Patrick Errard

PLFSS, entente préalable... Le président du Leem tique

Publié le 05/12/2014
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Après l’adoption du PLFSS 2015 cette semaine, le président du Leem réitère ses critiques sur un dispositif qu’il juge pénalisant et à courte vue. Patrick Errard, revient aussi sur les enjeux de la nouvelle charte de la VM et regrette le nouveau dispositif de mise sous entente préalable de statines.

Crédit photo : Eric Durand

Le Généraliste. À l’issue de la discussion parlementaire, maintenez-vous vos critiques sur le PLFSS 2015 ?

Patrick Errard. Je maintiens l’analyse puisque la ponction de ce PLFSS est de 1,5 Md € pour les entreprises du médicament, dont à peu près 900 M € à travers des baisses de prix, incluant les génériques. 50 % des économies pèsent sur notre secteur alors qu’il ne représente que 15 % des dépenses d’Assurance Maladie. Il y a une disproportion dans le poids qu’on fait peser aux entreprises du médicament. Répété quatre années consécutives, cela a des conséquences sur l’attractivité et la compétitivité du secteur par rapport à nos voisins.

Nous pensons qu’il faut adopter une conception différente de l’équilibre du financement de l’Assurance Maladie et arrêter d’avoir une vision à court terme pour calculer l’équilibre sur 3 à 5 ans. Nous appelons de nos vœux un chantier d’une ampleur beaucoup plus importante qu’un PLFSS annuel pour résoudre un problème d’une extrême gravité : comment allier la qualité des soins et l’accès à l’innovation pour nous-même et nos enfants.

La mise sous entente préalable des prescriptions d’ézétimibe et de rosuvastatine qui a surpris les médecins et la mise au point d’un dispositif spécifique de régulation des nouveaux traitements de l’hépatite C, vous semblent-elles justifiées ?

P. E. La mise sous entente préalable ne figure pas dans le PLFSS. Elle a fait l’objet d’un amendement qui a été retiré. Ce mécanisme n’est donc entré en vigueur que pour un produit, à l’initiative de la CNAM. Mesure qui paraît pour le moins étonnante : les mises sous entente préalable n’ont pas vocation à s’adresser à des produits du type des statines mais à des produits d’exception. S’agissant des nouveaux traitements de l’hépatite C, ils entrent dans un système de financement particulièrement complexe, qui est un peu l’enfant naturel d’une gestion à enveloppe fermée. Il suppose le financement d’une innovation par l’enveloppe du médicament. On ne considère donc pas l’impact positif que l’innovation peut avoir sur la qualité des soins, sur le malade ou sur le système lui-même.

Le Leem a plusieurs fois exprimé son souhait de voir une innovation majeure considérée à part, comme répondant à un besoin de santé publique majeur. Faute de mieux, voilà ce qui a été proposé par le gouvernement. On va en faire l’expérience. Mais l’accord conventionnel reste la vraie solution : il faut que nous repensions un système qui régule mieux et différemment l’accès à l’innovation de rupture.

Une nouvelle charte de la visite médicale a été signée entre le CEPS et le Leem. Dans quelle mesure la relation VM-prescripteurs va-t-elle changer, notamment via cet Observatoire de la VM ?

P. E. Cette nouvelle charte est en fait un amendement au texte existant. Il traduit la volonté du Leem et du CEPS de faire évoluer la déontologie de la relation entre les visiteurs médicaux et les médecins. L’Observatoire, qui sera conduit par chaque entreprise sur son médicament le plus promu, vise à avoir, pour la première fois, des données sur la qualité du travail fait auprès des professionnels de santé. J’y vois un double avantage. D’abord, ça participe à l’amélioration du processus de qualité. Ensuite, cela renforcera la confiance avec les professionnels de santé en leur donnant la possibilité de nous faire part de leur feed-back. Les missions d’enquête déjà conduites sur ce sujet montrent que même si les médecins ont moins de temps pour recevoir des visites médicales, peu d’entre eux souhaitent leur disparition. C’est une source d’information et d’accompagnement du médecin dans le bon usage des soins.

Environ 500 médecins généralistes font actuellement l’objet d’une enquête approfondie de la part de la Cnamts qui leur reproche d’abuser de la mention « non substituable ». Trouvez-vous cela normal ?

P. E. Chaque professionnel de santé libéral a la liberté de prescrire et assume, à ce titre, sa prescription. Il a aussi la liberté de choisir, si cela est possible, de maintenir le princeps. Et peut avoir en cela de bonnes raisons de mentionner « non substituable ». Mais il est évident que la proportion des bonnes raisons doit rester mesurée. Dans certaines situations (patients âgés, indexe thérapeutique étroit), il peut être justifié de ne pas laisser la substitution se faire. Je crois qu’il faut respecter ces quelques bonnes raisons. Après, tout est une question de dose et de fréquence. Si c’est systématique, l’Assurance maladie peut légitimement se poser la question. À chacun, ensuite, de défendre sa position et de justifier ses prescriptions en DCI.

Propos recueillis par Luce Burnod et Jean Paillard

Source : lequotidiendumedecin.fr