davantage la garde aux jeunes qui ne sont pas installés, et je trouve normal qu'à un certain âge on n'ait plus envie de l'assurer. Certains voudraient rendre de nouveau obligatoire la PDS ? Et vous ?

M.T. L’organisation de la permanence des soins ambulatoires sur la base du volontariat est une situation sur laquelle je ne souhaite pas revenir, même si je considère que cette réforme, qui date de 2001, n’est pas optimale et peut produire des difficultés sur le terrain pour les médecins qui assument cette mission. Maintenant, je souhaite aller plus loin.

Pour renforcer la permanence des soins, la loi de santé crée ainsi un numéro d’appel national pour joindre un médecin aux heures de fermeture des cabinets médicaux. Aujourd’hui, la multiplicité des numéros d’appel permettant d’accéder au médecin de garde dans chaque département nuit à la lisibilité du dispositif. Demain, un numéro court, facilement mémorisable et identifié, permettra aux médecins libéraux d’assurer une régulation médicale efficace.

Répondre aux besoins des patients et des professionnels implique également d’adapter l’organisation de la permanence des soins dans chaque territoire. Les Agences régionales de santé (ARS) peuvent ainsi majorer la rémunération des gardes en tenant compte de contraintes particulières. Dans d’autres endroits, c’est la création de maisons médicales de garde qui permet de remobiliser les médecins, qui apprécient de travailler en équipe.

TRAVAIL D’ÉQUIPE : OBJECTIF 2015

Dr William Joubert : Pourquoi, lors des négociations ACIP sur la rémunération du travail d‘équipe, les propositions portées par la majorité des professions de santé à l’UNPS qui permettaient à tous les patients et tous les professionnels de santé de bénéficier de la coordination dans un cadre bien modélisé, conventionnel, loin des lourdeurs administratives et hors tutelle d’ARS n’ont-elles pas été étudiées, par la délégation de l’UNCAM ? Était-ce sur directive du ministère ?

M.T. Des négociations ont été menées ces six derniers mois avec 18 professions de santé et une quarantaine de syndicats pour valoriser le travail en équipe et la coordination des professionnels libéraux. Toutes les contributions ont été étudiées et discutées. Les positions prises par plusieurs syndicats ces derniers jours témoignent d’un blocage, pas sur les objectifs, mais sur certains éléments, notamment tarifaires, de la négociation. Je trouve cela dommage quand on sait que certains forfaits de coordination permettaient quand même une rémunération de 150 € pour le suivi de patients aux pathologies complexes.

Mais je veux que le travail mené ces derniers mois ne soit pas perdu, car nous avons besoin de développer des parcours de santé qui permettent aux professionnels de travailler en équipe, tout en respectant le libre choix du patient et la liberté d’organisation des libéraux. Par ailleurs, je ne veux pas pénaliser les équipes de professionnels qui se sont déjà engagées sur le terrain dans un travail en équipe et qui bénéficiaient d’une rémunération à titre expérimental. Je prendrai donc mes responsabilités et l’objectif de développement de la rémunération d’équipe sera atteint en 2015 comme prévu. Un arbitre va prendre le relais de la négociation et proposer un règlement arbitral au plus tard début 2015 pour généraliser la rémunération d’équipe dans les maisons et pôles de santé ainsi que dans les centres de santé.

DPC : CORRIGER ET AMÉLIORER

Dr Charles-Henry Guez : Quelle évolution du dispositif de développement professionnel continu (DPC) peut-on prévoir aujourd’hui qui préserve à la fois la qualité des soins et l’obligation mise en

[[asset:image:3566 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]

place dans la future loi ?

M.T. Je souhaite corriger les imperfections d’un dispositif qui est aujourd’hui perçu comme trop formel et pas assez en prise avec les attentes des professionnels libéraux. Trois mots d’ordre vont guider les travaux que je vais conduire avec les organisations syndicales et professionnelles : simplifier les règles actuellement appliquées, améliorer l’implication des professionnels dans la gouvernance du dispositif et mettre le DPC au service de mes priorités, le renforcement des soins primaires de premier recours et l’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. Des programmes de DPC pragmatiques et adaptés à l’exercice quotidien, pour maîtriser le risque iatrogénique ou éviter le recours indu à l’hospitalisation, ont été développés. Ils confirment que, loin de l’usine à gaz, il est possible de créer les conditions permettant un accès facile à des programmes d’amélioration des connaissances et d’évaluation des pratiques professionnelles.

