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Paiement à l'acte, forfaitisation… quelle sera la rémunération du futur ?

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Publié le 28/03/2022
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Lors d’un débat modéré par le Dr Adriaan Barbaroux à l’occasion du CMGF 2022, les présidents des principaux syndicats libéraux (MG France, Les Généralistes-CSMF, la FMF, le SML) et l’USMC, ont décrit ce que serait, pour eux, la rémunération du futur. Et surprise : un consensus voit le jour… à quelques mois de la future convention médicale.

Crédit photo : Léo Juanole

Devant une salle comble, les syndicats de médecins libéraux se sont réunis vendredi 25 mars, pour un débat portant sur « la rémunération du futur », organisé dans le cadre du 15e CMGF à Paris. Et, pour une fois, ils sont d’accord ; ce qui est de bon augure à quelques mois du début des négociations avec l’Assurance maladie sur la prochaine Convention médicale.

« Nous allons discuter entre nous pour nous accorder et obtenir un large consensus », a confirmé le Dr Jacques Battistoni, président de MG France. « Le facteur de changement du système, ce sont les rémunérations ! C’est à travers elles qu'on fait évoluer les comportements, comme sur la prévention par exemple », assure le médecin généraliste.

Paiement à l’acte ou forfaitisation ?

En effet, les syndicats s’accordent pour dire qu’il faut simplifier la rémunération des actes. Le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF a exprimé la difficulté à coter correctement les actes. « Si tous les libéraux cotaient exactement avec la nomenclature, ils auraient 20 % de rémunération en plus ! » Aujourd’hui, « la rémunération d'un omnipraticien est de 83 % à l’acte et 17 % au forfait », informe le Dr Battistoni.

Les libéraux plébisciteraient toujours le paiement à l’acte, a affirmé le Dr Philippe Vermesch, président du SML, qui cite un sondage mené par son syndicat pour affirmer que « 80 % des généralistes sont attachés au paiement à l’acte ». Il ajoute que « c’est motivant, car vous savez ce que vous faites ». Mais à quel prix ? La France est moins rémunératrice que ses voisins a rapporté le président du SML : « la valeur moyenne de l’acte en Europe est de 45/50 euros » avant de pointer un paradoxe : « un Allemand gagne trois fois ce que fait un médecin généraliste français alors que leur budget Sécu est inférieur à la France ». Le Dr Le Sauder a renchéri. « La rémunération à 25 euros, ce n’est pas possible ! »

Autre rémunération, celle en forfaits, comme la rémunération sur objectifs de santé publique. « La Rosp est trop compliquée. Il faudrait la revoir car elle empêche l’augmentation de la consultation. Il y a trop d’indicateurs et les Caisses n’ont parfois pas les mêmes chiffres que nous ! », s’est exclamé le Dr Le Sauder. De façon plus pragmatique, le Dr Vermesch, qui souhaiterait une Rosp pour toutes les spécialités, a rappelé aux médecins dans la salle qu’« il faut vérifier ce qu’on touche, comme la Rosp ou le tiers payant. Ne pas vérifier nous expose à 6 % de perte de revenus en moyenne ».

Valoriser l'expérience

« Faut-il payer notre ancienneté, valoriser notre expérience, notre certification ? Rémunérer la prévention avec l’éducation de la patientèle et de la population ? », s’est interrogé le Dr Le Sauder.

Le Dr Duquesnel a regretté de son côté la priorité mise sur l’accès et non pas la qualité des soins. « La rémunération du futur c’est : avec la tarification à l’acte, peut-on rémunérer la qualité et comment fait-on pour l’identifier ? La Rosp peut entraîner la qualité, mais la préoccupation du politique et des citoyens, c’est juste l’accès aux soins. »

Médecin et chef d’entreprise

Le Dr Vermesch, est attaché au terme « libéral », rattaché étymologiquement à « la liberté » ; ceci signifiant, de manière plus pragmatique, « nous gérons notre cabinet ». Et, aujourd’hui, « les jeunes ont envie de moins de paperasses ». Le Dr Battistoni a abondé : « être en libéral, c’est être un chef de petite entreprise : faire l’effort d’embaucher, gérer les conflits possibles… Pour les jeunes médecins, être salarié, c’est se décharger de toute cette charge mentale ».

Le Dr Vermesch a interrogé : « Pourquoi pas en début de carrière pour les jeunes médecins libéraux une forme de salariat ? Les centres coûtent cher à la société. Il faut choisir… Si on laisse faire le libéral en mettant un peu d’argent, ce sera forcément moins cher que de créer des centres en salariant des médecins. »

Le Dr Le Sauder y voit un changement sociétal. « Les jeunes veulent un équilibre entre leur vie professionnelle et privée. À l’acte, plus tu travailles, plus tu gagnes ! » Aussi, il y aurait selon elle un frein dans la formation. « Il n’en existe pas sur l’entreprenariat, comme pour ne pas confondre bénéfices et recettes ». Le Dr Adriaan Barbaroux, modérateur du débat, a ajouté qu’étant maître de stage, il fait faire sa comptabilité par ses internes, qui rechignent un peu au début puis disent merci à la fin, provoquant les rires de l’assemblée.

Plus d’assistants médicaux !

La situation est résumée par le Dr Battistoni. « L’enjeu est de prendre en charge plus de patients avec des pathologies plus lourdes avec moins de médecins traitants – autour de 50 000 en réalité – avec une rémunération qui doit inciter à prendre plus de patients. »

Pour y parvenir, tous appellent à un déploiement massif – et un déverrouillage des conditions d’accès – des assistants médicaux à plein temps, ce qui permettrait 15 à 20 % de patientèle en plus pour les médecins, a notamment estimé le Dr Duquesnel.

Qualité de vie au travail

Le Dr Frédéric Villebrun, président de l’Union syndicale des médecins de centres de santé (USMC), a défendu son modèle, insistant sur « la qualité de vie au travail », laquelle attire les médecins. Dans ces structures, raconte-t-il, « nous ne nous battons pas pour qui va prendre l’acte. Nous refusons cette course. Nous travaillons ensemble pour la pertinence, avec les nouvelles expérimentations de l’article 51, comme le Peps, qui est clairement la rémunération de demain ».

Le Dr Duquesnel a appelé à la fin de la « guéguerre » entre libéraux et salariés. « L’affrontement entre le libéral et le salariat ne va pas améliorer l’accès aux soins ».

En conclusion, le Dr Villebrun a affirmé son souhait de voir un « médecin généraliste de santé publique » pour aller plus loin dans la prise en charge populationnelle.

Lutter contre la dérégulation liée à la télémédecine

Le Dr Duquesnel a également alerté contre un nouvel enjeu, ayant pris son essor pendant la crise Covid. « Il faut lutter contre la dérégulation liée à la télémédecine ».

Le Dr Le Sauder a elle appelé à « supprimer la taxe de 3,25 % sur les revenus non conventionnels comme la formation, les syndicats, les URPS et la maîtrise de stage ».


Source : lequotidiendumedecin.fr