Cigarette électronique

Combattre les fake news

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Publié le 21/11/2019
La cigarette électronique est-elle dangereuse pour la santé ? Ces dernières semaines, plusieurs décisions de villes ou d’États sont venues un peu jeter le trouble, et en France il reste encore pas mal de fake news à combattre… Pour le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue et tabacologue, « il n’y a pas de débat entre la dangerosité de la cigarette électronique et celle du tabac ».
700 000 personnes auraient arrêté de fumer grâce au vapotage

700 000 personnes auraient arrêté de fumer grâce au vapotage
Crédit photo : Phanie

En juin, la municipalité de San Francisco a annoncé sa volonté d’interdire la cigarette électronique pour protéger les jeunes. Les fabricants de cigarettes électroniques « ciblent nos enfants avec leur publicité et les rendent accros à des produits à la nicotine », a indiqué London Breed, la maire démocrate de San Francisco. En septembre, c’est l’Inde qui a annoncé une décision similaire. Et aux États-Unis, les autorités sanitaires surveillent de près les quelques intoxications mortelles survenues chez des utilisateurs d’e-cigarettes. Et dans l'hexagone, comment est perçue l’e-cigarette ?

Aussi nocive que le tabac ?

En France, une partie du public ne reste pas insensible à cette communication négative. Dans le baromètre santé 2017, rendu public en juin par Santé publique France, 40 % des personnes interrogées pensent que l’e-cigarette est aussi nocive que le tabac et même 13,4 % qu’elle est plus nocive ! « Cela montre qu’il reste pas mal de fake news à combattre dans ce domaine. Car il n’y a pas de débat entre la dangerosité de la cigarette électronique et celle du tabac. Chaque année, le tabac tue 70 000 personnes en France. Depuis 2013, ce sont 500 000 personnes qui sont mortes du tabac dans notre pays. Dans le même temps, on n’a pas recensé un seul décès lié à l’e-cigarette », souligne le professeur Bertrand Dautzenberg, pneumologue et tabacologue à l’Institut Arthur Vernes à Paris.

Ce dernier tient aussi à remettre en perspective les cas d’intoxications mortelles signalés aux États-Unis. « Ils sont tous survenus chez des personnes qui avaient mis dans leurs e-cigarettes des produits trafiqués notamment à base de cannabis. Quand vous buvez un verre rempli de cyanure, l’intoxication sera provoquée par le cyanure, pas par le verre. Il faut donc faire attention aux messages que l’on diffuse. Les risques liés à la cigarette électroniques ne sont sans doute pas complètement nuls. Son usage n’est donc pas destiné à des gens qui ne fument pas. Mais un fumeur, lui, prend infiniment moins de risques en vapotant qu’en fumant », souligne le Pr Dautzenberg.

700 000 arrêts tabagiques 

En tout cas, les chiffres de ce Bulletin épidémiologique hebdomadaire sont venus confirmer l’importance de la cigarette électronique dans l’arrêt du tabac en France. Dans cette enquête, 700 000 personnes ont déclaré qu’elles avaient arrêté de fumer grâce au vapotage. « C’est un chiffre que ne peuvent plus ignorer les professionnels de santé qui aident à l’arrêt du tabac. Ils doivent certes continuer à proposer les traitements classiques, notamment la varénicline ou les substituts nicotiniques. Mais ils ne doivent pas hésiter à associer l’usage de la cigarette électronique, surtout si le patient est demandeur, aux substituts par patchs ou formes orales. Tout doit être fait pour qu’il ait la dose de nicotine suffisante pour ne plus fumer. Ensuite, quand il aura cessé de fumer, il sortira progressivement de la dépendance à la nicotine », indique le Pr Dautzenberg.

Certains estiment que la cigarette électronique n’est pas la solution car elle entretient une nouvelle dépendance, en l’occurrence à la nicotine. «  Il faut leur dire qu’un bon moyen de sortir de la dépendance au tabac, mais aussi la nicotine, c’est de vapoter. Au bout de trois mois, une personne qui vapote, sans fumer une seule cigarette, va prendre 90 % de nicotine en moins par rapport à ce qu’elle avalait quand elle fumait », indique le Pr Dautzenberg.

Près de 20 mois de vapotage...

Parmi les Français de 18 à 75 ans, interrogés dans le baromètre, 8 % déclarent vapoter, dont certains de manière uniquement occasionnelle. Au total, 2,7 % déclarent utiliser de manière quotidienne une cigarette électronique. Les chiffres pour 2018 font état de 5,3 % de vapoteurs occasionnels ou quotidiens. La principale nouveauté, par rapport à 2014, est la durée moyenne de vapotage de ceux qui continuent à vapoter. En trois ans, celle-ci est passée de 4 mois en moyenne à près de 20 mois. « C’est un chiffre moyen derrière lequel on trouve des comportements très différents. Les personnes de 60 ans et plus, vapotent pendant trois mois environ pour arrêter de fumer. Et pendant encore trois mois, elles gardent la cigarette électronique à portée de main, au cas où, mais sans vraiment y toucher. Les plus jeunes, eux, ont une durée de vapotage plus longue », indique le Pr Dautzenberg.

Parmi les personnes qui déclarent vapoter de manière quotidienne, seulement 1 % disent n’avoir jamais fumé avant. « Cela prouve que l’idée que la cigarette électronique attire des non-fumeurs n’est pas avérée en France », souligne le Pr Dautzenberg. Parmi les vapoteurs quotidiens, on trouve 49,5 % d’anciens fumeurs, 10,6 % de personnes qui continuent à fumer occasionnellement et 39,7 % qui continuent à le faire de manière quotidienne. Parmi ces « vapofumeurs », 80 % estiment avoir diminué leur consommation de tabac. En moyenne, ils fument désormais 8,7 cigarettes par jour contre 19,2 cigarettes auparavant. Dans ce cas, vapoter est perçu comme une première étape avant l’espoir d’un arrêt total. « Mais le fait de moins fumer en vapotant ne réduit pas vraiment le risque lié au tabac qui démarre dès la première cigarette », souligne le Pr Dautzenberg.

D’après un entretien avec le professeur Bertrand Dautzenberg, pneumologue et tabacologue à l’Institut Arthur Vernes à Paris.

Antoine Dalat

Source : lequotidiendumedecin.fr