On recrute un psychomotricien

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Publié le 06/11/2017
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Faut-il agiter le clivage gauche/droite en matière de politique de santé ? Plusieurs indices suggèrent que la santé ne serait pas frappée par cette hémiplégie, symbole de notre débat national. Et ferait même l’objet d’un consensus. La dernière campagne présidentielle en a donné une brillante illustration. Les propos de François Fillon sur la santé il y a un an (un siècle ?) ont précipité sa chute. Pour les autres candidats, les mesures sont qualifiées d’indigentes par Jean de Kervasdoué (voir dossier). Morale provisoire, on peut évoquer dans une campagne présidentielle tous les sujets… sauf celui de la santé. Second indice dans le très bel ouvrage qui réunit les livres du journaliste et essayiste Jacques Julliard*, les dernières pages sont consacrées aux raisons du naufrage de la gauche en 2017. Est pointée la désertion en rase campagne du parti socialiste sur l’école, la laïcité, la sécurité, la Nation. Le scalpel dans cette autopsie de la défaite épargne la santé qui n’est pas même évoquée. Puisqu'elle n’appartient pas aux valeurs de gauche, elle ne peut être revendiquée par la droite. Et relève donc du patrimoine national au même titre que ses paysages glorieux ou ses grands hommes. L’arrivée d’Agnès Buzyn consacre à merveille ce ni de gauche, ni de droite revendiqué depuis le début de sa conquête par Emmanuel Macron. Résultat, après six mois et un premier PLFSS, Agnès Buzyn bénéficie d’une cote de confiance inégalée. Chez les « experts » rencontrés par Décision & Stratégie Santé, la bienveillance est toujours de mise, même si percent bien ici et là quelques motifs d’inquiétudes. En attendant, Agnès Buzyn n’a toujours pas d’ennemis. Mais pour combien de temps ? Les propos tenus ici par la ministre pour le moins ne sont pas neutres. Au ni-ni, on peut leur opposer et/ou selon les cas. Sur l’hôpital entreprise, la souffrance au travail, ou le prix élevé de certains médicaments, Agnès Buzyn adopte un discours qui serait plutôt classé à gauche. En même temps, la révolution promise est de basse tension. Les nouveaux modèles de tarification ont été expérimentés outre-Atlantique et sont recommandés entres autres par l’OCDE que l’on ne peut décemment classer à gauche. Quant à l’accent mis sur la pertinence des actes, elle fait l’objet d’un consensus droite-gauche. Bref, Agnès Buzyn à la différence d’autres ministres affiche un programme et de gauche et de droite. tout en sollicitant du temps pour préciser la stratégie. Pour ce premier bilan de santé, à l’analyste politique on préfèrera faire appel au psychomotricien. Il serait trop tôt paraît-il pour savoir si Agnès Buzyn est ambidextre. A-t-elle été pendant l’enfance une gauchère contrariée ? En attendant, la santé redevient un enjeu politique. Il y aura donc à terme des gagnants et des perdants avec le risque de briser un peu cette belle popularité. L’heure de vérité, et des clivages, ne pourra pas être toujours différée…

* Jacques Julliard, L’esprit du peuple, 1 184 pp., Collections Bouquins, éd. Robert Laffont, 32 euros.


Source : Décision Santé: 309