Politique de santé

Prévention : jugeant les résultats « médiocres », la Cour des comptes propose notamment d'accroître la ROSP

Par
Publié le 02/12/2021
Article réservé aux abonnés
Le 1er décembre, la Cour des comptes a publié son rapport sur la politique de prévention en santé. Si l’instance qualifie les résultats obtenus de « médiocres », ces recommandations consistent notamment à renforcer la part de la rémunération sur objectifs de santé publique dans la rémunération des médecins.

Crédit photo : GARO/PHANIE

« En mesurant l’impact des politiques de prévention menées en France, la Cour a pu constater que les résultats obtenus sont globalement médiocres, et ce, malgré un effort financier comparable à celui des pays voisins », souligne la Cour des comptes lors de la publication ce 1er décembre d’un rapport sur la politique de prévention sanitaire.

Dix ans après son premier rapport sur la prévention sanitaire, elle s’est cette fois-ci concentrée sur trois familles de pathologies : les cancers, les maladies neurocardio-vasculaires et le diabète. Des pathologies qui concernent respectivement 3,3 millions de personnes, 5,1 millions (uniquement pour les maladies cardiovasculaires) et 3,9 millions. « Ces pathologies mobilisent un quart des dépenses annuelles de l’Assurance maladie avec près de 50 milliards d’euros », note la Cour des comptes. Pour la prévention, l’enveloppe est de l’ordre de 15 milliards avec d’un côté les programmes institutionnels de prévention et de l’autre les actes de prévention remboursés.

Manque d’adhésion et déploiement insuffisant des programmes de prévention

La Cour des comptes estime ainsi que « les programmes de prévention médicalisée (vaccination et dépistage) comme les actions de promotion de la santé, souffrent d’une adhésion ou d’un déploiement insuffisants pour produire des effets significatifs sur les grandes pathologies, malgré une pertinence avérée ».

Citant les exemples de la vaccination anti-HPV pour laquelle la France afficherait un « taux de participation de 25 %, la plupart des autres pays étant entre 30 % et 90 % » ou le dépistage du diabète de type 2 pour lequel « près de 700 00 personnes sont atteintes (…) sans qu’elles le sachent, du fait d’un dépistage insuffisamment proposé aux patients ».

Et le constat est le même pour les programmes de prévention tertiaire existants. Le rapport cite ainsi « l’accompagnement au retour à domicile (Prado) pour lequel seulement 18 000 malades cardiovasculaires sur une population cible d’au moins 1,5 million de personnes sont inclus dans le programme. » Autre exemple mentionné dans le rapport, « l’accompagnement des diabétiques, avec le programme Sophia qui ne touche que 30 % seulement des diabétiques ».

L'organisation des soins primaires et leur mode de rémunération pointés du doigt

Si elle constate des retards, la Cour des comptes affirme « apprécier la pertinence et l’utilité de la politique de prévention ». Elle revient notamment sur la redéfinition ces dernières années de la stratégie et la réorganisation de la gouvernance, avec entre autres la création de Santé publique France. Elle en pointe les lacunes comme les déclinaisons au niveau régional. Et surtout « l’organisation des soins primaires en France et leur mode de rémunération » constituant « des obstacles de taille au déploiement de la prévention », selon la Cour des comptes.

Elle estime ainsi que « les conditions d’exercice de la médecine générale en France qui repose majoritairement sur un exercice isolé et un paiement à l’acte influent négativement sur l’approche de la prévention, comparativement à d’autres pays, en particulier du fait de la segmentation des acteurs ». Avant d’ajouter : « la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) peut, dans son principe, aider à décliner efficacement la stratégie nationale de santé. Toutefois, cet outil reste encore trop marginal et la place des indicateurs de santé publique trop réduite dans la rémunération globale des médecins ».

Une série de recommandations

Pour améliorer la prévention en santé, la Cour des comptes émet donc quatorze recommandations autour de quatre grandes orientations. Outre le renforcement de l’efficacité de la politique de prévention, la lutte contre les facteurs de risques et l’utilisation du numérique, une orientation porte sur les approches de prévention dans les pratiques professionnelles, avec un « élargissement du nombre des acteurs de la prévention et la systématisation des pratiques de prévention ». Un « changement d’échelle » qui devra « d’abord s’appuyer sur les médecins généralistes », souligne l’instance avant d’émettre la recommandation d’accroître la part de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) dans la rémunération des médecins.

Une enquête de la Drees en juillet dernier

Rappelons l’enquête de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) publiée en juillet dernier dans le cadre du 4e panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale. Elle pointait notamment que seulement 47 % des médecins interrogés considéraient que la ROSP avait pu favoriser les pratiques préventives dans au moins un des trois domaines considérés dans l’enquête (vaccination antigrippale, dépistage des cancers gynécologiques et démarches d’intervention brève en addictologie).


Source : lequotidiendumedecin.fr