E-cigarette : des effets sur le profil lipidique et le flux sanguin coronarien

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Publié le 21/11/2019
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L’e-cigarette pourrait être néfaste à la santé cardiaque, tout comme la cigarette traditionnelle, selon deux études présentées aux Journées scientifiques 2019 de l’American Heart Association et publiées dans « Circulation ». Le vapotage est associé à une altération du profil lipidique et à une dysfonction coronarienne.
 Il existe de nombreuses données sur la tolérance d’autres thérapies de remplacement de la nicotine

Il existe de nombreuses données sur la tolérance d’autres thérapies de remplacement de la nicotine
Crédit photo : Phanie

Lancées en 2007, les cigarettes électroniques ont été commercialisées comme une alternative saine aux cigarettes traditionnelles et considérées comme une méthode de sevrage tabagique. Toutefois, alors qu’elles deviennent de plus en plus populaires, notamment parmi les jeunes, les chercheurs mettent en garde contre les possibles effets à long terme sur la santé. Des effets délétères pour le cœur ont été décrits dans deux récentes études.

Une étude dirigée par le Dr Sana Majid de l’université médicale de Boston a ainsi comparé les taux de cholestérol, de triglycérides et de glucose chez des adultes sains sans maladie cardiovasculaire (n = 476 participants de l’étude CITU) (1). Ces derniers ont été répartis en 4 groupes : non-fumeurs (n = 94), fumeurs d’e-cigarettes (n = 45), fumeurs de cigarettes traditionnelles (n = 285) ou fumeurs à la fois d’e-cigarettes et de cigarettes (n = 52).

L’analyse (avec ajustement sur l’âge, la race et le sexe) indique que seuls les fumeurs d’e-cigarette, comparés aux non-fumeurs, ont des taux supérieurs de triglycérides (97 mg/dl vs 67 mg/dl) et de cholestérol LDL (98 mg/dl vs 87 mg/dl). Les fumeurs à la fois d’e-cigarettes et de cigarettes traditionnelles ont aussi un taux plus faible de bon cholestérol HDL (43,6 mg/dl vs 51,4 mg/dl). « Notre étude montre que l’usage des e-cigarettes est associé à des profils altérés des lipides. La meilleure option pour cesser de fumer est de recourir à des méthodes approuvées par la Food and Drug administration, parallèlement au soutien comportemental », conclut le Dr Sana.

Développement d'une dysfonction cardiaque

Une autre étude, dirigée par Mohamad Rashid a étudié de jeunes adultes sains (18 à 38 ans) répartis en deux groupes : fumeurs chroniques d’e-cigarettes (n = 10) ou fumeurs de cigarettes traditionnelles (n = 9) (2). Ils ont mesuré, par échocardiographie de contraste, le changement du flux sanguin du myocarde (fonction coronarienne) survenant après l’inhalation d’une cigarette électronique (18 mg de nicotine) ou d’une cigarette traditionnelle (Camel filtre, 0,8 mg de nicotine), selon le profil. Ceci a été évalué en situation de repos, puis durant un stress physiologique engendré par un exercice de préhension (augmentant le travail du myocarde et la demande en oxygène).

Chez les fumeurs de cigarettes, le flux coronarien s’élève modérément après l’inhalation d’une cigarette, mais il s’abaisse considérablement après une inhalation de cigarette concomitante au stress (malgré la demande accrue en oxygène). De façon surprenante, chez les fumeurs d’e-cigarettes, le flux sanguin coronarien diminue après l’inhalation de l’e-cigarette aussi bien au repos qu’au cours du stress.

« L’usage de la cigarette électronique semble être associée à une dysfonction vasculaire coronarienne, même en l'absence de stress physiologique (persistant au repos). Ces résultats confirment la nécessité de poursuivre les recherches sur le profil d'innocuité de l'usage chronique des e-cigarettes », concluent les chercheurs.

« Il est possible que l’e-cigarette soit aussi nocive, sinon plus, notamment pour les patients à risque de maladie vasculaire », prévient le Dr Susan Cheng, co-signataire de l’étude et directrice de recherche en santé publique au Centre Médical Cedars-Sinai à Los Angeles. « S’il n’y a pas de données sur la sécurité à long terme des cigarettes électroniques, il existe en revanche de nombreuses données sur la tolérance d’autres thérapies de remplacement de la nicotine », souligne le Dr Rose Marie Robertson, directrice adjointe scientifique et médicale de l’American Heart Association (AHA).

(1) S. Majid et al., Circulation, 10.1161/circ.140.suppl_1.14980, 2019
(2) M. Rashid et al., Circulation, 10.1161/circ.140.suppl_1.14816, 2019

Dr Véronique Nguyen

Source : Le Quotidien du médecin