Santé, des promesses de débat non tenues

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Publié le 04/05/2017
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Panneaux d'affichage des candidats à l'élection présidentielle 2017, Paris.

Panneaux d'affichage des candidats à l'élection présidentielle 2017, Paris.
Crédit photo : GARO/PHANIE

Nous avions fait un rêve. Celui d'imaginer une campagne présidentielle occupée, préoccupée par les questions de santé. Le réveil a été, on s'en doute un peu rude. Et pourtant tout avait si bien commencé grâce à François Fillon et sa distinction du petit et grand risque. Un concept visiblement inspiré par un professionnel de l'assurance et rejeté par tous les médecins. Martin Hirsch et Didier Tabuteau ont ensuite pris le relais avec leur idée de nationaliser les complémentaires. Les économistes de la santé ont répliqué en dégainant leurs tribunes (Cf. p. 13 à 15). Mais il n'a pas été repris par les candidats. Et a fait pschitt. Trop technique peut-être pour être discuté par le grand public.

La santé a ensuite été réduite à la portion congrue. En témoigne le grand débat de fin de campagne le 3 mai dernier où la question des déserts médicaux hexagonaux a une nouvelle fois été évoquée. Avec des réponses guère adaptées à la hauteur des enjeux. Fin de la séquence.

Le débat sur la santé n’aura donc pas eu lieu. Le contraste est saisissant avec la révolution numérique en cours préemptée par les Google, Facebook et autres IBM. « Votre santé m'intéresse », reconnaissent les Gafa, ces entreprises qui elles font rêver. Et associant le geste à la parole pour mieux nous endormir peut-être, elles sortent leur carte de crédit en nouant des partenariats par exemple avec des hôpitaux londoniens. Quant à la filiale santé de Google, Verily, a lancé le 19 avril dernier une cohorte dotée de 100 millions de dollars et « riche » de 10 000 volontaires. Au-delà de ces promesses, les recherches menées en génomiques dessinent à terme une nouvelle médecine. Cette stratégie « en marche » n'a pas davantage été évoquée par les candidats. Trop technique peut-être ou pas assez idéologique pour séduire des électeurs en quête pourtant d’intelligence et d’avenir.

Même des questions soulevées avant la campagne comme le prix des médicaments, l'accès aux innovations, le parcours de soins, l’attractivité à l’hôpital, le reste à charge n'ont guère soulevé, au-delà des paroles attendues, de vrais débats. Trop technique encore...

Faut-il se résigner à cette absence des acteurs de la santé dans le jeu démocratique ? Sûrement pas. De nombreux programmes en provenance du secteur ont d’ailleurs mobilisé les énergies. Les Think Tank ont phosphoré pour inventer un nouveau monde. Les syndicats de médecins hospitaliers et libéraux ont défriché de nouvelles pistes de travail. Les sociétés savantes s’affranchissent d’un discours corporatiste pour s’ouvrir aux autres (Cf. p. 9 à 13). Et certains médecins prennent la parole (Cf. p. 13). Que faire alors que le système de santé français est pour le moins en ébullition ? Les personnels soignants craquent. Les déficits, même s’ils sont en régression, gonflent une année après l’autre. L’essor des maladies chroniques avec son cortège d’ALD imposent une nouvelle gouvernance. L’hôpital doit davantage s’ouvrir sur la ville. Chacun appelle à la réforme inévitable… mais pour les autres. L’hôpital coûte trop cher, s’exclament les médecins libéraux. Pourquoi les médecins de ville n’assument plus les gardes ? répliquent les hospitaliers au bord du burn-out. Les médecins se déchirent. Autant de temps de gagné pour les politiques qui redoutent de s’engager sur le terrain de la santé.

Pourtant, cette campagne d’hiver a permis de faire germer quelques sérieux espoirs sur un terreau fertile. Le Collectif Santé 2017 a réuni les patients du Ciss (Collectif interassociatif sur la santé) et les industriels du Leem et du Snitem (Syndicats professionnels des médicaments et des dispositifs médicaux). Ce partage d’informations constitue une première. On annonce même le printemps raccord pour une fois avec le calendrier entre la FHF et la FHP.

Ce ciel qui s’éclaircit est attendu par tous. D’autant que cette fois, les principaux candidats n’ont pas appelé à renverser la table. Surtout pas de nouvelle loi, recommandent les experts. Pour réformer vraiment, il suffirait d’agir sur une pièce du puzzle, à savoir le levier de l’agence régionale de santé, suggère le Pr Laurent Degos (Cf. p. 9 à 12). Cette frilosité pour la réforme avait sans nul doute inspiré Emmanuel Macron encore candidat. Il avait promis cinq milliards d’euros pour l’hôpital sur cinq ans. La T2A à terme devrait représenter à terme seulement 50 % du financement. Ces engagements sont-ils pour autant tenables ? Pour une fois, la politique du court-termisme cédera-t-elle le pas à une vision d’avenir ?

Le prochain ministre de la Santé comme feuille de route devrait s’inspirer de cette suggestion : « Un taux d’Ondam n’a pas vocation à faire du Yo-Yo. Serrer la vis pour générer des déficits hospitaliers n’a pas de sens. » Elle était signée en décembre  2011 dans Décision Santé (N°280) par... Marisol Touraine. En attendant, on peut toujours rêver. La campagne des élections législatives est déjà lancée…


Source : Décision Santé: 307