Le nouveau plan de bataille d’Yves Bur

Dix axes d’action pour sortir la France du tabac

Publié le 06/03/2012
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Crédit photo : AFP

« SEULE une approche globale peut apporter une réponse », insiste Yves Bur qui a remis jeudi au ministre de la Santé, Xavier Bertrand et à la secrétaire d’État à la Santé, Nora Berra, un rapport attendu après celui rendu par le Haut conseil de la santé publique (HCSP) la semaine dernière. Pour lutter contre la consommation de tabac qui entraîne chaque année en France la mort de 60 000 personnes avec un coût social estimé à 47 milliards d’euros, le député UMP préconise 10 axes d’action déclinés en plusieurs mesures qui, ensemble, permettraient de diviser par deux le nombre de fumeurs sur notre territoire à l’horizon 2025 (à 15 % de la population générale contre 30 % actuellement). « À ce moment-là, un mouvement sera engagé et on pourra envisager une sortie du tabac », estime le député. Yves Bur propose tout d’abord de « structurer le contrôle du tabac et la contribution des différents ministères » en mettant en place « une structure interministérielle spécifique pour la lutte contre le tabac », avec « un interlocuteur unique » désigné par le Premier ministre sur le modèle de ce qui a déjà été fait pour la sécurité routière. Le rapport suggère de nouveaux financements pour soutenir les actions de contrôle du tabac et de prévention des maladies non transmissibles liées au tabac, grâce notamment à une nouvelle taxe sur le chiffre d’affaires des fabricants.

Faire payer pour les dégâts.

« L’industrie du tabac est la seule à ne pas payer pour les dégâts qu’elle génère », constate le député du Bas-Rhin. Il préconise de « revoir la structure de la fiscalité du tabac pour en réduire la consommation », moyennant « des objectifs de hausses efficaces des prix ». Les recettes fiscales du tabac sont actuellement de l’ordre de 11 milliards d’euros par an alors que le coût des maladies liées au tabac atteint annuellement les 18 milliards, soit un reste à charge de 7 milliards d’euros, « l’équivalent du déficit de la Sécurité sociale pour 2012 », fait remarquer Yves Bur. Le rapport appelle aussi à « stopper l’ingérence de l’industrie du tabac et affidés dans les politiques de santé publique » en bannissant les liens d’intérêt entre l’industrie du tabac et les représentants de l’État. Il propose de « renforcer le cadre réglementaire et le faire appliquer », avec de nouvelles mesures : généralisation de l’interdiction de fumer sur les plages, « instauration du paquet neutre standardisé », introduction de la « vente sous le comptoir » (en n’exposant plus les paquets de cigarettes dans les bureaux de tabac), développement des opérations de « testing » sur le terrain pour inciter à faire appliquer les interdictions en vigueur, mise en place de sanctions plus dissuasives. Yves Bur recommande par ailleurs d’aller « vers une prise en charge complète » de la dépendance tabagique.

Son rapport suggère entre autres la prise en charge gratuite pour les personnes en Affections de longue durée (ALD), les femmes enceintes et les bénéficiaires de la CMU. Parmi ses autres champs d’action, il préconise de « rendre au tabac sa véritable image », de « développer la recherche », de « renforcer l’engagement de la France au plus européen et international » et surtout de « préparer les acteurs économiques à la sortie du tabac ». À ce titre, Yves Bur imagine une réforme du statut des buralistes pour « ne plus lier leur rémunération au volume de ventes de tabac ». Du côté des professionnels du tabac, les réactions sont forcément hostiles. Pascal Montredon, président de la confédération nationale des buralistes évoque des « propositions torchons ». Les industriels réagissent avec une certaine condescendance. Pour British american tobacco, ce document « n’apporte rien de nouveau ». Imperial tobacco qualifie ce rapport de « non-événement » tout en fustigeant son « approche excessive et irréaliste ».

Deux quinquennats.

Le ministre de la Santé Xavier Bertrand souligne au contraire « l’approche inédite de ce rapport » qui met « pour la première fois », « de façon globale et complète, l’ensemble des éléments de la Convention cadre de lutte contre le tabagisme (CCLT) » de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ratifiée par la France en 2004. Saluant le travail d’Yves Bur, le député socialiste de Paris, Jean-Marie Le Guen condamne parallèlement « l’inaction du gouvernement et, pire encore, sa complaisance envers l’industrie du tabac dont les profits ont explosé sans qu’aucune amélioration de santé publique ne soit constatée ». Tandis que l’Alliance contre le tabac voient dans les propositions du député, « des mesures incontournables pour protéger la santé des Français », le Comité national contre le tabagisme (CNCT) souligne « la qualité de ce rapport qui fera date », estimant qu’ « aucun responsable politique ne pourra désormais rester inactif ». D’ailleurs, « ce serait vraiment à l’honneur des candidats à la présidentielle de dire clairement qu’ils feront de la lutte contre le tabagisme le chantier présidentiel en termes de santé », déclare Yves Bur, précisant que son programme d’action « s’inscrit sur la durée de deux quinquennats ».

 DAVID BILHAUT

Source : Le Quotidien du Médecin: 9093