Salariat et exercice libéral opposés ?

Un modèle hybride souhaité entre centre et MSP

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Publié le 04/07/2019
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Rapprocher centre de santé, où les médecins et autres professionnels sont salariés, et maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), où ils sont libéraux… C’est la volonté affichée par la nouvelle division régionale Sud de Filieris (Auvergne-Rhône-Alpes, PACA, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine), lors des Journées de la médecine ambulatoire, organisées le week-end dernier à Nîmes (Gard). L’opérateur de santé issu du régime minier, gestionnaire de plusieurs dizaines de centres de santé dans l’Hexagone, prône un « partenariat ville-ville » original où médecine libérale et salariée peuvent, dans les zones rurales privilégiées par Filieris, cohabiter dans un même bâtiment.

« À Bessèges, dans le Gard, ainsi qu’à Carmaux dans le Tarn, des généralistes et cardiologues libéraux se sont installés dans nos locaux. Ces derniers payent une partie du temps de secrétariat et nous versent un loyer d’occupation. Ils sont également associés aux réunions de concertation pluridisciplinaire. Le problème, c’est qu’en tant que centre de soins, nous ne pouvons adhérer, en tant que personne morale, aux sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA) », propres aux MSP, explique Philippe Rognié, directeur régional de Filieris Sud. Le dirigeant plaide donc pour que le ministère créé un statut hybride. Il permettrait à une même structure juridique d’accueillir médecine salariée et libérale. En pratique, aujourd’hui déjà, quand un médecin est débordé ou absent, les secrétaires de Filieris redirigent indifféremment le patient vers un médecin libéral ou salarié installé dans les mêmes locaux, mais ce modèle de colocation à ses limites.

Opposition inepte

« En fait, le modèle des maisons de santé comme celui des centres de soins ne sont aujourd’hui plus adaptés », juge Emmanuel Vigneron, géographe et historien de la santé. L’universitaire exhibe des chiffres. La France compte à ce jour 2 189 centres de soins et 1 350 maisons de santé pluridisciplinaires. Mais si le nombre de centres de santé et de MSP a respectivement été multiplié par 1,2 et 3,5 au cours des six dernières années, le taux de croissance des MSP plonge depuis 2016. « Dans l’esprit de la loi, un centre de santé est un centre de médecins salariés et rien d’autre. Or, il s’agit d’abord d’un modèle médical lié à la solidarité », rappelle-t-il. Cette solidarité étant pleinement assurée par certains médecins libéraux installés dans des déserts, le géographe juge « inepte cette opposition entre médecine salariée et libérale ».

D’autant plus inepte que certains médecins passent parfois d’un modèle économique à l’autre. Une des raisons ayant poussé le Dr Marion Begot a quitté la médecine générale libérale pour un exercice salarié est le temps passé sur la paperasse. Elle résume d’une formule lapidaire la fermeture de son cabinet ardéchois : « J’ai quitté l’URSSAF en 2014. » Dès lors, Filieris pourrait-il développer des services support (comptabilité, gestion, administration) à l’attention des médecins souhaitant garder leur indépendance dans le cadre du nouveau modèle mixte qu’il prône ? La question ne s’est pas encore été posée à l'opérateur… Mais, pour Philippe Rognié, « ce sujet n’est pas tabou ».

De notre correspondant Guillaume Mollaret

Source : Le Quotidien du médecin: 9763