Tabagisme passif

Des risques clairement établis

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Publié le 06/06/2019
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Tabac

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Crédit photo : Phanie

Chaque année en France, plusieurs milliers de personnes non fumeuses meurent des conséquences du tabagisme passif. « La fumée de cigarettes contient plus de 4 000 substances chimiques, dont la nicotine, des irritants, du monoxyde de carbone et plus d'une cinquantaine de substances carcinogènes », rappelle la Dr Anne-Marie Ruppert, responsable de l'unité de tabacologie de l'hôpital Tenon. La fumée de tabac se caractérise par trois courants : le courant primaire qui correspond à la fumée inhalée par le fumeur, le courant secondaire qui représente la fumée de tabac ambiante, dans la pièce où se trouve le fumeur, le courant tertiaire étant la fumée exhalée par le fumeur. Or, la fumée secondaire est encore plus toxique que le courant primaire, car certaines substances carcinogènes sont à des concentrations plus importantes et ce d'autant plus que le lieu fermé est petit (voiture par exemple).

Il est aujourd'hui établi que le tabagisme passif augmente le risque d'infarctus du myocarde de 25 % et celui d'accident vasculaire cérébral de 50 %.

Le risque de cancer bronchopulmonaire est lui aussi accru de 25 %. « Les conjoint·es de gros fumeurs paient un lourd tribut », souligne la Dr Ruppert. Certes, 85 % des cancers bronchiques sont liés au tabagisme actif, mais parmi les 15 % survenant chez des non-fumeurs, les femmes sont surreprésentées. Et, à côté des mutations EGFR et ALK, le tabagisme passif est un des facteurs causals.

Le tabagisme maternel au cours de la grossesse est un facteur de petit poids de naissance et de réduction de la fonction ventilatoire du nouveau-né. Après la naissance, il est associé à un risque accru de mort subite. Et il favorise les infections ORL et pulmonaires dans l'enfance, ainsi que la survenue et l'aggravation de l'asthme.

« Les lois existent, mais elles sont loin d'être appliquées, regrette la Dr Ruppert. L'interdiction de fumer au travail est assez bien respectée et permet de réduire l'exposition des non-fumeurs. Et depuis 2018, il est interdit de fumer en voiture en présence de mineurs de moins de 16 ans. Mais dans certains lieux publics, comme les terrasses fermées, la loi n'est pas respectée, tout comme l'interdiction de vente de tabac aux mineurs. »

Pour réduire l'impact du tabagisme passif, il faudrait appliquer les lois existantes et, bien sûr, aider les fumeurs à arrêter de fumer. « On va dans la bonne direction en s'attaquant au portefeuille, puisqu'une augmentation de 10 % du prix des cigarettes s'accompagne d'une baisse de 4 % du nombre de fumeurs, rapporte la Dr Anne-Marie Ruppert. Parallèlement, le remboursement depuis mai 2018, des substituts nicotiniques a changé la vision des fumeurs vis-à-vis des médicaments du tabac. Il apparaît comme un gage d'efficacité et de sécurité et la prescription a doublé en quelques mois ».

« Le tabagisme est une vraie maladie, qui tue un fumeur sur deux. Il faut soigner la dépendance, acquise le plus souvent à l'adolescence. Il ne s'agit pas de prévention primaire, mais d'une maladie, qu'il faut traiter », insiste la Dr Anne-Marie Ruppert.

Entretien avec la Dr Anne-Marie Ruppert, responsable de l'unité de tabacologie de l'hôpital Tenon, Paris.

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin: 9755