Suppression de l'AME : deux plaintes ordinales contre des médecins sénateurs

Publié le 10/11/2023

Crédit photo : Phanie

Deux praticiens ont déposé ce vendredi 10 novembre des plaintes devant l'Ordre des médecins pour violation du code de la Santé publique contre deux sénateurs LR, également médecins de profession, qui ont voté la suppression de l'aide médicale de l'État (AME).

Le Sénat a adopté mardi un amendement déposé par des sénateurs LR prévoyant la suppression de l'AME, dispositif qui couvre intégralement les frais de santé des étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois, et l'a transformé en « aide médicale d'urgence » à l'occasion de l'examen du projet de loi immigration. Le texte doit désormais être examiné par l'Assemblée nationale. 

Parmi les sénateurs de droite et du centre qui ont voté la réforme figurent une quinzaine de soignants de profession, médecins, pharmaciens ou infirmière.

« Nous dénonçons, avec de nombreuses associations et professionnels de santé, la complicité de Mme Marie Mercier, sénatrice [lire la mise à jour au bas de l'article avec le communiqué de démenti de Marie Mercier, NDLR], et de M. Jean-François Rapin, sénateur, membres d'une assemblée dont les décisions portent atteinte, directement, à la santé physique et psychique d'une population connue pour être particulièrement vulnérable », écrivent dans leurs plaintes les docteurs Georges Yoram Federmann, psychiatre installé à Strasbourg, et Jean Doubovetzky, généraliste exerçant à Albi.

Contradiction avec le serment

Les plaintes sont adressées respectivement aux présidents du Conseil départemental de l'Ordre des médecins de Saône-et-Loire, où exerce la Dr Mercier, et du Pas-de-Calais, où est basé le Dr Rapin.

Selon les plaignants, les deux sénateurs visés, en votant la fin de l'AME, ont violé cinq articles du Code de la santé publique, dont l'article R.4127-7 qui stipule que « le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quelles que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu'il peut éprouver à leur égard. Il doit leur apporter son concours en toutes circonstances. »

Voter la suppression de l'AME est en « contradiction avec le serment prêté par les médecins "de protéger toutes les personnes, sans aucune discrimination, si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité " », affirment encore dans leur plainte les Dr Federmann et Doubovetzky.

Selon eux, le remplacement de l'AME par une aide médicale d'urgence représente « un recul sans précédent pour les droits et la santé publique en France ».

La Fédération hospitalière de France (FHF) avait déjà estimé mercredi que la suppression de l'AME était une « hérésie ».

[mise à jour, lundi 13 novembre] Mise au point de la sénatrice Marie Mercier

La sénatrice Marie Mercier, mise en cause dans un communiqué de l'AFP ce vendredi 10 novembre, précise n'avoir pas pris part au vote concernant la suppression de l'AME, comme en fait foi le site du Sénat. « En tant que médecin en exercice ayant prêté le serment d'Hippocrate, je ne peux en mon âme et conscience voter pour la suppression de l'aide médicale d'Etat », explique-t-elle. La sénatrice tient ainsi à « rétablir la vérité et affirme que sa position est liée au manque d'éléments communiqués et au fait que la commission des affaires sociales du Sénat n'ait pas été saisie pour avis »

Par ailleurs, ajoute Marie Mercier, le nouveau dispositif de l'aide médicale d'urgence (AMU) doit permettre de pouvoir prendre les patients quels qu'ils soient dans des conditions qui restent favorables. L'élue déplore la diffusion d'informations non vérifiées sur un sujet aussi important et quasi-diffamatoire à l'égard d'un médecin en exercice. « La sagesse, la raison et l'apaisement doivent toujours prévaloir sur le reste », conclut-elle. 

(Avec AFP)

Source : lequotidiendumedecin.fr