SIMPLIFIER AUSSI POUR LES MÉDECINS

Dr Sandrine Mengis : On parle beaucoup de simplification administrative en ce moment. Mais on a l’impression que ça ne concernera pas beaucoup les médecins généralistes et qu’au contraire on nous en rajoute chaque jour davantage. Que proposez-vous pour inverser la tendance, alors même que je constate chez les jeunes internes une réticence à s’installer de ce fait ?

M.T. Je veux rendre plus attractive l’installation des jeunes médecins en simplifiant leur travail, notamment grâce aux rémunérations d’équipe, qui permettent de mutualiser les charges administratives et d’exploitation. Dans le cadre du Pacte Territoire-Santé, j’ai créé un référent installation dans chaque région pour être l’interlocuteur des médecins qui font le choix de l’exercice libéral. Avec le projet de loi de santé, je veux mettre en place des plateformes d'appui qui peuvent prendre le relais des médecins pour orienter leurs patients vers les professionnels de proximité les plus adaptés (aide à domicile, aide sociale, etc.). Une instance de simplification de l'exercice libéral se réunit régulièrement pour trouver des solutions en diminuant la charge administrative qui pèse sur les médecins au quotidien. Les avancées sont très concrètes. Grâce à la simplification du dossier d'admission en Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), le médecin traitant n’a plus aujourd’hui qu’à remplir un seul document. J’ai également la volonté de réduire les sollicitations des médecins pour produire des certificats médicaux, y compris pour la pratique sportive : des progrès seront faits dans ce domaine.

GÉNÉRIQUES : ON NE CHANGE PAS

Dr Jean-Luc Allegretty : Je fais partie des 500 généralistes auxquels l'Assurance maladie reproche d'utiliser trop souvent la mention « non substituable ». Si je le fais, ce n'est pas pour grever le budget de la Sécurité sociale, mais pour le bien de mes patients. Que pensez-vous de cet acharnement ?

M.T. Les médicaments génériques doivent être développés et promus. Il est possible de ne pas prescrire de médicament générique dans l’intérêt du patient, mais cette pratique doit dans les faits rester exceptionnelle. Il revient à l’Assurance-maladie de lutter contre la fréquence anormale de l’apposition de la mention « non-substituable ». Développer les génériques, c’est agir dans l’intérêt des patients car cela permet de contenir le volume des dépenses de médicaments remboursables et par là même de financer l’accès à l’innovation médicamenteuse.

UN GRAND MINISTÈRE À PART ENTIÈRE

Dr Jacques Rouillier : Ne trouveriez-vous pas normal que la santé, premier budget de l'État, bénéficie d'un ministre d'État qui ne s'occupe que de ça ?

M.T. Le budget de la santé est un budget de la sécurité sociale, l’un des plus importants. Ma mission, c’est le progrès de l’égalité et de la solidarité, l’accès de chacun à ce à quoi il a droit pour mener une vie conforme à ses choix, et en particulier rester en bonne santé...

La santé est une composante à part entière de la protection sociale dans notre pays ; et mon ministère en porte la marque. Les prestations sociales sont par essence imbriquées et la possibilité pour un ministère de pouvoir en garantir la cohérence et l’intégration est une vraie chance et le gage de leur efficacité. Le rapprochement des politiques de santé et d’adaptation de la société au vieillissement de la population en est un exemple très concret, et ce type de complémentarité s’étend aux politiques familiales, de lutte contre les exclusions et aux politiques en charge des personnes âgées et des personnes handicapées.

Je veux le dire avec force, je suis bien ministre des Affaires sociales, ministre de la Santé et ministre des Droits des femmes tous les jours.



Source : lequotidiendumedecin.fr